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Mise en ligne le 08 septembre 2023

Les écoles peuvent adapter le calendrier de certaines réformes

Soucieux de garantir la soutenabilité des réformes du Pacte, pour les équipes éducatives, le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a réexaminé, avec les représentants des acteurs de l’école réunis au sein du Comité de concertation, le calendrier et les modalités de mise en œuvre des réformes prévues par le Pacte.

© FWB/PROF

Le Pacte est en effet fondé sur la conviction que, pour rencontrer les défis du système scolaire, il faut en même temps pouvoir se baser sur une feuille de route inscrite dans la durée, et veiller en permanence à l’impact des réformes, pour les ajuster chaque fois que nécessaire aux réalités des équipes éducatives.

Même si de nombreuses évolutions avaient déjà été décidées par rapport à la feuille de route initiale du Pacte, la prise en compte de la soutenabilité des réformes pour les équipes éducatives devait être renforcée.

Parmi d’autres mesures, le Gouvernement a ainsi prévu de permettre aux écoles de mettre en œuvre certaines réformes au moment où elles le jugent plus opportun, en fonction de leurs réalités et priorités. 

Toutes les écoles s’engagent dans la logique d’autonomie et de responsabilisation instaurée par le Pacte pour un Enseignement d’excellence. Mais toutes ne vivent pas les mêmes réalités.

Cette évidence a conduit le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles à prévoir la possibilité de période transitoire pour la mise en œuvre de certaines des réformes du Pacte pour un Enseignement d’excellence.

Si bien qu’à l’exception des réformes créant droits ou obligations pour les élèves, comme la nouvelle procédure de maintien (principe d’égalité oblige), le Gouvernement envisagera désormais la possibilité de période transitoire pour chaque future réforme.

Il s’agit de laisser la possibilité aux écoles de mettre une réforme en œuvre au moment où elles le jugent le plus opportun dans un laps de temps donné, en fonction de leurs réalités et de leurs priorités, telles que définies notamment dans leur contrat d’objectifs. Lorsqu’une marge de manœuvre sera définie par le Gouvernement, les écoles concerteront la date de mise en œuvre au sein de leur conseil de participation.

En cohérence avec les objectifs de son plan de pilotage

Il appartiendra évidemment aux écoles d’assurer la cohérence entre leur contrat et la date de mise en œuvre d’une réforme concernée par cette marge de manœuvre. Le Gouvernement a d’ores et déjà proposé qu’une marge de manœuvre soit possible à propos de la mise en œuvre des dispositifs suivants: le Dossier d’accompagnement de l’élève (DAccE), le plan de formation, le portfolio des enseignant, l’accompagnement/soutien/évaluation des enseignants, le dossier « éducation culturelle et artistique » (DECA) de l’élève ou encore les nouvelles dispositions relatives aux conseils des délégués.

Le format électronique du DAccE n’a pas été rendu obligatoire dès cette rentrée 2023 : les écoles décident si elles veulent utiliser l’applicatif DAccE dès cette rentrée, en 2024-2025 ou en 2025-2026.

Le nouveau plan de formation ne devra être intégré au plan de pilotage/contrat d’objectifs qu’au plus tard lors de l’élaboration du deuxième plan de pilotage.

La partie 1 du portfolio des enseignants (relatif à leur formation en cours de carrière) ne devra être généralisée qu’à la rentrée 2025-2026. En septembre 2021, PROF vous expliquait les contours de la formation professionnelle continue, dont le calendrier est donc assoupli. Les attestations de fréquentation pourront être rentrées sous format électronique (via Mon Espace) ou papier jusqu’à la fin 2025-2026.

Accompagnement, soutien et évaluation : le Gouvernement le Gouvernement a clarifié les dispositions transitoires et le Parlement a approuvé le décret relatif au soutien, au développement des compétences professionnelles et à l'évaluation des personnels de l'enseignement (lien vers le projet de décret tel qu’approuvé) qui contient les mesures destinées à faciliter l’appropriation du dispositif sur le terrain sans mettre une pression trop importante sur les directeurs et les équipes éducatives.

