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Magazine PROF n°10

 

Focus 

Quand les hommes vivront d’amour…

Article publié le 01 / 06 / 2011.

Le programme Graines de médiateurs de l’Université de Paix forme 500 élèves de 3e et de 4e primaires à la gestion des conflits et à la prévention de la violence.

© PROF/FWB

Dix heures trente, la récré est finie. Les élèves de la 4e primaire de l’École communale d’Hollogne embrassent Claire Struelens, l’animatrice de l’Université de Paix (1). Début mai, ils en sont à leur dix-huitième animation de Graines de médiateurs, un programme de vingt séances de deux périodes, qui s’étale sur deux ans (2). D’emblée, les enfants placent leurs bancs le long des murs et leurs chaises en cercle.

L’animatrice rappelle les règles de vie : « Je parle quand j’ai la balle » ; « Je ne fais pas mal, ni avec les gestes, ni avec les mots ». Et une troisième règle, décidée par le groupe : « Je m’engage à faire ce qui est demandé dans les activités ». Chacune est assortie d’une réparation en cas de non-respect, comme un travail écrit de réflexion. À quoi servent ces règles ? Damien, un élève : « Pour que cela ne s’aggrave pas quand je serai
grand ».
Et Guillaume : « Pour régler les conflits, pour ne pas faire n’importe quoi ». Le ton est donné. Graines de médiateurs vise à gérer les conflits et prévenir la violence.

Autre rituel : les enfants expriment la météo de leurs sentiments. Marie est joyeuse : elle a reçu un cobaye. Une telle est triste : sa mamy est à l’hôpital. Un autre est fâché : « On s’est disputé avec les 5e. On a perdu du temps pour jouer au foot ». C’est la suite de tout un travail réalisé sur les familles de sentiments : joie, colère, peur, tristesse. Les enfants ont appris à les reconnaitre et à en saisir l’intensité, en s’aidant d’émoticônes.

Une chaine de quatre rouages

Graines de médiateurs se divise en quatre rouages. Le premier développe le mieux-vivre ensemble. Le second travaille la compréhension du conflit. Les enfants confrontent leurs représentations, définissent le concept, prennent conscience de leurs réactions en situation conflictuelle, découvrent les attitudes possibles et évaluent leur pertinence en fonction du contexte. Le troisième concerne la communication via l’écoute et l’expression. Le dernier les invite à passer à l’action.

Progressivement, ils disposent d’outils utiles pour s’entrainer à gérer les conflits, au travers de situations fictives ou réelles, entre eux ou avec un tiers, un adulte ou un pair. Les exercices sont adaptables pour des élèves plus jeunes ou plus âgés.

Aujourd’hui, par groupes, les élèves préparent un jeu de rôles sur une situation de conflit proche de leur vécu, mais dont les personnages sont des animaux : « En jouant dans la boue, le cochon éclabousse les draps que l’oie fait sécher ». Chaque dialogue aura cinq temps. Les protagonistes se calment, en calant leurs pieds à terre et en soufflant. Ils expliquent les faits et reformulent le discours de l’autre. Idem avec leurs émotions. Enfin, chacun exprime ses besoins et propose ses solutions. Ils se serrent la main lorsqu’ils en ont trouvé une ou plusieurs satisfaisantes, comme « Je veux bien changer mes draps de place ».

Joëlle Lenoir, l’institutrice, travaille avec un groupe dans un autre local. L’un des autres groupes est en panne : deux élèves sont turbulents. Mme Struelens intervient et rappelle les règles de vie. Une fois, deux fois. À deux doigts de la rupture, elle garde calme et sourire. Les quatre groupes présenteront leur jeu de rôle. Fin de la séance : on se passe fictivement une boule d’énergie en silence en se regardant dans les yeux. On le refait, en lâchant un cri. Un de nos deux perturbateurs rompt la chaine. L’animatrice revient à lui : on ne déroge pas à la règle.

Pour être mieux armé

Lors du débriefing, le directeur, Jean-Marie Lobet, explique : « Taillader un siège de car avec un canif. Déchirer des livres et jeter des jeux par terre. Ces faits augmentent et certains parents nous incriminent quand nous réagissons. Ainsi, l’école a souscrit à l’appel à projets Graines de médiateurs (3), qui donne des outils concrets, regroupés dans un livre » (4). De plus, le programme offre trois jours de formation pour les titulaires participants, un pour la direction, un pour toute l’équipe éducative et une conférence pour les parents. « C’est un projet d’école, continue-t-il. Les enseignantes de 3e et 4e relaient les activités auprès de leurs collègues ».

Avant, Mme Lenoir rentrait en classe, la boule au ventre, pour gérer les conflits nés en récréation. Surtout ceux dont elle n’avait pas été témoin. Aujourd’hui, elle se sent mieux armée. Peut-être ses élèves n’arriveront-ils pas jusqu’à la médiation avec un pair, peut-être ne gèreront-ils pas tous leurs conflits, « mais, d’une part, ils ont évolué dans leur rencontre de l’autre. Et d’autre part, aujourd’hui, ils trouvent des solutions à certains de leurs conflits en toute autonomie », conclut-elle.

Patrick DELMÉE

(1) L’Université de Paix a été fondée en 1960 par le père Dominique Pire et le professeur Raymond Vander Elst (ULB). Elle dispose d’une palette de formations pour le fondamental, le secondaire et le personnel éducatif :http://www.universitedepaix.org
(2) Soutenu par la Fondation Bernheim, il concerne 500 élèves, répartis dans vingt-quatre classes de 3e et 4e primaires de tous réseaux.
(3) L’appel à projets de la Communauté française pour 2011-2012, décrit dans la circulaire 3533, est déjà bouclé.
(4) Graines de médiateurs II, Éditions Université de Paix ASBL, 2010. Graines de médiateurs… Médiateurs en herbe, est sorti chez Memor en 2000, complété par un DVD.

Pour en savoir plus

À la suite d’un appel à projets en février 2010, dans le cadre du Plan d’actions visant à garantir les conditions d’un apprentissage serein (PAGAS), la Communauté française subventionne 104 écoles pour former des élèves à la médiation ou à la délégation d’élèves, jusque novembre 2011. L’expérience devrait faire l’objet d’une synthèse à mettre en ligne. La circulaire de l’appel à projets mentionne neuf opérateurs dont quatre forment à la médiation par les pairs.

Parmi eux, l’ASBL Le Souffle est présidée par Joëlle Timmermans. Dans Le Journal de l’éducation (octobre 2008, p. 10), elle liste des méthodologies « qui ne parlent pas spécifiquement de médiation mais de résolution ou de gestion de conflits ». Aujourd’hui, cette auteure insiste sur la nécessité d’accompagner la médiation par les pairs d’une réflexion sur le processus d’une culture différente qui s’inscrit dans l’organisation scolaire. Est-elle une alternative à la sanction ? Comment partage-t-on l’autorité ? Quels outils l’accompagnent ? Etc.

La Communication non violente (CNV) fait partie de ces méthodologies. Dans un ouvrage récent, Une école pour être humain ! (Esserci edizioni, 2011, Reggio Emilia, Italia), Vilma Costetti la présente : de la théorie, une bande dessinée, un chapitre qui illustre son utilité scolaire, un autre consacré à des projets CNV réalisés dans des écoles secondaires dont quelques belges.

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