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Magazine PROF n°11

 

Focus 

Frontal ou coopératif, c’est pas kif-kif

Article publié le 01 / 09 / 2011.

Certains voient dans l’apprentissage coopératif plusieurs avantages qui ne se limitent pas à l’acquisition de savoirs. C’est le cas de Michel Staszewski, qui le pratique dans ses cours d’histoire.

Licencié en histoire, Michel Staszewski enseigne depuis 35 ans. Il travaille actuellement à l’Athénée royal de Jette. Il y privilégie particulièrement le travail en sous-groupes. Pour lui, « il s’agit d’un moment d’apprentissage durant lequel les apprenants travaillent ensemble dans des groupes suffisamment petits pour que chacun puisse participer effectivement à une tâche commune, sans la supervision directe et immédiate de l’enseignant ». Il utilise moins l’enseignement frontal, au cours duquel l’élève a tendance à démissionner de la réflexion et de l’esprit critique. « Dans la confrontation d’avis, on a plus de chances de susciter la réflexion, la remise en question des idées fausses ».

Représentation, réflexion...

Par exemple, lorsque des élèves de 6e secondaire travaillent sur l’évolution des institutions politiques et du problème linguistique, M. Staszewski leur demande d’abord une représentation du problème à partir d’une question : « Comment expliquez-vous que des partis de défense des intérêts néerlandophones apparaissent fin du 19e siècle et des intérêts francophones en 1964 ? ». Une réflexion individuelle est suivie d’un travail en sous-groupe, d’abord sans documentation. « L’enseignant crée l’énigme en mettant les élèves en situation de se poser des questions ». Puis les sous-groupes peuvent travailler de la même façon sur le même sujet avec la documentation fournie par l’enseignant ou bien rechercher eux-mêmes des documents. Chaque séquence se termine par un moment de travail collectif pour mettre en commun et corriger les productions des sous-groupes, qui sont ainsi à chaque fois « socialisées ». Dans ce cas, les élèves sont demandeurs de cette correction.

M. Staszewski utilise cet outil de la 3e à la 6e. De même qu’en formation d’adulte. Il l’a aussi déjà expérimenté dans une zone d’éducation prioritaire : « C’est une méthode qui fonctionne pour tous les publics, même les milieux dits plus difficiles. A priori, elle est transposable à toutes les disciplines ».

En classe, Michel Stazevski privilégie le travail par sous-groupes.
En classe, Michel Stazevski privilégie le travail par sous-groupes.
© PROF/FWB

C’est tout bénéfice

Quels avantages y voit-il ? Elle évite l’effet « expert que l’élève écoute parfois distraitement ». Cette pratique permet également une forme d’apprentissage de la vie démocratique (écouter, argumenter, décider), où on confronte les représentations de chacun, qui sont autant d’occasions de conflits socio-cognitifs. Les élèves ont aussi à conceptualiser.

Ce type d’activités permet aussi de gagner en responsabilité et en autonomie, puisque le groupe est libre de choisir sa stratégie. On apprend plus en profondeur, des notions plus complexes, et pas uniquement des « savoirs morts » : apprendre des définitions par cœur ne permet pas de s’approprier le concept. L’enseignant devient la personne-ressource, garante du respect des consignes, qui peut intervenir de façon plus ciblée.

Comment construire les groupes ? M. Staszewski ne laisse jamais ses élèves se grouper par affinités. Au début, c’est le hasard. Au fur et à mesure, on varie les critères. Les groupes sont donc aussi temporaires. « Je veille, explique-t-il, à ce que chacun ait un rôle déterminé : porte-parole, secrétaire, animateur, délégué auprès du professeur, documentaliste, gardien du temps… Et les groupes restent de petite taille, de 2 à 5 élèves. Il faut aussi que le mobilier puisse être rapidement déplacé en fonction du travail ».

La plupart des travaux de ces groupes sont notés, à l’essai. Chacun a droit à l’erreur. La note positive pourra être engrangée dans le travail journalier. Les bilans certificatifs pour chaque bulletin sont individuels. Tout comme le travail de fin d’études. Selon M. Staszewski, il se prête moins à la méthode des sous-groupes, qu’il préfère mener en classe, sous le regard du professeur.