Pour le carnet de bord de l’élève (dans le cadre du parcours d’éducation culturelle et artistique) et les conseils des délégués, la mise en œuvre sera laissée à l’appréciation des écoles dans un laps de temps qui devra être défini, en lien avec les objectifs de leurs plans de pilotage et contrats d’objectifs.

Outre cette possibilité de marge de manœuvre, le Gouvernement a également décidé, entre autres choses, de limiter le nombre de réformes qui feront l’objet de textes légaux d’ici les élections de 2024. Elles concerneront le décrochage scolaire, l’orientation vers le spécialisé, la mise en place des écoles du tronc commun, et les activités orientantes dans les dernières années du tronc commun.

D. C.  

Une souplesse concertée

Les fédérations de pouvoirs organisateurs saluent la souplesse décidée par le Gouvernement, qui a été concertée. Réactions de leurs responsables.

Directeur général du Secrétariat général de l’enseignement catholique (Segec), Étienne Michel souligne que « cette mesure d’assouplissement a fait l’objet d’un dialogue assez étroit avec les Fédérations de pouvoirs organisateurs et l’orientation prise est la bonne. Il faut en effet considérer que le plan de pilotage doit être l’élément de régulation interne de l’école. Une école, pour se conduire avec pertinence, doit se fixer des objectifs dans une temporalité crédible. La mesure décidée par le Gouvernement offre cette possibilité d’adaptation de la temporalité. »

« Le plan de pilotage n’est pas une des réformes du Pacte mais il est au niveau de l’école la dynamique qui porte l’ensemble des réformes. Il est donc hautement souhaitable que le cadre des réformes s’inscrive dans le cadre du plan de pilotage. »

Michel Bettens, Secrétaire général de la Fédération des établissements libres subventionnés indépendants (Felsi), indique que la Felsi est « plutôt favorable à la souplesse, de manière générale », mais que « dans ce cas-ci, nous sommes un peu dubitatifs. Nous avons un peu peur que la souplesse se retourne contre les écoles qui décideront de ne pas monter dans le train, qui risque donc d’avancer mais pas pour tous. »
« Nous sommes conscients que les directions ont eu à faire face à un grand nombre de réformes. Et effectivement le train va trop vite et il convient de ralentir la vitesse, mais plutôt pour tout le monde et de façon cohérente. Le report de l’obligation d’utiliser l’application informatique pour le DAccE (Dossier d’accompagnement de l’élève) est un bon exemple. Utiliser une version papier pendant un an comme c’est désormais possible ne dispensera pas l’équipe de pratiquer le DAccE… On ne fait que déplacer les choses. »

« Le conseil qu’on donne, c’est de monter dans le train »

Monter dans le train ou rester à quai relève du pouvoir organisateur (PO) d’une école, ajoute M. Bettens. « La Felsi n’est pas un PO et il n’y a pas de lien hiérarchique entre la Felsi et les PO. Nous avons un rôle de conseil, de soutien et d’accompagnement. Les PO qui décideront de rester à quai, on les accompagnera au mieux. Mais le conseil qu’on donne, c’est de monter dans le train… »

Administrateur délégué du Conseil des pouvoirs organisateurs de l'enseignement officiel neutre subventionné (CPEONS), Sébastien Schetgen précise lui aussi que la souplesse décidée par le Gouvernement a été étroitement concertée. « Nous avons insisté pour que soit identifié ce sur quoi il était possible d’apporter un peu de souplesse et là où ce n’était pas opportun. Il n’était pas question d’introduire des facteurs d’inégalité entre élèves, et c’est pour ça que tout ce qui touche à l’évaluation, au redoublement, ou au maintien, n’est pas concerné par cette marge de manœuvre. »

