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Magazine PROF n°8

 

La recherche 

« Moins de grammaire, mais mieux… »

Article publié le 01 / 12 / 2010.

Les auteurs du Sens grammatical (1) se sont donné un défi : « réaliser un compromis abouti entre science linguistique de pointe et didactique moderne du français ». Et ça décoiffe !

Pour Dan Van Raemdonck, les grammaires scolaires font preuve d’« inconsistance scientifique » et d’« inefficacité opératoire ». Son défi ? Quitter « l’arbitraire d’un étiquetage opaque » au profit d’un « éveil au systémique, à l’organisation logique et sensée » de la langue. Le référentiel issu de ses recherches comprend quatre modules, centrés sur les classes de mots, l’analyse syntaxique, la conjugaison et l’orthographe grammaticale. Séduisant par la cohérence qui s’en dégage, déconcertant tant il bouscule les habitudes…

PROF : Comment est né ce projet ?
Dan Van Raemdonck
: J’enseigne à l’ULB en 1re bac et je constate un problème de maitrise de la grammaire. Pas parce que mes collègues du secondaire travaillent mal, mais parce que la grammaire normative ne fonctionne pas ! En 2003, nous avons commencé une recherche auprès d’enseignants du fondamental, qui a révélé un discours quasi schizophrénique : « Tout va bien, mais au secours ! »

Je n’ai jamais jeté la pierre aux enseignants : ils doivent enseigner une matière qui est devenue un dogme. Alors que n’importe quel linguiste, depuis 120 ans, vous dirait que ça ne tient pas la route. La grammaire scolaire est le fruit d’une façon d’étudier la langue qui a pris toute la place. Elle est orientée vers les pratiques de l’orthographe et faite pour l’analyse de productions écrites, certes, mais pas pour l’analyse de la construction du sens de tous les types de productions, écrites ou orales.

En quoi votre référentiel rend-il mieux compte de la langue ?
Pour classer les mots selon leurs natures, la grammaire traditionnelle a utilisé différents critères, parfois simultanément. Or, en sciences, je ne peux subdiviser des éléments qu’en utilisant le même critère lors de chaque subdivision. Nous en avons dégagé quatre, qui discriminent la façon dont se comportent les sept classes de mots (NDLR : au lieu de huit) que nous retenons.

L’objectif est de proposer un modèle qui présente une forte cohérence interne, qui rende compte de la majorité des faits de la langue, et qui soit économique. On voit qu’il y a un principe qui traverse toute la langue : dans chaque groupe de mots, il y a un support d’information, autour duquel d’autres mots sont organisés comme apports d’information. Cette relation apport-support d’information permet ensuite d’expliquer beaucoup plus simplement l’accord, mécanisme par lequel un terme apporte du sens à un support, et en échange en reçoit les marques (genre et nombre, par exemple). Dans la grammaire traditionnelle, on a saucissonné les règles d’accord sans chercher à établir le mécanisme, et on passe des heures à étudier les accords morceau par morceau.

Même si on se laisse séduire par cette cohérence, c’est autre chose de l’utiliser en classe !
Je ne prétends pas envoyer ce référentiel par la poste et dire aux enseignants de se débrouiller ! Il faut leur donner des outils. Mais jusqu’à quand va-t-on passer des dizaines d’heures sur l’accord du participe passé ? Nous, plus on réfléchit, plus on cherche à trouver des régularités. Ce qu’on propose, c’est une boite à outils ouverte à toutes les productions de la langue. Prenez l’attribut, par exemple. On construit un bel objet grammatical dont on dit qu’il prend le genre et le nombre du sujet auquel il se rapporte, avec certains verbes. Mais ça ne marche pas avec un attribut nominal : on ne dira pas « Pierre est un parfait sentinelle » ! Dans notre modèle, l’attribut est vu comme un déterminant du verbe comme un autre (hormis le fait que le verbe est copule), et ne nécessite pas de traitement particulier. L’accord se fait logiquement, si nécessaire, quand l’attribut est un adjectif : point n’est besoin de mobiliser une fonction spécifique.

Quel objectif visez-vous ?
D’abord trouver un moyen de faire digérer ce référentiel par d’autres. Par des formations en hautes écoles, entre autres. L’année dernière, nous avons beaucoup observé, dans plusieurs classes, et nous avons constitué deux séries d’activités d’enseignement-apprentissage (2). On veut montrer qu’on peut faire de la grammaire de différentes manières. Cette année, nous allons continuer la recherche, en reprenant et en suivant le cursus scolaire à partir de la 1re primaire.

Le but du référentiel est que les enseignants aient une vision systémique de la langue. Mais ils ne sont pas obligés de mobiliser tout ce qui s’y trouve. Il leur suffit d’y prendre ce dont ils ont besoin. Je comprends que devant ce référentiel, on puisse éprouver une impression de surcharge de travail, mais quand c’est intégré, c’est beaucoup moins de travail pour l’enfant, et ça laisserait du temps pour d’autres aspects de la langue. Moins de grammaire, mais mieux…

Propos recueillis par
Didier CATTEAU

(1) Dan Van Raemdonck, Marie Detaille et Lionel Meinertzhagen. Documents téléchargeables sur http://enseignement.be/index.php?page=26254&navi=0&rank_page=26254
(2) Dans le cadre de la recherche-action, depuis un an, l’équipe de M. Van Raemdonck travaille en collaboration avec les psycholinguistes de l’Université de Mons, Bernard Harmegnies, Myriam Piccaluga et Sarah Brohé, afin notamment d'établir une progression dans l’appropriabilité du discours grammatical en fonction de l'âge et du niveau d'étude.

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