Dans un document téléchargeable (1), notre interlocuteur note que le rénové a permis l’apparition du travail de groupe et l’apprentissage à l’autonomie. « Mais tout cela a été abandonné en 1983. Malgré ses avantages, cette méthode est peu utilisée. Les adultes y sont peu formés et coopèrent d’ailleurs peu entre eux ».

Patrick DELMÉE

(1) 1830-1980, 150 ans de cours d’histoire, ULB, 2001.
https://www2.ulb.ac.be/docs/cedop/index_15.html
Avec B. Rey, M. Staszewski a écrit également Enseigner l’histoire aux adolescents, paru en 2004 chez De Boeck (2010 - 2e éd.), où il explique les fondements de sa pédagogie socio-constructiviste.
https://issuu.com/deboeck/docs/enhiad

Au bénéfice des « moyens »

Sylvie Van Lint est chercheuse et professeure à la haute école Galilée. Entre 2002 et 2004, elle a mené avec plusieurs collègues une recherche sur le travail de groupe dans le fondamental (1)).

PROF : Qu’est-ce que l’apprentissage coopératif ?
Sylvie Van Lint :
Selon Doyon et Ouellet, « c’est une organisation de l’enseignement qui met à contribution le soutien et l’entraide des élèves grâce à la création de petits groupes hétérogènes travaillant selon des principes préétablis, assurant la participation de tous à la réalisation de la tâche scolaire » (2).

Pourquoi une recherche sur ce thème dans le fondamental ?
En 2001, une recherche avait abouti à la création du modèle d’évaluation de compétences en trois phases (3). Elle montrait notamment que la résolution d’une tâche complexe est plutôt réalisée collectivement dans le fondamental. Ainsi, nous avons enquêté sur le rôle du collectif.

Quels sont les résultats ?
En moyenne, une même tâche complexe est mieux résolue collectivement qu’individuellement. Mais il y a aussi une perte, pour 30 % des élèves. Le bénéfice du travail coopératif revient surtout aux élèves « moyens ». Nous n’avons pu en préciser davantage le portrait. La 2e année, nous avons cherché quels facteurs pouvaient rendre les groupes plus performants. Sur un échantillon, on a filmé et observé le fonctionnement relationnel, organisationnel, concret, le type de collaboration et ce que nous appelons le cadrage. Ce dernier facteur, qui, pour nous, est la capacité à distinguer dans la situation les traits pertinents en vue d’une résolution de la tâche, est le seul pertinent. En effet, seule une représentation correcte de la situation, assortie d’un choix judicieux de procédures maitrisées ainsi qu’un souci d’exhaustivité et de communication universelle permettent de distinguer les groupes « efficaces » des autres.

Mais encore ?
Le travail de groupe, dans le meilleur des cas, permet ce cadrage « instruit », mais il ne l’engendre pas. L’enseignant a un rôle primordial : proposer des tâches qui nécessitent, inéluctablement, la coopération, apprendre aux élèves à exprimer et argumenter leurs idées, à mettre des mots sur leurs hypothèses. Et, chaque proposition de résolution doit être examinée avec la même crédibilité, quel qu’en soit l’auteur ; toute proposition offre de l’intérêt et permet d’avancer, même si elle n’est pas pertinente : la confrontation de deux erreurs permet de progresser (4).

Propos recueillis par
Patrick DELMÉE

(1) REY B., CARETTE V., DEFRANCE A., VAN LINT S., Création d’un outil d’évaluation des compétences des élèves à travailler en groupe destiné aux enseignants de l’école fondamentale et construit au regard des nouveaux socles de compétences, 2004, ULB.
http://www.enseignement.be/index.php?page=24857
(2) Ibidem, p. 26.
(3) REY B. & al., Création d'épreuves étalonnées en relation avec les nouveaux socles de compétences pour l'enseignement fondamental, 2001, ULB.
http://enseignement.be/index.php?page=23827&do_id=1915&do_check=
(4) Sur le conflit socio-cognitif, Création d’un outil d’évaluation…, p. 24.

