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Magazine PROF n°11

 

Dossier École et jeunes en danger

Des écoles à l’écoute

Article publié le 01 / 09 / 2011.

Face au jeune en crise, l’école peut se centrer sur sa mission première, l’apprentissage, en toute légitimité. Elle peut aussi se tourner vers d’autres pistes internes, pour éviter le décrochage ou pire. Jean-Luc Tilmant, enseignant mais aussi formateur à l’écoute et à l’aide, en évoque plusieurs, parmi lesquelles le sas d’écoute.

En septembre 2011, il existe une quinzaine de sas d’écoute interne aux écoles, dans le spécialisé comme l’ordinaire, le secondaire comme le primaire (1). Il s’agit de lieux où le jeune – un à la fois, car le cadrage est individualisé – peut se confier à un adulte, en toute confidentialité (sauf si l’on estime le jeune en danger majeur). L’élève y est invité : on ne le force jamais.

Porte fermée, l’adulte écoute, mène une conversation structurée et, avec l’accord du jeune, envisage des pistes de solution ou passe le relai à un opérateur plus qualifié. Selon Jean-Luc Tilmant, « avec une dizaine d’enseignants bénévoles, une ou deux heures semaine, et l’aide d’un éducateur, on peut aller loin ». La permanence se fait pendant les cours : « Le jeune doit pouvoir venir sans procédure compliquée. Ce qui demande une confiance de tous, une bonne communication ».

Face au « J’veux parler, msieur ! », le refus de l’enseignant peu préparé est légitime. Pour entrer dans cette dynamique d’écoute, il faut se sentir à la hauteur, et en sécurité. C’est la raison pour laquelle M. Tilmant propose des formations à l’entretien d’aide. L’une d’elles était organisée début juillet pour une douzaine d’enseignants de l’Institut des Ursulines, à Mons, qui envisage la création d’un sas d’écoute interne.

Avant de s’engager

Une participante se demande comment les élèves osent pousser la porte. « On n’inverse pas de suite la loi du silence, répond M. Tilmant. D’abord, peu viendront. Le relai vers une ressource ou une solution enclenchera le bouche à oreille ». Une collègue se dit interpelée par des élèves en difficulté familiale et scolaire. Une troisième estime difficiles l’écoute dans le temps scolaire et la limite entre apprendre et aider. Pour M. Tilmant, « le cadrage temporel et spatial est très important : invité à accepter un rendez-vous, le jeune apprend la réflexion, le choix, le fait que l’adulte n’est pas à son service immédiat ».

Quand une enseignante évoque ses pleurs face à certaines révélations, le formateur dédramatise : certains faits demandent de faire sentir au jeune que c’est du lourd. Et que faire avec un élève qui vient régulièrement ? « Certains lâcheront leur pain d’un coup. D’autres, par tartines ».

Un caractère institutionnel

Bien sûr, un sas ne fonctionne qu’avec l’accord et le soutien écrits du pouvoir organisateur, de la direction, du CPMS – qui peut aider avec ses ressources et une supervision annuelle –, et des participants. Selon M. Tilmant, après trois jours de formation, il faut un jour d’institutionnalisation, ou plus si nécessaire, pour que tous les partenaires se mettent d’accord sur les procédures : « Cela évite des dérapages éventuels ». Par ailleurs, chaque année, M. Tilmant propose une supervision annuelle des équipes qu’il a formées.

Selon nos interlocuteurs, les entretiens qui se déroulent dans ces lieux de parole portent principalement sur la sphère familiale, sur les conflits entre pairs, ou sur les conflits avec les professeurs. « Sans en parler, on peut entendre cette problématique. Une médiation – délicate – ne se fera qu’avec l’accord du jeune, si le collègue a une relative flexibilité ».

Émilie Derhet, éducatrice à Jambes, concède que « la permanence réduit le temps pour le travail administratif. Mais, pour les entretiens, on a du temps, sans être dérangé par le téléphone ou une urgence ». Directeur d’un établissement scolaire à Liège, Thierry Detienne estime qu’un tel sas interne permet de maintenir l’élève dans le contexte scolaire : « Un élève sur deux a évolué en travaillant la relation au groupe, le respect des consignes, au travers d’exercices comportementalistes. Cela améliore la résistance des enseignants et leur plaisir d’enseigner. Mais, on assure le dialogue entre les animateurs des ateliers et les enseignants, on pratique l’auto-évaluation et l’évaluation collective, on couple cela avec un effort sur la remédiation».

Un sas de décompression

Dans son école, M. Tilmant a aussi mis sur pied un sas de décompression, « un lieu où on peut laisser passer la crise d’un enfant, avec des accessoires (gants de boxe, sac de frappe,…) et des activités, avec présence d’un adulte ou pas, si nécessaire. Une règle : on demande au jeune de retirer ses chaussures avant d’entrer. S’il le fait, c’est que la crise n’est pas trop grave ».

Par ailleurs, une trentaine d’« écoles citoyennes » adhèrent à une charte (2). En pratique, lors de chaque rentrée, et par groupes, les élèves réfléchissent à comment vivre ensemble. Leurs travaux débouchent sur une charte commune. Pour la faire respecter, un conseil de citoyenneté réunit des représentants de tous les acteurs de l’école, ainsi que des élèves élus et des ceintures noires. Comme au judo, tous les élèves démarrent avec une blanche. À chaque bulletin, leurs compétences de savoir-être sont évaluées et ils peuvent atteindre la noire en deux ans. Si la démarche de ce conseil n’aboutit pas avec un élève, celui-ci retombe sous la coupe du règlement d’ordre intérieur.

Patrick DELMÉE

(1) Dans le primaire, l’instituteur pratique l’entretien dans sa classe et non dans une structure plus large.
(2) http://www.miec.be/notre_charte.html et http://isfconcit.jimdo.com. Voir aussi https://ecolecitoyenne.org/