logo infos coronavirus
logo infos Ukraine
logo du site Mon Espace
logo du pacte d'excellence
logo FAQ+
logo des annuaires scolaires
logo espace enseignant
logo des communiques de presse
logo du magazine PROF
 

Magazine PROF n°56

 

Coté psy 

J’ai un zèbre dans ma classe

Article publié le 05 / 12 / 2022.

Laurence Nicolaï est psychopédagogue, enseignante en haute école et fondatrice du CVIM, le centre pour la valorisation des intelligences multiples à Liège.

Laurence Nicolaï et son équipe pluridisciplinaire du CVIM, accompagnent des élèves à haut potentiel intellectuel (HPI) en difficulté. Des jeunes qui n’ont pas encore trouvé des stimulations en suffisance, la reconnaissance dans ce qu’ils font ce qu’ils sont, qui ont perdu la confiance en eux. Alors que de nombreuses séries télévisées caricaturent les HPI, Laurence Nicolaï va nous aider à remettre l’église au milieu du village.

Il faut dépasser ses à priori et connaitre l'autre dans sa différence.
Il faut dépasser ses à priori et connaitre l'autre dans sa différence.
© Laurence Nicolaï
 

Surdoué, douance, haut potentiel, haut potentiel intellectuel, ce vocable définit-il la même chose ?

Dans le langage courant, oui. Mais on utilise des termes différents selon les pays. La différence entre HP et HPI c’est que l’on précise que le haut potentiel est relatif à une évaluation cognitive.

Au Canada, on est plus ouvert, on y parle surtout de douance et de talent(s). Cela englobe toutes les capacités d’une personne comme le précise notamment Howard Gardner (1) dans sa théorie des intelligences multiples : verbo-linguistique, logico-mathématique, visuo-spatiale, kinesthésique, musicale, interpersonnelle, intrapersonnelle et naturaliste.

Ici, en Belgique, on utilise plutôt le vocable haut potentiel intellectuel, car pour bénéficier des aménagements raisonnables prévus par la loi, il est nécessaire de présenter un test de quotient intellectuel ou d’attester de troubles associés sur base d’un bilan de moins d’un an. L’élève HPI est identifié par des tests psychométriques liés à la cognition mais aussi grâce à une analyse clinique rigoureuse effectuée par des psychologues et neuropsychologues compétents. Au Canada, les tests sont plus globaux.

Petit à petit, en Belgique, certains professionnels de l’éducation parlent des différentes potentialités comme Catherine Cuche (2), Docteure en psychologie de l’UCLouvain, qui propose la définition du haut potentiel suivante : « Le haut potentiel intellectuel correspond à une ou plusieurs capacités intellectuelles s’écartant significativement de la norme et qui s’inscrivent dans un réseau d’interconnexions ancrées dans le temps entre des facteurs modérateurs (individuels et environnementaux), des habiletés sous-jacentes et des domaines de réalisation associés. »

Pourquoi, familièrement, appelle-t-on « zèbres » les enfants HPI ?

Tous les zèbres ont des rayures différentes. Ils sont tous différents même s’ils sont tous des zèbres. Donc, un enfant HP, en fonction de sa personnalité, exprimera son haut potentiel différemment. Il sera comme le zèbre, différent des autres HP de par ses talents, ses centres d’intérêt.

Être HPI, c’est quoi ?

Un élève HPI est un élève qui a été évalué via différents tests. Le test principal est celui du quotient intellectuel basé sur les échelles de Wechsler. Ces tests évaluent les différentes potentialités cognitives d’une personne. Pour être HPI, il faut un QI entre 125-130. Après, différents profils cognitifs sont possibles via différentes zones : raisonnement perceptif, compréhension verbale, mémoire de travail… Soit on est HPI dans une seule zone, soit dans plusieurs. On évalue donc plusieurs zones. On peut avoir un profil homogène, quand tous les résultats vont dans le même sens. Ou hétérogène avec des zones de force, des zones dans la moyennes et d’autres zones en difficultés ou plus faibles.

Dans les classes, on a l’impression que le nombre d’enfants HPI est en augmentation. Réalité ou ressenti ?

Disons que comme on teste tous les enfants pour faire des aménagements raisonnables, on les repère plus vite et mieux. On est aussi plus sensibilisé.

Les enfants dits HPI sont-ils plus intelligents que les autres ?

Un enfant HPI est intelligent comme tous les autres enfants, mais il est différent car plus rapide, plus vif et avec une meilleure mémoire. Scientifiquement, on constate notamment que la gaine de myéline des neurones des HPI est plus épaisse.

