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Mise en ligne le 7 mai 2024

Promenons-nous dans les bois…

Tous les quinze jours, Peggy Delbecque emmène ses élèves de première maternelle dans les bois. Depuis plusieurs années, cette institutrice de l’institut Saint-Henri à Houthem est une adepte de l’école du dehors.

© FWB/PROF

C’est au domaine provincial du Palingbeek, à un jet de pierre d’Ypres, que Peggy Delbecque a choisi d’emmener ses élèves. Un endroit qu’elle connait depuis son enfance. « Nous n’avions pas de voiture à la maison, alors nous venions ici pour nous changer les idées », confie-t-elle. Autant dire qu’elle connait le lieu comme sa poche.

La matinée débute par une visite de la ferme, située non loin du parking. Les enfants s’y pressent pour admirer les animaux, en particulier les agneaux nés il y a quelques semaines. Les personnes qui travaillent ici ne sont pas surprises : elles se sont habituées à voir passer « Madame Peggy » et ses élèves.

La classe traverse ensuite le verger pour se rendre au bois. Mais avant, il faut aller saluer le cheval, qui semble attendre le groupe à la barrière de son enclos.

« La même chose qu’à l’intérieur, mais différemment »

Assis sur un tronc, les enfants entonnent des chansons sous la direction de l’institutrice. Pendant ce temps, « Madame Tiffany », la puéricultrice, prépare discrètement l’activité du jour : sans bruit, elle cache des œufs de différentes couleurs un peu partout dans le bois.

Le chant terminé, chacun se voit remettre une boite dont les cases ont été colorées. Il faut la remplir avec des œufs de la couleur correspondante. Un apprentissage qui n’a rien d’évident pour des enfants si jeunes.

L’institutrice se souvient qu’à ses débuts, emmener ses élèves à l’extérieur n’allait pas de soi. Certains considéraient même ces excursions comme une sorte de récréation prolongée.

Pourtant, Peggy Delbecque n’en démord pas : on apprend tout aussi bien en dehors des murs de la classe. « C’est l’occasion de faire la même chose qu’à l’intérieur, mais différemment », explique-t-elle. « On ne doit pas aller acheter des jetons en plastique pour apprendre aux enfants à compter. Ici, on compte avec des glands qu’on ramasse dans les bois. »

Madame Tiffany signale que tout est en place : la chasse peut commencer ! Les plus téméraires partent à l’aventure, tandis que les moins assurés préfèrent rester à proximité des adultes. Pour certains, qui viennent d’entrer à l’école, c’est la toute première fois qu’ils viennent ici.

Malgré l’agitation qui règne, les enfants restent étonnamment calmes et les cris sont rares. Une situation bien différente de celle vécue en classe. À cause des obstacles qui jonchent le sol, certains trébuchent et tombent. Pourtant, aucun ne se met à pleurer. « Dans les bois, on apprend à tomber et à se relever », explique l’institutrice, qui s’émerveille des changements que provoque cette immersion dans la nature sur ses élèves.

Petit à petit, les boites se remplissent. Madame Peggy et Madame Tiffany aident ceux qui peinent à les compléter ou rapportent des œufs de la mauvaise couleur. En échange d’une boite complète, les enfants reçoivent une couronne de lapin qu’ils décorent avec des feuilles et des brindilles qu’ils trouvent autour d’eux.

© FWB/PROF

L’indispensable communication avec les parents

Tous les enfants ont à présent complété leur boite. Ils mangent une collation, assis en arc de cercle au milieu des arbres. L’institutrice et la puéricultrice profitent de l’occasion pour prendre quelques clichés. Ils seront publiés sur le groupe Facebook privé créé pour échanger avec les parents.

Pour l’enseignante, une bonne communication est essentielle à la réussite d’un projet comme celui-ci. « Les enfants ne parlent pas », se justifie-t-elle. Envoyer des photos et expliquer le déroulement de la journée permet de rassurer les parents et de leur montrer ce que les enfants apprennent au cours de leurs excursions.

En fin d’année, l’institutrice a également pour habitude de convier les parents à une sortie au Palingbeek. La formule semble fonctionner puisqu’à leur demande, toutes les classes de maternelle de l’institut Saint-Henri Houthem se sont mises à l’école du dehors !

