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Magazine PROF n°51

 

Droit de regard 

« La place de l’éducateur doit encore évoluer »

Article publié le 13 / 09 / 2021.

Chef du département « Éducateur spécialisé en activités sociosportives » à la Haute École Léonard de Vinci, Christophe Rémion évoque ici la nécessité d’accorder aux éducateurs la place que leur expertise justifie.

Éducateur spécialisé de formation, Christophe Rémion a travaillé dix ans dans le secteur de l’Aide à la Jeunesse. Depuis une dizaine d’années, il est enseignant au Parnasse (Haute École Léonard de Vinci), où il est aujourd’hui chef du département Éducateur spécialisé en activités socio-sportives. Cette double casquette permet à notre interlocuteur d’adapter les cours aux réalités du métier, avec son équipe. Parmi ces réalités, il y a la place des écrits professionnels, note celui qui a également terminé un Master en Ingénierie et action sociales conclu par un TFE sur les Enjeux et difficultés des écrits destinés aux mandants.

Christophe Rémion : « Il faut accorder plus de temps à l’éducateur pour qu’il puisse rendre compte de tout ce qu’il a pu observer. »
Christophe Rémion : « Il faut accorder plus de temps à l’éducateur pour qu’il puisse rendre compte de tout ce qu’il a pu observer. »
© PROF/FWB

PROF : Que faut-il faire évoluer dans le métier d’éducateur ?

Christophe Rémion : Sa reconnaissance, mais aussi modifier certaines fausses idées sur le métier. Plus particulièrement, je remarque qu’en dehors des notes du quotidien, les éducateurs laissent peu de traces de leurs observations ; qu’ils peinent à rendre compte de leurs actions, des outils qu’ils mobilisent pour atteindre leurs objectifs. Or, pour moi, ces écrits constituent la finalité opérationnelle du métier. L’absence d’écrits, ou leur insuffisance, laisse la place aux psychologues, aux sociologues, aux anthropologues, pour écrire à notre place par rapport à certains aspects du métier qu’ils ne peuvent aborder qu’en surplomb, parce qu’ils ne vivent pas les choses de l’intérieur. Tout cela peut mener à une image erronée de l’éducateur, à des clichés : l’éducateur est un pion, n’est qu’une personne de terrain. Or, l’écrit est un outil, parmi plein d’autres, qui fait partie du métier.

Vous le soulignez dans votre travail : les écrits peuvent exister ou pas, avoir un statut ou pas, en conseil de classe par exemple…

Ces dernières années, et particulièrement dans le secteur de l’Aide à la Jeunesse, le métier s’est très fort professionnalisé. Aujourd’hui, on parle d’exigibilité et de transparence des écrits, qui doivent être accessibles à toutes les parties, y compris les parents, et même le jeune. Et elles peuvent avoir une influence énorme sur la suite du parcours du jeune, parce qu’elles impactent par exemple les décisions d’un magistrat.

Pensez-vous que cette exigence de motivation formelle des décisions concernera aussi les éducateurs en milieu
scolaire ?

Très clairement. Aujourd’hui, l’éducateur écrit dans les bulletins par exemple, participe aux conseils de classe. En milieu scolaire, c’est un métier qui évolue aussi considérablement. Là où il était considéré comme un pion, l’éducateur a un rôle qui dépasse l’écoute. Qu’est-ce qu’on va pouvoir mobiliser pour tel ou tel jeune ? Qui ? Dans quel cadre ? Comment ? L’éducateur est au coeur du travail : c’est lui qui va articuler différents acteurs, dans et hors de l’école.

Parce qu’il voit le jeune dans sa globalité ?

Tout à fait. Jamais je ne dirai que l’éducateur doit écrire seul. C’est un travail d’équipe. L’éducateur n’a jamais demandé à être seul, mais à collaborer à une lecture, et à être davantage considéré là-dedans ! Malheureusement, aujourd’hui, dans l’enquête que j’ai menée, je constate que les écrits de la grande majorité des éducateurs sont encore relus voire retravaillés par l’équipe avant qu’ils sortent à l’extérieur de l’institution ! Pour pallier certaines difficultés de l’éducateur, l’aider, mais il y a aussi une question de confiance, qui varie d’une institution à l’autre. Donc tout dépend de la culture institutionnelle et de la place qu’on va donner à l’éducateur. Cette place doit encore évoluer, mais pour ça, l’éducateur doit aussi balayer devant sa porte. S’il veut être reconnu, il ne doit pas attendre autour de la table qu’on lui donne la parole, mais être capable de revendiquer son expertise, la qualité de ses écrits professionnels.

Professionnaliser les éducateurs, ça passe par quoi ?

Notre rôle est d’être constamment ancré dans la réalité de terrain, pour faire évoluer la formation. Et sur cette question des écrits professionnels, il faut améliorer les choses. Si nous, enseignants, estimons que ces écrits sont importants dans le cadre du métier, nous devons amener l’étudiant à se lancer. Je vois souvent des éducateurs excellents sur le terrain, mais qui ont des difficultés à passer de l’observation au « rendre compte ». Et ce sera d’autant plus important dans les mois et les années qui viennent.

