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Mise en ligne le 08 septembre 2023

Éveil aux langues et année médiatique ?

Dans la classe de 3e maternelle de Christopher Diaz, à l’école Saint Jean Bosco à Quiévrain, l’éveil aux langues est une fenêtre ouverte sur le monde et sur la collaboration.

Je ne suis pas polyglotte, je fais surement des erreurs, mais je me suis lancé.
Je ne suis pas polyglotte, je fais surement des erreurs, mais je me suis lancé.
© FWB/PROF

Christopher Diaz est instituteur depuis plus de 26 ans et ce n’est pas sans appréhension ni scepticisme qu’il a vu arriver l’activité éveil aux langues dans sa classe de 3e maternelle : « Tout le monde pensait qu’il fallait apprendre une langue aux enfants. Et moi, je ne suis pas formé pour. J’ai juste mon bagage des langues en secondaire. Ce que j’ai appris de mon papa espagnol et tout seul, grâce à ma passion pour la musique. Je voyais cela comme une charge supplémentaire. Déjà que pour faire  acquérir le français, ce n’est pas simple. J’étais vraiment sceptique. » 

Pourtant, quand on regarde le bilan de cette année écoulée, on peut se dire que le défi est relevé. Comment d’une activité d’éveil aux langues, cet enseignant a-t-il réussi à faire échanger ses élèves avec des enfants de Caroline du Sud ? Comment a-t-il participé avec sa classe au clip vidéo Feliz Navidad  de Suarez et Maria Del Rio ? Comment ont-ils pu chanter avec Alice on the roof et l’inviter sur scène à une fête scolaire? Mais aussi avoir les encouragements de Slimane ? 

Les langues de la classe

Une matinée dans sa classe donne les clés de réponse à ces questions. Christopher Diaz et ses élèves chantent ! En français bien sûr. Mais aussi, entre autres, dans les dix langues parlées à la maison par ses petits élèves : l’anglais, le togolais, l’italien, l’espagnol, le turc, l’arabe, le néerlandais, l’allemand...

Ce mercredi, dernière semaine de l’année, Christopher Diaz a composé un blues dont les paroles sont : « 1-2-3, je compte sur les doigts (ndlr : dans les langues parlées à la maison des enfants) et même si l’on est différents, par nos langues et nos couleurs. On a tous, enfants ou grands, les mêmes rêves au fond du cœur. »

L’occasion pour les enfants de demander à leurs parents comment ils comptent et disent 1-2-3 dans leur langue d’origine. Après un medley des chansons apprises cette année, la classe présente Pop ! Pop est la mascotte de l’outil Tradanim (labélisé Manolo) qu’ils utilisent pour faire de l’éveil aux langues. Pour les remercier de leur chanson, Pop leur a envoyé un petit message vidéo via les réseaux sociaux.

La danse pour découvrir le monde

Enfin, pour poursuivre l’activité du jour, les élèves observent les vidéos prises lors de leur sortie pédagogique la semaine précédente lors du  festival de danses folkloriques de Saint-Ghislain.

L’occasion pour la classe de non seulement faire de l’éveil aux langues, mais aussi de l’éveil. Quelles sont les tenues portées par les danseurs et danseuses ? Quels sont les instruments utilisés ? Quelle langue parlent-ils ? Comment dansent-ils ? Une occasion pour eux de danser comme les artistes rencontrés. Et ça chante et ça bouge dans la classe. L’éveil aux langues, c’est aussi cela.

Christopher Diaz en profite pour situer sur la terre via Google Earth les différents pays rencontrés lors de cette sortie : le Surinam, l’Argentine, la Colombie et l’Afrique du Sud. Comme le relève Serena, « dans ce pays, ils sont de l’autre côté de la terre. Et quand nous on dort, eux ils sont réveillés. »

Si Google Earth est utilisé pour situer les pays du monde, si l’application Tradanim est utilisée pour guider certaines activités d’éveil aux langues, le numérique est l’outil qui a permis à cette classe d’avoir une année très médiatique.

Les réseaux sociaux pour collaborer

En effet, la classe de Christopher cartonne sur Tik Tok. Leur chanson sur l’alphabet atteint plus de 750 000 vues. « En fait, mon objectif via les réseaux sociaux est de mettre en valeur le métier d’instit’ maternel. Alors quand j’ai commencé les activités d’éveil aux langues, j’ai utilisé le chant et la musique, car cela me parlait et j’ai partagé les activités. »

« Sur les réseaux, on ne voit jamais les enfants et je suis hyper vigilant sur tout ce que je poste. J’ai, bien entendu demandé l’accord de ma direction, du pouvoir organisateur et des parents. »

« Alice on the roof a vu la chanson de Noël où les enfants chantentJe t’aime dans plein de langues différentes. Elle nous a fait la surprise et le bonheur de nous accompagner en vidéo et puis sur scène. Ensuite, nous avons aussi fait une apparition dans la chanson espagnole Feliz Navidad reprise par Maria Del Rio et Suarez. »

« Grâce aux réseaux sociaux, j’ai fait la connaissance de Maire-Laure Lannette et Laurie Cyrille, qui sont des compositrices et autrices françaises de comptines chansignées (Des comptines et des signes). Nous avons collaboré et composé une chanson pour la fête des mamans. Les enfants ont ainsi découvert la langue des signes ».

Bilan de cette première année d’éveil aux langues

Et le scepticisme qu’il ressentait il y a un an ? « Il faut reconnaitre que c’est du boulot en plus, mais c’est tellement riche qu’on y gagne en connaissances et en savoirs. Les enfants apportent tellement de choses. Il faut savoir rebondir. »

« Ensuite, j’avoue que l’application Tradanim est un très chouette outil qui facilite bien les choses. Il est très motivant et les enfants accrochent bien. Une fois par semaine, je fais des activités avec Pop. Et s’ajoute à cela des activités musicales. En fait, les enfants adorent apprendre comment on dit les choses dans une autre langue. Pas pour apprendre à la parler, mais pour savoir comment ça se dit. Et puis, ils sont tellement enthousiastes et retiennent tellement vite. »

« Je sais que certains ont peur de se tromper, de faire des erreurs, de ne pas savoir bien dire. Je pense qu’il faut aller dans des domaines dans lesquels on se sent bien et partir de là. Moi c’est la musique. D’autres c’est l’art, la cuisine… tout est possible pour faire de l’éveil aux langues. Il faut oser. »

« Le but au final c’est de découvrir les autres, le monde. Puis si des collègues ont peur, ils peuvent me suivre sur les réseaux et utiliser nos chansons. Je ne suis pas influenceur et je ne gagne rien sauf le plaisir de partager et de mettre en avant le travail d’instit maternel et celui des enfants. »

« Je ne suis pas bilingue ni trilingue. Je me trompe parfois, je fais des erreurs de prononciation dans certains mots. Il ne faut pas oublier que c’est de l’éveil. Nous aussi, en tant qu’adultes, on écoute des chansons, on regarde des films, on mange des plats sans forcément connaitre la langue. »

Chants, danses, éveil, et bien d’autres choses encore. Voilà une matinée bien remplie pour ces petits élèves qui terminent leur 3e maternelle. Une année bien riche en découvertes et en ouverture sur le monde.

Pour suivre les réalisations musicales en éveil aux langues de Christopher Diaz via sa page Facebook ou sur Tik Tok @chrispasidi. 

Hedwige D'HOINE

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