Découvrir la nature pour mieux la respecter

La collation terminée, les enfants sont libres de s’occuper comme bon leur semble pendant quelques minutes. Aucun jouet à l’horizon, et pourtant les bambins semblent s’amuser comme des fous. « Ici, ils n’ont pas besoin de choses pour jouer », observe Peggy Delbecque. La nature leur suffit.

Déjà, la matinée touche à sa fin. Il faut songer à partir. Sur le chemin du retour, la classe fait tout de même un détour par la mare afin d’observer les grenouilles. Elles n’ont pas encore commencé à frayer, mais quelques-unes se laissent tout de même apercevoir, pour le plus grand bonheur des élèves. L’automne dernier, c’étaient des écureuils qui avaient enchanté leurs balades.

Tout ce qui est vu dans les bois n’est peut-être pas au programme, mais pour Peggy Delbecque c’est important : « On crée des habitudes. Des enfants qui aiment la nature ne vont pas la détruire », affirme l’enseignante, membre du mouvement des Profs en transition. D’ailleurs, depuis que l’école du dehors a été mise en place à Saint-Henri, elle constate que les parents aussi font davantage attention à l’environnement. « Ils ont parfois plus à apprendre que les enfants », s’amuse l’institutrice.

Inculquer aux petits et aux grands le respect et l’amour de la nature, c’est sans doute l’un des enjeux majeurs de l’éducation au 21e siècle. L’initiative de « Madame Peggy » lui a d’ailleurs valu une apparition dans le documentaire A l’école du climat aux côtés d’autres enseignants qui abordent les questions écologiques avec leurs classes.

Après ce dernier arrêt, il est temps de rejoindre le bus, qui attend sur le parking, et de rentrer en classe pour faire le point sur ce qui a été vu.

"Madame Peggy" (à gauche) et "Madame Tiffany" (à droite) emmènent les élèves à la découverte de la mare.
© FWB/PROF

Pas seulement dans les bois

Peggy Delbecque admet qu’elle bénéficie d’un cadre idéal pour faire découvrir la nature à ses élèves. Pourtant, selon elle, il serait dommage de s’interdire de faire cours dehors parce qu’on n’a pas la chance de vivre dans un endroit aussi préservé. Pour l’enseignante, « il y a toujours un petit espace vert dans chaque ville » dont on peut profiter.

D’ailleurs, l’institutrice n’hésite pas à emmener ses élèves sur le Ravel et dans la rue. Là, ils se livrent à d’autres activités : lecture du paysage, chasse aux chiffres et aux lettres, recherche d’objets… Les possibilités ne manquent pas !

Et d’ailleurs, pourquoi se limiter au fondamental ? Selon elle, certains apprentissages au secondaire pourraient aussi être réalisés hors des murs de la classe. Peggy Delbecque se souvient d’ailleurs avoir été contactée par une enseignante de latin qui était intéressée d’expérimenter l’école du dehors avec ses élèves. « L’expérience s’est très bien passée, elle était enchantée », affirme l’institutrice.

Axel ERNST
 

Bien faire cours dehors, ça se prépare !

Emmener ses élèves à l’extérieur est une chose ; les amener à apprendre en est une autre. Interrogée sur ce qui lui a permis de mettre en place avec succès l’école du dehors dans son établissement, Peggy Delbecque insiste sur l’importance cruciale d’une bonne formation.

Les enseignants intéressés peuvent se tourner vers différents organismes. En voici quelques-uns :

  • L’IFPC propose plusieurs formations à l’école du dehors, qui visent principalement un public du fondamental :

- Engagement, curiosité et envie d'apprendre pour tous en lançant un projet d'Ecole du dehors en maternelles, P1 et P2 (Code de la formation : 010402314).

- L'école du dehors, une piste dans la transition socio-écologique. Réflexions et pratiques en P1-P2 (Code de la formation : 110102304).

 - L'école du dehors, une piste dans la transition socio-écologique. Réflexions et pratiques en P3-P4 (formation reportée à l’année 2024-2025).

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