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Mise en ligne le 02 janvier 2024

À quoi ressemble le travail d’enseignant en prison ?

L’enseignement à distance se développe, notamment en prison via la plateforme Cell-Learning. Rencontre avec une enseignante qui accompagne des détenus dans leurs apprentissages.

© iStock

L’histoire du Cell-Learning

Depuis plus de vingt ans, l’enseignement de promotion sociale, qui peut délivrer des diplômes ou des attestations de réussite, est présent dans les prisons.

En 2018, l’E-learning (enseignement à distance) du Service général du Numérique éducatif a initié un travail collaboratif afin de mettre son offre de formation à disposition des détenus. Le Cell-Learning est né et s’est progressivement déployé. Cette plateforme d’apprentissage interne au Service public fédéral Justice permet aux détenus de se préparer entre autres aux épreuves certificatives externes du secondaire (CE1D, CE2D et CESS) organisées par le service des Jurys.

Un enseignant-tuteur assure à distance le suivi des détenus en corrigeant les devoirs qu’ils hébergent sur le Cell-Learning. Un autre suivi se déroule quant à lui dans les murs de la prison. C’est là qu’entrent en jeu les formateurs d’Ateliers de Pédagogie Personnalisée (APP), comme Annick. Ces formateurs accompagnent les détenus tout au long de leur parcours de formation par le biais d’ateliers organisés dans le cadre du projet REINSERT de l’enseignement de promotion sociale et du Fond social européen. Les APP se font les relais des différentes problématiques techniques et pédagogiques propres à l’utilisation et au suivi des modules de l’E-learning depuis les prisons.

Être capable de tout enseigner

À côté des trois établissements de l’enseignement de promotion sociale dans lesquels elle travaille, Annick De Winter se rend à la prison de Nivelles deux jours par semaine. Elle accompagne plusieurs dizaines de détenus par an. Ils étaient 44 durant l’année scolaire 2022-2023.

Ces journées sont divisées en deux : la matinée est consacrée à l’accompagnement individuel et l’après-midi au soutien d’un petit groupe sur le Cell-Learning.

Les séances individuelles prennent la forme d’un accompagnement pédagogique individualisé et permettent d’établir un bilan de compétences pour définir un projet professionnel et un plan de formation.

« Je dois pouvoir tout enseigner selon leurs aspirations », souligne Annick De Winter. Du français aux mathématiques, en passant par les sciences, la compatibilité ou encore la gestion. Aucun domaine n’est délaissé. « Le seul truc sur lequel je bute, ce sont les langues parce que je ne suis pas du tout douée », concède-t-elle. Annick doit parfois se replonger dans certains cours pour rafraichir sa mémoire.

L’accompagnement en groupe est principalement dédié au Cell-Learning. Sur la plateforme, les détenus peuvent consulter les cours, faire leurs devoirs et les envoyer à leur enseignant-tuteur qui les corrige et les commente.

« C’est un E-learning cadenassé par la réalité carcérale », précise Annick De Winter. Comprenez, qu’il n’est pas possible de naviguer sur internet ni même d’accéder à la plateforme sans la présence d’un APP. Pour cette raison, les détenus peuvent imprimer les cours pour poursuivre leur apprentissage dans leur cellule.

Les détenus, acteurs de leur réussite

Le Cell-Learning permet de se préparer entre autres au Jury central pour tenter de décrocher son CE1D, CE2D ou CESS. Mais une minorité finit par passer l’un de ces examens. D’où l’importance de bien comprendre leur objectif professionnel. Pour cette raison, Annick De Winter n’hésite pas à proposer des formations professionnalisantes et qualifiantes dans des écoles d’enseignement de promotion sociale ou dans des Centres d'insertion socioprofessionnelle (CISP).

Selon elle, il est primordial qu’un détenu choisisse la formation qui lui correspond. « L’accompagnement pédagogique personnalisé, c’est tendre une perche aux détenus mais c’est à eux à tirer dessus pour que la barque avance. On met juste des balises et c'est à eux à enclencher le moteur. Ils sont acteurs de leur future réussite. »

Combien de temps dure cet accompagnement ? « Jusqu’à la libération ou après un abandon », lâche Annick. Même après avoir été diplômé ou avoir réussi une formation, il est toujours possible de suivre des cours. « Certains ont leur CESS et reviennent pour maintenir leur cerveau en éveil ou garder un rythme intramuros et éviter de rester sur leur lit. »

Dans une vie antérieure, Annick De Winter était déjà confrontée à des détenus… au CPAS de Namur. Enseigner en prison est une sorte de suite logique. « J’ai été séduite par les objectifs à atteindre et le fait de pouvoir accompagner les détenus vers un programme de réinsertion. »

De temps en temps, des réunions avec d’autres agents d’insertion se tiennent. « On est tellement isolé dans notre prison que ces réunions sont importantes. C'est compliqué pour moi d’en parler avec mes collègues des autres établissements où je travaille parce qu'on ne vit pas la même réalité. »

Loïs DENIS
 

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