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Magazine PROF n°38

 

Dossier Déclaration universelle des Droits de l'Homme : 70 ans

Dis, c’est quoi, les droits de l’homme ?

Article publié le 06 / 06 / 2018.

Philosophe et professeur émérite de l’ULB, Guy Haarscher vient de publier Dis, c’est quoi, les droits de l’homme (1). Ce dialogue avec sa fille de 22 ans constitue une belle entrée en matière…

PROF : Quand on pense « droits de l’homme », on pense à un monolithe intouchable. Votre livre démonte cette idée reçue…
Guy Haarscher :
Il faut distinguer deux choses. D’une part, depuis le 18e siècle, les droits de l’homme sont considérés comme les droits les plus fondamentaux, auxquels il faut toucher avec beaucoup plus de précautions que les autres ; qu’il faut beaucoup mieux protéger, par exemple en les insérant dans les constitutions.

D’autre part, les droits de l’homme ont évolué. Ça ne veut pas dire qu’ils sont dépassés. Ils ont été étendus, appliqués aux femmes, aux minorités… Et on a aussi ajouté des couches de droits : des droits sociaux, le droit humanitaire, et aujourd’hui on évoque le droit au développement ou à un environnement sain.

Les droits humains s’enrichissent donc, mais il peut y avoir un danger. On parle beaucoup aujourd’hui du droit des minorités à l’autodétermination. Mais si dans les années ’70 les Régions de France avaient eu davantage d’autonomie, la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse n’aurait pas été votée. Aujourd’hui, au nom de la liberté de conscience et du respect de la sensibilité des individus, on réduit la liberté d’expression… Si vous acceptez ça, à un moment tout sera détricoté…

Comment concilier le caractère universel des droits de l’homme et leur aspect historique ?
Si on voit les droits de l’homme comme une liste à appliquer, c’est simpliste. Mais il ne faut pas non plus tomber dans le relativisme absolu. À mon sens, le Traité de Lisbonne (1) formule bien les choses en parlant de valeurs européennes parce que nées en Europe, en raison de circonstances historiques, mais qui sont en même temps universelles.

L’Europe ne va pas les imposer par les armes, mais les propose au reste du monde. De plus en plus, d’ailleurs, elle introduit des clauses relatives aux droits humains dans les conventions qu’elle négocie.

Il y a donc matière à débat sur les droits de l’homme…
Quand on est un individu indigné, on a des convictions, on n’exerce pas le pouvoir et le réalisme n’est pas notre affaire. Par contre, quand vous exercez le pouvoir, vous devez faire preuve de réalisme. Jusqu’où ? Je pense que le réalisme doit être surveillé, par des citoyens intransigeants, dans un dialogue vigoureux. Parce que le réalisme risque d’aboutir à l’oubli total des droits de l’homme.

Dans le livre, je montre que les droits de l’homme constituent un affaiblissement de l’État. Dans certaines circonstances, face à un danger énorme, l’État peut être amené à limiter ces droits. Il y a là deux exigences légitimes : d’une part que l’État respecte les droits de ses citoyens et d’autre part qu’il les protège…

Propos recueillis par
D. C.

(1) Paru à la Renaissance du livre