Tel un sportif de haut niveau qui a de bons résultats sportifs parce qu’il est doué et parce qu’il travaille ce don, le HPI a besoin d’être stimulé pour nourrir ses potentialités. Ce n’est pas tout d’être HPI si on n’entretient pas ses capacités. Sans oublier la citation Men sana in corpore sano.

Dans l’imagerie populaire, le HPI est souvent présenté comme hyper sensible ou avec des difficultés scolaires.
Caricature ?

On peut être HP et hyper sensible. Tout comme on peut être hyper sensible et pas HP. Puis hyper sensible au niveau émotionnel ? Sensoriel ? Il ne faut pas faire d’amalgame.

Quant aux difficultés scolaires, il faut aussi détecter si l’élève n’a pas des troubles d’apprentissage associés. L’un pouvant cacher l’autre.

Il faut veiller à ne pas éteindre la petite flamme en ne stimulant pas suffisamment l’élève. C’est pour cela qu’il est essentiel de différencier les apprentissages.

Quels sont les signes qui indiqueraient qu’un élève pourrait être HPI ?

Il ne s’agit pas de faire des généralités. Je parlerais d’indices. Un élève plus rapide, plus vif, avec une bonne mémoire et qui est tout le temps en questionnement. Il pourrait aussi faire preuve d’un vocabulaire, d’un raisonnement plus évolué, en écart à la moyenne des enfants de son âge. Mais il faut être attentif car, parfois, des troubles associés masquent les choses.

Des autotests sont régulièrement pratiqués par les parents, comment les enseignants peuvent-ils réagir face à ces autodiagnostics ?

Les questions des tests pour HPI sont confidentielles et ne se trouvent pas sur Internet. Ces tests, pour être valides, doivent être faits dans de bonnes conditions, par des neuropsychologues, des psychologues expérimentés. Les autotests en ligne n’ont aucune valeur scientifique et ne sont pas valables non plus dans les demandes d’aménagements raisonnables.

A contrario, certains parents refusent que leur enfant réalise ces tests par crainte d’une étiquette. Qu’en pensez-vous ?

Je les comprends. Par exemple, un enseignant qui a un élève HPI dans sa classe pourrait être tenté de dire dans le cadre d’un exercice raté, ou une notion incomprise « Comment ne sais-tu pas cela, si tu es HPI ? »

Même si je constate une évolution dans la perception des élèves à besoins spécifiques, il y a encore du chemin à faire. Lorsque nous allons dans une école comme relais entre l’élève et les enseignants, pour mettre en place des aménagements raisonnables, nous évitons, dans la mesure du possible, de donner le détail des chiffres des résultats des tests, sauf si les parents ou l’élève le demandent car certains enseignants ne les croient pas (surtout quand il y a un trouble associé).

Les HPI sont des enfants à besoins spécifiques (3). Comment les enseignants peuvent-ils faire pour que cela se passe au mieux pour tous ?

Faire de la différenciation. Faire du tutorat, mais que ce ne soit pas toujours l’élève HPI qui soit le tuteur. Il faut de la réciprocité. Chaque enfant peut être tuteur dans son domaine de prédilection. On peut aussi mettre en place des projets de haut niveau. C’est-à-dire, lorsque l’élève a fini ses tâches, lui permettre d’élaborer un projet sur un sujet qui l’intéresse pour le stimuler dans des domaines différents de ceux qu’il apprend en classe.

Je dirais aussi aux enseignants de ne pas rester accrochés au premier à priori et d’apprendre à connaitre l’autre dans sa différence. Ces enfants à besoins spécifiques ont à enrichir et à s’enrichir au sein de leur classe.

Propos recueillis par Hedwige D'HOINE

(1) Howard Gardner est un psychologue du développement américain, professeur de sciences de l’éducation à l'Université de Harvard, et professeur de neurosciences à l’Université de Boston, père de la théorie des intelligences
multiples.

(2) CUCHE C., BRASSEUR S., Le haut potentiel en questions, Mardaga, 2017.

(3) La fiche-outil spécifique Aménagements raisonnables – Haut potentiel intellectuel [HPI] est accessible sans identification sur la plateforme de ressources pédagogiques de la FW-B e-classe.

Moteur de recherche

La dernière édition

Toutes les éditions

Retrouvez toutes les éditions de PROF.

Tous les dossiers

Retrouvez également tous les dossiers de PROF regroupés en une seule page !