Complément bibliographique

Voici des ressources qui complètent l'article consacré à l'apprentissage coopératif.  

I. Livres et monographies

● CARETTE V., DEFRANCE A., REY B., VAN LINT S., Création d’un outil d’évaluation des compétences des élèves à travailler en groupe destiné aux enseignants de l’école fondamentale et construit au regard des nouveaux socles de compétences. Rapport final (2e année), 2004, ULB.
http://www.enseignement.be/index.php?page=24857
Cette recherche décrite dans le n°11 de PROF (p. 32) fait notamment le point sur la littérature autour de l'apprentissage coopératif. Et elle se complète par une bibliographie (p. 219).

● BUCHS C., Apprentissage coopératif : processus et dispositif,cours, décembre 2007, Université de Genève.
Céline Buchs est maître d’enseignement et de recherche de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’éducation à l’Université de Genève. Dans ce cours, son objectif est de réaliser un tour de la question des caractéristiques de la composition des groupes influençant la qualité des apprentissages en situation de travail coopératif.
Dans sa conclusion, on peut notamment lire : « Les recherches lues ne permettent pas de dégager des éléments suffisamment univoques pour établir des affirmations précises. Néanmoins, il apparait qu’en fonction de la tâche demandée aux apprenants, il est indispensable de ne pas négliger la méthode à suivre pour constituer les groupes de travail, collaboratif. De plus il faut aussi prendre en considération, le type d’activité, la nature du travail, les méthodes, les affinités, etc ».
On trouvera une bibliographie de ses travaux sur
https://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/buchs/

II. Articles

● HIVON L., PEAN M., TROUCHE L., « D'un réseau de calculatrices à la construction collaborative du savoir dans la classe », sur TEXAS INSTRUMENTS.
http://www.education.ti.com/sites/FRANCE/downloads/Research-Library-Resources/CROME-Reperes72.pdf
Laurent Hivon et Manuel Péan font partie de l’équipe CROME (IREM d’Orléans-Tours et INRP) et Luc Trouche, de l’EducTice (INRP) et du LEPS (Université de Lyon). L’expérimentation au niveau lycée d’un réseau de calculatrices par une équipe de l’IREM d’Orléans, en partenariat avec l’INRP, a supposé de concevoir des situations mathématiques et des orchestrations instrumentales nouvelles, mettant en jeu l’intelligence collective de la classe. Cet article décrit les étapes de ce travail et montre comment les notions théoriques de travail collaboratif, de genèse instrumentale ou de praticien réflexif ont contribué à une meilleure compréhension de ce qui était en jeu dans cette expérimentation.

● LEHRAUS K., BUCHS C., « Les interactions entre pairs dans des dispositifs structurés selon les principes de l'apprentissage coopératif », dans FILLIETTAZ (L.), SCHUBAUER-LEONI (M.-L.), Processus interactionnels et situations éducatives, 2008, De Boeck.

● RIVOIRE M., « Le travail de groupe : vers un nouveau devenir ».
http://www.meirieu.com/ECHANGES/echangesdepratiques.htm
Une professeure d’anglais de l’Académie de Grenoble, formatrice au sein du REX, un réseau de formateurs, et chargée de Mission d’Aide à l’Inspection, décrit le fonctionnement d’un système de travail de groupe en cours d’anglais au collège.

● ROUX J.-P., « Le travail en groupe en l'école » dans « Le travail de groupe », dossier paru dans Les Cahiers pédagogiques, n° 424, mai 2004.
http://www.cahiers-pedagogiques.com/spip.php?article880
Ce professeur des Universités en Psychologie à l’IUFM d’Aix Marseille et Chercheur au Centre de Recherche PsyCLÉ de l’Université de Provence a pour objectif ici de théoriser le travail en groupe et d’autre part de montrer par l’exemple qu’un dispositif de ce type peut être pertinent et efficace.

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