Magazine PROF n°10
Dossier École et écran
Ils éduquent à l’icône
Article publié le 01 / 06 / 2011.
L’éducation aux médias fait partie des compétences à développer par l’école. Donner à l’élève des clés pour analyser les contenus de l’écran et en produire lui-même. Comment remplit-elle cette mission ?
D’aucuns jugent la télévision dangereuse et ne l’approchent qu’avec une extrême précaution. D’autres l’abordent après un tri esthétique, moral ou qualitatif. Enfin, comme le philosophe Touraine, certains considèrent chacun capable de comprendre, de produire, en autonomie, pour peu qu’on lui fournisse les clés du décodage.
L’éducation à l’image télévisée peut user de ces trois approches. Elles ont toutes des qualités mais aussi des défauts. La première cautionne le plaisir de fréquenter l’interdit. La deuxième ne décode qu’une partie des contenus. La troisième laisse certains se débrouiller mieux que d’autres et crédibilise les médias, pas seulement les meilleurs.
En Communauté française, le Conseil supérieur de l’éducation aux médias (CSEM) a adopté cette dernière attitude pour former les enseignants. Pour son président, Tanguy Roosen, l’éducation aux médias et à l’icône (1), c’est d’abord découvrir des œuvres, les analyser, en développant le sens critique. C’est aussi produire. Pour lui, l’idéal est d’entrer dans ce domaine par toutes les portes et pas par une seule. Depuis de nombreuses années, dans la plupart des pays européens, la tendance est d’exercer cette compétence, de façon transversale, comme l’indiquent le décret Missions, les socles de compétences et plusieurs compétences terminales.
Une compétence transversale
Mais si tout le monde est responsable et se repose sur les autres, au bout du compte, n’est-ce pas personne ? « Le CSEM se penche sur cette analyse, répond M. Roosen. Beaucoup d’enseignants ignorent ce que les jeunes utilisent comme médias. D’autres n’ont pas le matériel, le temps, les outils pédagogiques, la formation initiale ou continuée. En faire une compétence disciplinaire est une hypothèse parmi d’autres d’un groupe de travail du CSEM qui détermine les compétences médiatiques à acquérir par les études et tout au long de la vie, et à les décliner en référentiels ».
Longtemps partisan de la transversalité, le professeur François Heinderyckx (ULB), est clair : « Jusqu’ici, on ne jette que des gouttes d’eau dans la
mer ». Et, provocateur : « Pourquoi ne pas faire de l’éducation aux médias la matière la plus importante, sur laquelle se grefferaient les cours disciplinaires ? Les médias sont au cœur de toute la société et les choses se dégradent ». Un signe ? Violette Grégoire, de l’Institut de la formation en cours de carrière, annonce pour le secondaire et les trois prochaines années des formations d’éducation critique des médias et d’usage des TIC, qui permettent des productions médiatiques, toutes ciblées sur des disciplines.
Le président du CSEM rassure : « Énormément d’enseignants sont compétents dans le domaine. Nous avons en ligne un catalogue d’opérateurs qui peuvent les aider. Et, depuis la création du Conseil de l’éducation aux médias en 1995, la machine frémit : un décret plus large en 2002, la création du CSEM et de trois centres audio-visuels. En 2011, la Déclaration de Bruxelles montre l’adhésion européenne à cette priorité. Dans les écoles, mais aussi dans la formation tout au long de la vie ».
Trêve d’atermoiements. Les adultes ont la responsabilité de tracer la voie pour les plus jeunes. Et selon Serge Tisseron, « avant tout, de faire parler les enfants en leur laissant le droit de penser des choses très différentes. Qu’ils confrontent leurs points de vue. Qu’ils voient comme c’est enrichissant. En restant prudents. L’image apporte aussi une part de résonance intime que l’enfant doit pouvoir garder comme jardin secret ».
(1) Pour prendre du recul : EuroMéduc. L'éducation aux médias en Europe. Controverses, défis et perspectives. Éd. resp. Patrick Verniers, Bruxelles, 2009,https://media-animation.be/IMG/pdf/Euromeduc_FR.pdf
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