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Magazine PROF n°9

 

Dossier L'art à l'école

L’art à l’école, un luxe ?

Article publié le 01 / 03 / 2011.

Quel bénéfice les enfants peuvent-ils retirer d’une éducation par l’art ? Est-ce à l’école de jouer ce rôle ?

Créer, imaginer : voilà des concepts que l’on associe aux démarches artistiques. Est-elle innée, la créativité, cette capacité de réaliser une production à la fois nouvelle, c’est-à-dire originale et imprévue, et adaptée au contexte dans lequel elle se manifeste ? Pour bon nombre de psychologues, l’enfant commence par déformer la réalité pour l’adapter à ses désirs. En progressant dans son développement, il utilise de plus en plus le mode de pensée réaliste.

© PROF/FWB/Jean-Michel Clajot

Le psychologue Todd Lubart observe que la créativité décline vers 9-10 ans : jusqu’à cet âge, l’enfant fait des associations libres pour trouver de nouvelles idées. Puis, la pensée divergente (celle qui explore dans plusieurs directions, invente le maximum de réponses possibles, recherche des solutions nouvelles) se transforme en même temps qu’apparaissent de nouvelles capacités de développement logique. Une fois maitrisées, ces capacités, qui s’accompagnent de connaissances toujours plus larges, favoriseront les processus créatifs (1).

Le psychologue Paul Harris, lui, fait de l’imagination un moteur du développement de l’enfant. Loin d’être un exutoire aux contraintes de la réalité, elle joue un rôle-clé dans la construction des connaissances tout au long de la vie. Elle produit des émotions, permet de comparer des résultats réels avec ce que l’on aurait pu imaginer, mais aussi d’envisager très tôt des alternatives à la réalité (2). Et ces processus sont à l’œuvre dans de ombreux domaines. « L'enquête scientifique commence toujours par l'invention d'un monde possible, ou d'un fragment de monde possible », expliquait le biologiste Peter Medawar (3).

Psychopédagogue et professeur à l’École supérieure des arts visuels La Cambre, Pascalia Papadimitriou rappelle que l’art, fait de propositions décalées, de structures que l’on fait exploser, donne à voir différemment. Il permet donc à l’enfant de se décentrer, c’est-à-dire de quitter son poste d’observation narcissique pour en saisir d’autres. Et il offre aux adolescents une façon de faire éclater des stéréotypes présents dans les modes de pensée plus traditionnels.

L’art : une bonne école

Mais les activités artistiques ont-elles leur place à l’école ? Elles répondent clairement à plusieurs objectifs du décret Missions : promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne, amener les élèves à prendre une place active dans la vie culturelle, en faire des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société ouverte aux autres cultures et leur assurer des chances égales d’émancipation sociale ? (4)

Des objectifs atteints ? Observant le travail mené en classe avec des artistes, le philosophe Paul Kerlan estime que les enfants développent là des capacités et des compétences inattendues : une pratique et un esprit d’atelier modifient les comportements et les projections de ou dans la tâche, modèlent autrement les articulations de la pensée et de l’action sur les plans individuel et collectif (5).

Si l’art à l’école peut aussi être un puissant moyen d’éduquer l’attention, il permet une autre individualisation de la relation. En effet, l’enseignant se réfère à une norme commune d’apprentissage tandis que l’artiste utilise d’autres repères : l’œuvre elle-même et le travail de l’enfant. Paul Kerlan note cependant que l’éducation artistique est une bonne école pour l’apprentissage des règles et des normes, vu les contraintes imposées par l’atelier et celles de l’activité artistique confrontée aux lois et aux logiques du projet, à la résistance des choses et des matières. Enfin, la présence d’un artiste en classe change le regard des enseignants sur leurs élèves. Le philosophe recommande que cet apprentissage soit confié à des artistes (ou à des enseignants pratiquant un art). Et que l’enseignant soit au cœur de l’expérience esthétique vécue par sa classe, la vivant pour lui-même et en y accompagnant l’enfant.

