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Magazine PROF n°29

 

Dossier Ils ont décroché, ils ont repris pied

Une image de soi à reconstruire

Article publié le 01 / 03 / 2016.

Mais qu’est-ce que je fais ici ? À quoi ça sert ? Ces questions, au cœur des récits de nos témoins, les ont conduits à jeter l’éponge. Parfois pour longtemps. Puis à raccrocher.

Fatima (1), qui a repris aujourd’hui une 3e professionnelle, le résume bien : « Je pense que j’ai décroché parce que je ne savais pas exactement ce que je voulais faire. Je restais à l’école, en classe ou dans le bureau des éducateurs. Mais je ne travaillais plus… »

© Fotolia/Remains

Si cette absence d’implication dans le travail se traduit souvent par de l’absentéisme qui, s’amplifiant, finit par exclure l’élève, elle prend aussi la forme du « présentéisme », sorte de présence absente. « Ma tête était ailleurs », se souvient Guillaume Vandeberg (lire"Du laisse béton à la reconstruction").

Pourtant, cet « ailleurs », ce n’est pas nulle part. Certains ont un projet diffus, exprimé parfois de manière négative. Diego Bastin, le jeune apprenti de M. Vandeberg le souligne: «  Je savais juste qu’étudier, ce n’était pas pour moi ».

(Re)construire un projet, cela leur a pris du temps. Car cela a supposé, pour la plupart, déconstruire une image négative d’eux-mêmes, bien ancrée. « Je ne m’intéressais à aucun cours », explique Sébastien Ruiz, qui a décroché en 4e, puis a conquis les certificats d’enseignement secondaire inférieur (CESI) et supérieur (CESS) en promotion sociale. Johnny De Muer, lui, explique avoir décroché « parce que l’école m’ennuyait et que j’avais dépassé le nombre de jours d’absence. Quand on a perdu la motivation, il y a peu de chances de la retrouver ». Et plusieurs le soulignent : le décrochage, les échecs, le renvoi, c’était de leur faute.

« On m’a orienté en option tourisme »

L’ennui, le manque de motivation jouent parfois sur la santé, ce qui n’arrange rien. Diego, l’apprenti de M. Vandeberg, et Salomé Singh, ont consommé du cannabis. « Du fait que je ne faisais rien, j’en fumais plus, confie cette dernière. Et si un événement me rend triste ou casse mon moral, la beu amplifie le phénomène. J’étais dans un cercle enfermant ».

D’autres récupèrent à l’école le temps de veille passé devant l’écran. « En 2e, se souvient Sébastien Ruiz, je passais la plupart du temps à dormir en classe et je jouais beaucoup à des jeux vidéos à la maison ». Pour Johnny De Muer, une plus grande autonomie aggrave la situation. « En 5e, j’ai été dans un kot et j’ai décroché. Je travaillais pendant le week-end, je sortais beaucoup. Alors j’étais fatigué le lundi. J’étais bordélique, j’ai fait des conneries. J’ai commencé à manquer l’école des semaines complètes… »

Cette image négative se nourrit aussi des changements d’écoles et d’options. À cause d’un mauvais choix, parfois. Salomé Singh s’est orientée vers une section artistique pour suivre ses amis.

Parfois, l’option, ils ne l’ont pas choisie. Hân1 explique qu’après un redoublement de la 1re secondaire, il est orienté vers une classe technique option tourisme « Tourisme dans tous les sens du terme. Je n’ai pas choisi ». Après une 2générale et une 3transition, Sébastien Ruiz passe en 4qualification.

Aucun intérêt pour les apprentissages ? Le tableau se nuance parfois. En 3e, Sébastien Ruiz s’est mis à travailler dans certains cours et a même réussi l’un des plus difficiles.

Quant à Jessica Penneman, si elle a abandonné l’école secondaire en 5e, pour passer le jury central, c’est justement parce qu’elle jugeait qu’on y passait trop de temps à discuter de la vie en commun, au détriment des apprentissages.

« Ça m’a donné confiance en moi »

À des rythmes différents, par des routes rapides ou des chemins plus escarpés, nos interlocuteurs ont raccroché à des études ou à une formation.

Jessica Penneman, qui avait quitté l’école par « défi intellectuel » s’est mise à travailler huit heures par jour « comme pour un blocus ». Et le succès n’a pas tardé. « En décembre, j’ai réussi la 1re session d’examens en français et en maths au jury central. Je me suis dit Ouf, ça marche et ça m’a
donné confiance en moi et envie de continuer ».

La valorisation de lui-même, Guillaume Vandeberg, qui a raccroché à une formation de maçon à l’Ifapme, l’a puisée dans le regard posé par des adultes. Celui de son patron qui l’a valorisé et celui de l’enseignant du Centre de formation qui le défie de diriger une petite équipe lors d’un stage en Italie.

Fatima, elle, a trouvé son projet en participant à des stages dans des crèches, durant son séjour au Service d’accrochage scolaire. « J’ai choisi une école où on forme des puéricultrices et qui a un bon niveau. J’ai envie de passer ma qualification en 6e et d’obtenir mon CESS en 7e puériculture ». Quant à Salomé Singh, bien encadrée dans un SAS, notamment par une psychologue et par une assistante sociale, elle a retrouvé dans une nouvelle école « un cadre plus petit, plus familial, des cours intéressants, des projets où j’ai pu exprimer mon libre arbitre ».

C’est le constat d’un manque qui a poussé Sébastien Ruiz à conquérir le CESI, puis le CESS. « J’ai commencé à constater mes lacunes culturelles et intellectuelles. Dans ma famille, on est curieux et j’étais vraiment en décalage par rapport à mes sœurs ». Au bout de la formation ? La fierté retrouvée. « J’ai terminé le CESS avec distinction. Dans cette section, environ deux-cents personnes passent le test d’entrée, cinquante sont admis et cinq, environ, sortent diplômés ». Johnny De Muer, lui, a fini par suivre des formations au Forem : « J’ai touché à tout, détaille-t-il. On ne faisait pas toujours la même chose. On était 60% en entreprise et 40% à l’école. Ce qui m’a aidé à raccrocher, c’est l’envie d’avoir un emploi, de construire quelque chose ».

Des feux se sont allumés

Pour Hân, retourné sur les bancs d’une école de promotion sociale à l’âge de 21 ans pour obtenir le CESS, « des feux se sont allumés », attisés par les regards portés sur lui qui ne possède que le CEB. Chemin faisant, il a découvert dans un livre « la beauté des mathématiques ». Devenu enseignant, lui qui disait regretter qu’à l’école les enseignants ne lui « ouvraient pas l’horizon », il prend soin d’éveiller la curiosité de ses élèves. « Je pense que pour qu’ils comprennent bien quelque chose, il faut qu’ils le découvrent et l’expérimentent eux-mêmes. Alors, je leur donne des défis, j’essaie de relier les maths à l’histoire, de leur montrer que ça fait partie du patrimoine. Je leur dis Trouvez-moi trois nombres impairs dont la somme fait 30. Ils essaient, n’y arrivent pas et après, ils veulent savoir pourquoi ».

(1) Prénoms d’emprunt.

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