Pourquoi ?

À cause des effets de la crise. Personne ne peut ignorer aujourd’hui les défis colossaux qui vont attendre les éducateurs, les assistants sociaux, les métiers de l’humain dans les cinq prochaines années, au regard de tout ce qui a été vécu : les violences des jeunes qui ont augmenté, le cyber-harcèlement, la cybersexualité, les maladies mentales, la psychiatrie… Demain, les éducateurs seront attendus pour faire face à ces défis. Donc au sein des équipes, leur place va changer !

Vous croyez qu’on ne va pas en revenir au « monde d’avant » ?

On ne va pas pouvoir mettre play là on avait mis pause. Il va falloir tenir compte de ces réalités ! On ne mesure pas encore bien leurs effets, ni leur durée, mais il est évident que les équipes vont devoir se mettre autour de la table et définir de nouvelles lignes directrices.

Dans l’enseignement, comment va-t-on répondre à tout ce que les étudiants ont vécu ?

Très clairement la crise a remis les éducateurs et les métiers de l’humain au centre de l’échiquier. Mais il faut accorder plus de temps à l’éducateur pour qu’il puisse rendre compte de tout ce qu’il a pu observer, être autre chose que quelqu’un qui prend les présences…

Au plus fort de la crise, certains éducateurs ont passé quinze jours confinés avec leurs bénéficiaires, sans voir leurs propres familles, et on perdrait toute la richesse de leurs observations qui s’envolent parce qu’ils n’ont pas le temps de les consigner ? C’est ça la finalité opérationnelle dont je parlais : tous ces savoirs, qui émanent des actions du quotidien.

C’est vrai, le centre du métier, c’est d’être avec les jeunes, mais dans certaines institutions les heures administratives ne sont pas payées, il n’y a pas de bureau… Certains éducateurs vont même jusqu’à dire que l’administratif ne fait pas partie de leurs attributions !

Dans la formation, il y a assez de place pour ce travail sur les écrits professionnels ?

On y travaille beaucoup chez nous, mais les orientations après les études sont très vastes, et les attentes sur les types d’écrits sont tellement différentes qu’on ne pourrait pas dire comment il faut faire. Par contre, être capable de passer de l’observation au
« rendre compte », c’est transversal. Et comme on le disait, ça fait partie du métier. Dans le milieu scolaire, comme ailleurs, en réunion, on a peu de temps. Donc l’éducateur doit avoir la phrase juste, aller to the point.

Si vous aviez un message à délivrer aux enseignant-e-s, aux directions ?

L’éducateur est une pièce fondamentale dans le puzzle. Au regard de tout ce qu’il peut vivre, ressentir, observer, analyser, dans son travail au quotidien, il pourrait être très intéressant d’utiliser toute cette matière pour faire avancer des situations bloquées. S’il n’est que dans l’urgence et dans le travail quotidien, il n’arrivera jamais à articuler toutes ces observations pour qu’elles soient utilisées.

Faisons confiance aux éducateurs et accordons-leur du temps pour écrire ou parler avec les collègues. Pour ça, l’éducateur doit aussi aller lui-même revendiquer sa place…

Y a-t-il assez d’éducateurs spécialisés qui occupent une place d’éducateur dans le milieu scolaire ?

Là vous touchez une question très délicate. Ces dernières années, la place et le rôle des éducateurs ont fortement évolué dans le milieu scolaire. Dorénavant, comme dans l’Aide à la Jeunesse, on y attend aussi des éducateurs spécialisés, titre requis pour les fonctions d’éducateur, éducateur d’internat ou éducateur-secrétaire. C’est une reconnaissance du métier et la preuve que les tâches auquel l'éducateur est confronté sont spécifiques. Mais que se passe-t-il s’il n’y a pas de candidat porteur du titre requis ?

Propos recueillis par
Didier CATTEAU

Une journée d’étude

Le département « Éducateur spécialisé en activités sociosportives » de la Haute École Léonard de Vinci organise une journée d’étude sur les écrits professionnels, le vendredi 19 novembre.

Christophe Rémion : « Cette journée d’étude sera l’occasion de réfléchir ensemble avec tous les acteurs concernés : les enseignants qui forment les éducateurs spécialisés en haute école ou en promotion sociale ; les mandants comme les juges de la jeunesse qui nous diront ce qu’ils attendent des équipes éducatives et ce qui ne leur permet pas toujours de prendre la bonne décision ; des éducateurs de terrain bien sûr, de tous les secteurs ; des étudiants… »

« L’idée est vraiment, à partir des réalités rencontrées par ces professionnels, examiner les difficultés, prendre acte de ce qui existe déjà, d’examiner ensemble des solutions à partir des besoins du terrain. »

Infos : www.vinci.be/fr/la-formation-continue ou formation.continue@vinci.be.

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