© PROF/FWB/Jean-Michel Clajot

Un rôle citoyen

Daniel Vander Gucht, sociologue et professeur à l’ULB, va plus loin : l’école doit initier les élèves à l’art. « Pour jouer son rôle citoyen, elle doit les familiariser avec les œuvres, les doter d’outils de compréhension et de critique. Car un certain bagage culturel fait partie des codes sociaux. Laisser cette liberté à la famille revient à jouer pleinement l’arbitraire social. Enfin, l’art, qui met en avant la faculté d’inventer et d’expérimenter, et invite à sortir des formes imposées, ne répond-il pas à la demande du marché du travail ? »

Pour le sociologue, ouvrir aux arts la porte des écoles demande de dépasser certains obstacles, comme le manque de formation des enseignants, et des idées reçues : « l’art ne s’apprend pas », « c’est une activité accessoire ». Cela demande aussi, de la part des acteurs culturels, un travail de médiation et une volonté de démocratiser l’accès à l’art à l’école.

Après un « état des lieux » détaillant les possibilités qu’offrent les décrets en matière d’éducation à l’art et d’enseignement artistique dans l’enseignement obligatoire, ce dossier présente quelques projets mis en place dans des écoles fondamentales et secondaires. S’y pose notamment la question des retombées pédagogiques mais aussi, dans le cas d’un travail mené avec des « artistes en résidence », celle des limites et du rôle des enseignants.

(1) LUBART T., Psychologie de la créativité, Armand Colin, 2003.
(2) HARRIS P., L’imagination chez l’enfant, son rôle crucial dans le développement cognitif et affectif, Paris, Retz, 2007.
(3) Cité par F. Jacobs dans Le Jeu des possibles, Paris, éd. Fayard, coll. Le temps des sciences, 1981
(4) https://www.gallilex.cfwb.be/fr/leg_res_01.php?ncda=21557&
(5) KERLAN P., « L’école, les savoirs et la culture », dans La culture au cœur de l’enseignement, Actes du colloque du 17 novembre 2008 dans Les Cahiers de Culture et Démocratie, 2008.

Du pain sur la planche

En 2006, la première conférence mondiale de l’Unesco sur l’éducation artistique a souligné son importance dans l’apprentissage (1). En écho, le Parlement européen a voté en mars 2009 une résolution recommandant que l’enseignement artistique soit obligatoire à tous les niveaux de la scolarité. Et toutes les politiques éducatives européennes insistent sur la nécessité de promouvoir les aptitudes artistiques et créatives des jeunes. Un beau concert, donc.

Un gros bémol, pourtant : études et recherches pointent le décalage entre les principes et la réalité. Selon une enquête réalisée en 2007-2008 (2), la moitié des États européens consacrent à l’éducation artistique entre 50 et 100 heures par an en primaire et de 25 à 75 heures dans les deux premières années du secondaire. L’offre s’amenuise donc avec l’âge et, parmi les disciplines, l’accent est souvent mis sur la musique et les arts plastiques. Théâtre et danse sont incorporés aux cours de langue maternelle et d’éducation physique. Et l’éducation artistique ne pèse pas lourd quand il s’agit de décider si un élève est apte à passer dans la classe supérieure.

Difficile de ne pas percevoir les fausses notes dans cette partition ! La formation artistique lacunaire des enseignants et le développement d’autres lieux d’éducation artistique (académies, ateliers,…) n’expliquent pas tout. D’une manière quasi générale, les disciplines artistiques se jouent en mineur à l’école, au bénéfice des apprentissages de base et de matières jugées plus pertinentes pour la réussite économique et académique…

(1) Rapport final sur http://www.unesco.org/new/fr/culture/themes/creativity/arts-education/world-conferences/2006-lisbon/
(2) L’éducation artistique et culturelle à l’école en Europe, Agence exécutive Éducation, Audiovisuel et Culture-P9 Eurydice, 2009. https://journals.openedition.org/reperes/234

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