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Magazine PROF n°8

 

Coté psy 

Jeux de langue en maternelles

Article publié le 01 / 12 / 2010.

Toutes les semaines, neuf classes maternelles d’Anderlecht vivent chacune un atelier de stimulation des habiletés phonologiques.

Devant les vingt-trois autres enfants de la classe, Julia saute à pieds joints dans un, deux puis trois cerceaux, en scandant fièrement [é-lé-phant]. L’an dernier, elle ne parlait pas un mot de français. Ce matin, comme tous les lundis depuis septembre 2009, Samuel Oria a rejoint Maïté Redondo y Lorenzo dans sa classe de 2e et de 3e maternelle de l’école communale P8, à Anderlecht.

À son arrivée à la tête de l’école, Mme Loddewyckx a estimé qu’il fallait « faire quelque chose » et en a parlé à Mme Dominique Fronville, directrice de son CPMS de référence (1). C’est ainsi que chaque lundi se déroulent ces ateliers de stimulation des habiletés phonologiques, dans les classes de maternelles.

Premier exercice : reconnaitre des sons, puis situer leur origine sur des dessins. Voici l’eau du robinet, à découvrir dans la cuisine. « Comment sait-on que c’est une cuisine ? » Samuel en profite pour partager les mots qui s’y rapportent. Ensuite, le jeu des cerceaux libère les énergies. Pas facile de décomposer son prénom : Leonora hésite après son troisième bond… Même exercice de décomposition en tapant dans les mains. Toujours le jeu au service de la langue.
« J’ai besoin de trois enfants, lance Samuel. Voici monsieur Kè, madame Pé et monsieur Ro. Kè-pé-ro : est-ce qu’on a un mot ? » Le perroquet fuse et Ravia vient remettre les copains dans l’ordre.

Le projet touche au total neuf classes dans deux écoles d’Anderlecht.
Le projet touche au total neuf classes dans deux écoles d’Anderlecht.
© PROF/FWB/Jean-Michel Clajot

L’institutrice profite de la collation pour nous confier qu’elle reprend souvent ces jeux dans sa classe qui compte deux tiers d’enfants ne parlant pas français chez eux. La collaboration va dans les deux sens : ce sont les institutrices qui ont transmis aux animateurs de l’atelier Madame Mot, personnage comique ayant un à quatre ventres digérant des mots d’autant de syllabes.

Ne pas brûler les étapes

Retour aux ateliers, par petits groupes. Avec les plus grands, Samuel pousse le bouchon plus loin : il s’agit de mettre ensemble les mots commençant par la même syllabe. Madame Maïté, elle, demande aux enfants de dire si tel mot contient le son [A] ou pas… Déjà midi. Le temps de dire au revoir à Samuel, qui reviendra après la Toussaint.

Ses deux collègues, Julie Beckers et Carole Van Caillie, animaient deux autres classes maternelles. Le projet touche au total neuf classes dans deux écoles d’Anderlecht. Il a été rendu possible par l’arrivée de cette équipe « différenciée » dans les trois CPMS de la Cocof. Leurs responsables l’ont orientée dans trois directions : un travail sur l’estime de soi auprès d’élèves du premier degré secondaire différencié ; le soutien à la parentalité ; et ces ateliers de stimulation des habiletés phonologiques en maternelles.

De mars à juillet 2009, l’équipe a construit la démarche, sous-tendue par de nombreuses recherches, en profitant de l’expertise de Mme Françoise Guérin, logopède du CPMS et de Mme Dominique Fronville, qui avait déjà initié des ateliers du même type avant de devenir directrice du CPMS 3 puis du CPMS 1 de la Cocof. L’équipe s’est formée et a élaboré ses premiers outils. Aujourd’hui, les trois animateurs consacrent chacun 6 heures par semaine à ce projet.

S’appuyant sur des bases théoriques insistant sur l’importance de la conscience phonologique dans l’apprentissage ultérieur de la lecture (2), l’équipe a mis au point des jeux centrés sur l’écoute (en 1re maternelle), puis sur les syllabes, avant de passer aux rimes (2e maternelle) et, enfin, aux phonèmes (en 3e maternelle). « Ce n’est pas un catalogue de recettes, mais un processus, insiste Mme Fronville. Il ne faut pas bruler les étapes ».

À terme, l’équipe espère passer le relai aux institutrices, constituer une boite à outils dont d’autres enseignants pourraient disposer, mais aussi impliquer davantage les parents et même créer au sein des classes des ludothèques axées sur le développement des habiletés phonologiques. Bref, faire tache d’huile…

Didier CATTEAU

(1) Il s’agit du CPMS 3 de la Commission communautaire française (rue du Meiboom, 14, 1000 Bruxelles). Pour toute information liée à ces ateliers, on peut contacter Mme Fronville au 02/8008661.
(2) Lire notre dossier consacré à la lecture (www.enseignement.be/prof) Lire aussi Regards croisés sur l’enseignement maternel, dossier d’instruction et l’avis 103 du Conseil de l’Éducation et de la Formation.http://www.cef.cfwb.be/index.php?id=4260#c7876

En France aussi, à grande échelle

Dans le Nord Pas-de-Calais voisin, une recherche-action menée de 2001 à 2004 a ciblé à grande échelle les enfants de la moyenne section des maternelles présentant des fragilités dans leur développement langagier. Ils ont bénéficié au sein de l’école de séances de stimulation langagière menées en partenariat entre enseignants et orthophonistes, et avec l’implication souhaitée des parents.

Après deux ans, les enfants de huit classes « stimulées » ont été comparés à ceux de huit classes ne bénéficiant pas de ce soutien, analogue à ce qui se pratique à Anderlecht (lire "Jeux de langue en maternelles"). Les résultats sont positifs. Et deux ans plus tard, les résultats de ces élèves à l’écrit confirment le bien-fondé de ce travail préventif.

Le dispositif, baptisé Com’ens (pour Communiquer ensemble) a donc été structuré et des équipes-ressources mixtes (santé-enseignement) formées (72 heures) afin de l’élargir à d’autres zones. Un article de la revue A.N.A.E.(1) le décrit et pointe le dilemme auquel est également confrontée l’équipe différenciée du CPMS de la Cocof : inscrire le projet dans la durée mais avec peu d’enfants, ou l’élargir mais en espaçant les ateliers… En France (où il touche déjà 1300 enfants dans 84 écoles) comme à Bruxelles, les équipes insistent sur l’impact évident de la fréquence et de la durée de l’intervention sur ses résultats.

D. C.

(1) « L’action Com’ens (Communiquer ensemble) », par M.-P. Lemoine, D. Crunelle et F. Darras, revue A.N.A.E., n° 109, pp. 275-280. http://www.anae-revue.com

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