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Magazine PROF n°50

 

Coté psy 

Évaluation et stress : un ménage possible ?

Article publié le 17 / 06 / 2021.

Pour Maurice Johnson-Kanyonga, psychologue et expert en éducation, notre société est très axée sur le jugement, générateur de stress, y compris pour les jeunes. Aux enseignants de rassurer…

Avant même d’évoquer pour nous cette question du stress et des évaluations, Maurice Johnson-Kanyonga tient à remercier et féliciter les enseignant-es, qui ont été sous pression ces deux dernières années scolaires très particulières.

PROF : C’est quoi le stress ?

Maurice Johnson-Kanyonga : Le stress était le mal du 20e siècle. Il s’agit d’un mélange d’émotions autour de la peur qui se manifeste de différentes manières : de la peur, de l’angoisse, de l’appréhension. Ce stress est provoqué par quelque chose d’extérieur, pas toujours facile à définir, mais qui se manifeste de manière continue.

Aujourd’hui, nous sommes à un niveau supérieur, car dans notre société, nous avons l’habitude de vivre sous pression, avec ce stress permanent. On est passé du stress au champ du burnout. Il est la conséquence d’un excès de stress. Cet excès fatigue, épuise et peut rendre malade. Tout le monde n’est pas apte physiquement et/ou psychologiquement à résister à ce stress continu.

Maurice Johnson-Kanyonga : « La société est dans le jugement, le classement est la première source de stress ».
Maurice Johnson-Kanyonga : « La société est dans le jugement, le classement est la première source de stress ».
© PROF/FWB

Comment se manifeste-t-il ?

Le stress se manifeste d’abord par des réactions biologiques. Il joue le rôle de lanceur d’alerte : palpitations, contractions musculaires, douleurs au ventre, maux de tête pouvant mener à des pathologies. Il se manifeste également par des troubles psychiques : nervosité, surexcitation, paralysie, isolement, troubles du sommeil, état dépressif… Le stress a donc des répercussions sur les fonctions vitales.

Si auparavant, ces manifestations du stress concernaient les adultes, il est de plus en plus fréquent qu’elles touchent également les étudiant-es, mais aussi les élèves du primaire.

Quelles sont les conséquences du stress dans les apprentissages ?

Si les fonctions vitales sont atteintes par le stress, les apprentissages sont compliqués voire impossibles. Comment être disponible pour les apprentissages et les évaluations si le stress provoque le manque de confiance, d’estime de soi, le sentiment qu’on n’est pas fait pour. Sans oublier que ce stress se manifeste d’autant plus quand il y a des enjeux, que l’on sait que l’on va être évalué.

Cependant, le stress n’est pas toujours négatif. Il permet à une personne de réagir dans une situation donnée. En fait, nous devrions apprendre à réagir au stress de la manière la plus adéquate pour soi. Nous avons chacun une méthode personnelle pour canaliser le stress, et c’est ce qu’il faut découvrir. Ainsi, certains quand ils stressent avant une épreuve font le clown, d’autres respirent profondément…

Comment un enseignant peut-il aider un élève à gérer ce stress ?

En rassurant. Les enseignants connaissent bien leur boulot. Généralement, en début d’année, ils annoncent aux élèves les objectifs et compétences à atteindre en fin d’année. Ils savent également les compétences des enfants qu’ils ont en classe grâce aux évaluations qu’ils font en début d’année pour définir le niveau de chacun. Les profs connaissent le point de départ et l’objectif à atteindre.

Tout au long de l’année, ils font des évaluations formatives afin de juger où l’élève se situe dans l’atteinte des objectifs fixés et les moyens à mettre en place pour y arriver. Et donc, cela permet aux enseignants de rassurer les élèves. Ils peuvent leur redonner confiance, les remotiver : « C’est une épreuve stressante, mais je sais que tu as les capacités pour y arriver ».

C’est d’autant plus important quand une épreuve peut mettre l’année scolaire d’un élève en jeu, comme par exemple quand un jeune doit présenter une épreuve de qualification. « Tu sais le faire pendant l’année, dans ton travail journalier, il n’y a pas de raison que tu n’y arrives pas… » Les profs font cela très bien.

Par contre, le premier vecteur de stress est notre société. La crise sanitaire a mis en exergue ces questions concernant l’enseignement et les évaluations. Tout le monde a quelque chose à dire concernant l’école : il suffit de voir les micros-trottoirs, les sondages télévisés.

Il est dommage qu’on ne donne jamais la parole aux enseignants et aux élèves. On reproche toujours plein de choses à l’école, qui en fait trop ou pas assez, mais on néglige les principaux intéressés. Ces critiques sont aussi porteuses de stress.

Les enseignant-es ont été négligé-es dans cette crise : on leur a beaucoup demandé, mais on n’a pas demandé comment ils allaient alors qu’ils ont résisté et ont tenu le cap malgré tout… La société devrait être plus humble et respectueuse vis-à-vis des acteurs de l’école.

Si les évaluations stressent, pourquoi ne pas les supprimer ?

Il est nécessaire d’évaluer tant pour les élèves que pour les enseignants. L’évaluation est utile pour que les enseignants puissent s’autoévaluer. C’est un moyen de juger son travail, de s’améliorer, d’apprendre année après année, de s’adapter et d’adapter ses cours.

L’évaluation est utile pour les élèves, car c’est un aboutissement. C’est le moment de se confronter aux attentes, de vérifier ce qui manque à ses apprentissages, d’envisager comment faire pour corriger le tir. Peu importe l’outil de mesure utilisé. Ce qui compte c’est de pouvoir construire à partir des résultats de l’évaluation.

Partout dans la société, on valorise et on évalue. Qu’on songe à The Voice, Top chef, Le meilleur grimpeur… On fonctionne aux points, aux épreuves et aux classements. Pourtant, quand il s’agit de l’école, c’est mal vu…

Notre société est extrêmement dans le jugement. On glorifie selon des chiffres. En Belgique, nous avons la chance d’avoir la liberté d’enseignement. Les parents peuvent choisir une école selon différents projets pédagogiques précisant les manières d’évaluer et de rapporter les résultats, selon différentes pédagogies. Cela permet aux parents de faire leur choix en toute connaissance.

L’école est là pour dispenser des savoirs, faire acquérir des compétences, une formation, le tout validé par un diplôme. L’école a également une mission de transmission de valeurs sociétales qui doivent permettre à chacun de trouver sa place dans la société. Est-ce que quelqu’un qui a bien mémorisé et s’est conformé au cadre réussira mieux sa vie qu’un autre qui a raté toutes ses évaluations ? L’école est là pour aider chacun à tracer son chemin…

Votre avis à propos des examens de juin cette année ?

Toutes les écoles n’ont pas été logées à la même enseigne. Certaines sont passées entre les gouttes, d’autres connaissent des problèmes profonds de décrochage scolaire, de démotivation. Chaque école connait sa réalité. Dans ce contexte, la décision de WBE est cohérente. Il est important que les enseignant-es prennent du temps pour renouer le contact avec les élèves, entre élèves. Certains vivent des moments difficiles à la maison (perte d’emplois, Horeca à l’arrêt, décès…).

Que souhaitez-vous ajouter ?

Je souhaite remercier et féliciter les enseignant-es qui ont été négligé-es dans cette crise. À qui l’on en a beaucoup demandé, mais à qui on n’a pas demandé comment ils allaient alors qu’ils ont résisté et ont tenu le cap malgré tout…

Propos recueillis par 
Hedwige D’HOINE

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