M. Schetgen souligne lui aussi que les directions « ont suffisamment dit ces derniers temps qu’elles sont confrontées à de nombreuses réformes, avec des temps d’adaptations parfois très courts des processus ou des outils ». Même si la souplesse concerne le primaire et que les écoles affiliées (via leur PO) au CPEONS sont d’autres niveaux d’enseignement, M. Schetgen voit là « un signal positif : chaque PO va pouvoir décider du timing de certaines réformes. »

« Le Gouvernement a bien fait de lâcher du lest »

C’est exactement la même réaction du côté de Wallonie-Bruxelles Enseignement (WBE). Julien Nicaise, Administrateur général, observe que « c’était une demande émanant du terrain, relayée par les directions du fondamental qui ont été beaucoup sollicitées. Cette décision positive du Gouvernement va permettre de poursuivre le déploiement du Pacte dans une périodicité plus soutenable. »

« Mener de front les mesures qu’il a fallu prendre durant la crise sanitaire, puis ses conséquences, et les nouveautés liées aux réformes du Pacte, ont conduit à ce trop-plein. Le Gouvernement a très bien fait de lâcher du lest. »

En tant que pouvoir organisateur des écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles, WBE n’imposera pas de consigne unique à ses écoles, quand une marge de manœuvre justifie une analyse au cas par cas. « Pour le DaccE, par exemple, nous laisserons le choix aux écoles d’utiliser directement l’application informatique dès cette année ou plus tard. On incite nos écoles à l’utiliser, mais on ne force pas. »

« Un calendrier soutenable » 

Secrétaire général adjoint du Conseil de l’enseignement des communes et des provinces (CECP), Dominique Luperto rappelle qu’ « en octobre 2021, lors d’un séminaire sur l’état de la mise en œuvre des réformes, auquel ont participé tous les membres du Comité de concertation du Pacte, nous avons vite compris que le nombre de réformes en 2022-2023 et 2023-2024 serait plus que conséquent. Nous ne nous écartons pas de l’objectif du Pacte, mais nous avons alors questionné la soutenabilité de ce calendrier de réformes. » 

« À l’époque, il n’a pas été question de reports (à l’exception de la réforme des Centres PMS), mais d’un renforcement de la dynamique de concertation. Par la suite, des tensions syndicales autour de l’évaluation des enseignants, mais aussi l’expression plus forte de la surcharge vécue par les directions du fondamental, ont conduit le Gouvernement à décider de mesures d’assouplissement. »

« Le plus simple aurait été de reporter sur 5-6 ans des mesures prévues sur 2-3 ans. Puisque les maitres-mots du Pacte sont autonomie et responsabilisation des acteurs, le Gouvernement a fait le choix logique de permettre pour certaines mesures une mise en œuvre au moment le plus opportun, en cohérence avec le plan de pilotage, avec l’accord du DCO, et selon un calendrier balisé par une date de début et de fin possible. »

« Notre première crainte était que cela conduise à des écoles à plusieurs vitesses, contraires à l’équité. Le Gouvernement a rassuré puisque cette souplesse n’est pas possible pour les réformes touchant à des droits et obligations des élèves (comme les procédures de maintien). »

« Sur la possibilité de ne pas utiliser dès cette rentrée le format numérique du DAccE, et même si ça rend l’implémentation du DAccE plus soutenable, le CECP est plus réservé. Les écoles peuvent se passer du format numérique pour les deux bilans en cours d’année, mais le bilan final de juin devra passer par le numérique. Nous craignons que les écoles qui choisiront le papier n’aient malgré tout une surcharge administrative… »

Cette question de la charge administrative liée à des réformes que le CECP approuve et juge pertinente, préoccupe Dominique Luperto, qui espère que les reports permettront d’améliorer les outils en simplifiant les procédures. Pour le du CECP, l’essentiel est de poursuivre dans la nouvelle gouvernance du système éducatif et dans l’implémentation du tronc commun, en garantissant la soutenabilité des réformes, notamment par la simplification administrative…
 

Recueilli par D.C.

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