Magazine PROF n°54

Dossier Lutter contre le (cyber)harcèlement entre élèves

« Le cyberharcèlement est arrivé en trombe »

Article publié le 03 / 06 / 2022.
Article paru en ligne uniquement.

L’Athénée Royal de Mons met en oeuvre le projet Cyberhelp, proposé par la Ville de Mons, depuis 2017. Arrêt sur l’expérience, avec les parties qui la portent.

Partout dans l’école, sont placardées des affiches avec les photos portraits de ses sept Référents numériques enseignants et de ses quatorze élèves Cyber citoyens.

En 2017, l’Athénée royal de Mons avait donné son accord à la Ville de Mons de faire partie d’écoles testant son projet de dispositif Cyberhelp. Celui-ci vise à répondre à la problématique du harcèlement et plus spécifiquement du cyberharcèlement. « Nous sommes une école de quelque 600 élèves. J’avais perçu que ce fléau allait encore enfler. Et en effet, il est arrivé en trombe », commente sa préfète, Françoise Colinia.

De gauche à droite, Mme Colinia, M. Dalne et Mme Rondou, coordinateurs du projet Cyberhelp au sein de l’école.

© PROF/FWB

Le dispositif Cyberhelp repose sur deux éléments. D’une part, la mise en place d’un outil de prévention : les espaces de paroles régulés. Ils sont menés par des membres de l’équipe pédagogique formés et appelés à être des personnes de référence. La direction participe au programme de formations.

D’autre part, une application pour smartphone, appelée Cyberhelp, est mise à la disposition des écoles. Via celle-ci, l’élève victime ou témoin de faits problématiques peut en communiquer les images. L’application permet l’ouverture d’un dossier et le stockage de captures d’écran. Elle aurait pu s’appeler Cyber stop, une de ses intentions étant d’arrêter le plus rapidement possible la circulation d’images graves (revenge porn, etc.). Et d’administrer, le cas échéant, la preuve d’un comportement sanctionnable, voire susceptible de judiciarisation.

Bien sûr, il ne s’agit que d’une pièce dans un ensemble. « Nous voulons faire des adultes qui soient des citoyens responsables, cadre M^me Colinia. On est des pédagogues. Nous n’avons pas seulement à enseigner des disciplines, mais aussi des valeurs ». Dont celle de ne pas faire un « usage asocial des réseaux sociaux », pour reprendre la formule du psychopédagogue et chercheur à l’UMons, Bruno Humbeeck, fortement engagé dans le projet.

Un ensemble…

Après la période de test d’implantation du dispositif, le projet a continué et s’est peaufiné. Il est coordonné par la préfète et par deux des enseignants de l’équipe des enseignants référents : Pascal Dalne, professeur de musique dans l’inférieur, et Ingrid Rondou, professeure de mathématique dans le supérieur.

Les espaces de paroles régulés existaient depuis le début. Ils se tiennent, de manière préventive, dans toutes les classes de 1^re (sous la conduite des enseignants référents) et de 2^e (sous celle de M. Dalne), à raison d’une période de cours tous les mois et demi. Pascal Dalne : « Leur principe est que c’est le groupe-classe qui tyrouve une une solution au problème évoqué, pas
l'adulte ». L’école réunit aussi des espaces de paroles régulés ponctuellement, de manière réactive, dans les classes des autres niveaux, « lorsque nous sommes informés d’un problème », complète M^me Colinia.

Il y a deux ans, l’école a aussi mis en place l’équipe des Cyber citoyens, composéed’élèves volontaires, de la 4^e à la rhéto. Ils ont reçu une formation Cyberhelp, dispensée comme pour les directions et les enseignants par le Service des Sciences de la famille de l’UMons et le Service de la Prévention scolaire de la Ville. Un contenu semblable, donc (écoute active, langage et accueil des émotions…), à la différence qu’ils ne sont pas formés à agir.

M^me Rondou : « Ils reçoivent l’information, rassurent, et transmettent à l’adulte responsable. Ou simplement sont attentifs… On remarque que pour l’élève jeune, le professeur reste encore la figure à laquelle il va se confier. Ceux du supérieur auront plutôt tendance à aller vers les pairs. »

Informer

L’école accorde une attention particulière à l’information des parents et des élèves, de manière générale comme concernant sa politique de lutte contre le harcèlement et le cyberharcèlement.

Avec un enjeu de cohésion important derrière. Ainsi et par exemple, elle invite à une séance d’information les parents et les élèves de 6^e primaire qui songent à l’Athénée pour le secondaire. M^me Colinia : « Je présente le projet de l’école et les professeurs de 1^re, et des spécificités comme les après-midis sportives, ainsi que le projet Cyberhelp, avec M. Dalne et M^me Rondou à mes côtés ».

Et ré-explications ensuite à la rentrée, lors de la journée d’accueil des parents, puis par M^me Rondou qui passe dans toutes les classes en début d’année : une fois pour reparler de la philosophie générale, une fois pour donner les codes de l’application. Le projet est aussi présenté sur le site internet de l’école.

Enfin, les Cyber citoyens montrent un peu par eux-mêmes le sens la démarche. Deux d’entre eux, Axelle et Perrine, nous expliquent la raison de leur engagement. « Pour aider ». Toutes deux ont été harcelées quand elles étaient en primaire : « J’aurais aimé que des gens soient là pour m’aider à ce moment-là ». Et elles comprennent très bien que, comme elles, d’anciens harceleurs ou harceleuses puissent aussi s’engager. « Pour réparer ».