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Pour une transition en douceur vers l’école maternelle

Article publié le 04 / 12 / 2020.

En décembre 2019, Marie Housen, doctorante, a obtenu le Prix de la Journée de la recherche de la Fédération Wallonie-Bruxelles, pour son travail sur les pratiques transitionnelles mises en place lors de l’entrée à l’école maternelle. Qu’elle nous résume ici (1).

L’entrée à l’école maternelle constitue un changement majeur dans la vie de l’enfant et de sa famille. Période déterminante, elle aura une influence sur le développement socio-affectif de l’enfant, sur son parcours éducatif mais aussi sur la continuité de ses acquis.

Cette transition peut être facilitée par la mise en place de pratiques transitionnelles qui assurent une continuité éducative entre les différents milieux de vie de l’enfant. Pour l’école, il ne s’agit plus de se demander si un enfant et sa famille sont « prêts » – au risque de les mettre sous pression, voire de générer de l’exclusion – mais plutôt d’être prête à accueillir tous les enfants dans une optique d’équité et de lutte contre les inégalités sociales.

Mais qu’en est-il en Fédération Wallonie-Bruxelles où les enfants sont accueillis très jeunes dans le système scolaire ? Quelles sont les pratiques ? Dans quelles conditions ? Quelles pistes d’action ? Une recherche soutenue par la FW-B est menée depuis 2008 afin de répondre à ces questions.

Peu de pratiques transitionnelles

Une enquête réalisée dans 423 établissements sur base d’un questionnaire soumis aux acteurs scolaires (directions, enseignants, puéricultrices et assistantes) a permis d’établir un état des lieux des pratiques transitionnelles mobilisées lors de l’entrée à l’école maternelle en FW-B.

Si elle montre l’intérêt et la préoccupation des professionnels pour cette problématique, elle met aussi le doigt sur le peu de pratiques mises en œuvre sur le terrain. Sur les 21 pratiques transitionnelles possibles (visite, familiarisation, collaborations avec les lieux d’accueil, etc.), les professionnels déclarent en utiliser en moyenne seulement 10.

De plus, ces pratiques sont le plus souvent collectives et mises en place après la rentrée (lettre de bienvenue, réunion de parents…) alors qu’il est démontré que les pratiques les plus efficaces sont celles qui sont individualisées et organisées avant la rentrée.

Marie Housen a obtenu le Prix de la Journée de la recherche de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour son travail sur les pratiques transitionnelles mises en place lors de l'entrée à l'école maternelle
Marie Housen a obtenu le Prix de la Journée de la recherche de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour son travail sur les pratiques transitionnelles mises en place lors de l'entrée à l'école maternelle
© FWB - Jean Poucet

Des pratiques de familiarisation aléatoires et inégalitaires

Ces pratiques de familiarisation, essentielles, durant lesquelles le parent est présent et qui permettent la création progressive d’un lien avec les personnes qui vont prendre en charge le jeune enfant, sont nécessaires à la sécurisation de ce dernier. Ces pratiques, recommandées dans les lieux d’accueil 0-3 ans, restent très peu mobilisées à l’école et se limitent principalement à la mise en place de courtes journées sans la présence des parents.

Pourtant, c’est grâce à l’accompagnement qu’un jeune enfant apprend à se séparer et à investir de nouveaux horizons. De plus, ces pratiques sont principalement mises en œuvre à la demande des parents et tous n’en connaissent pas nécessairement l’existence, ni le bienfondé.

Cette information devrait être communiquée à tous car cette « offre à la demande » privilégie les parents capables de décoder les attendus implicites, les possibilités non déclarées. Elle avantage ceux qui, souvent de milieux favorisés, ont une expérience des lieux d’accueil où les dispositifs de familiarisation sont une pratique courante, ce qui risque donc de renforcer les inégalités sociales.

Des conditions peu favorables

Mettre en place des pratiques transitionnelles de qualité ne va pas de soi et exige que les professionnels bénéficient de conditions qui les rendent possibles. Or, actuellement, plusieurs conditions d’ordre matériel, organisationnel et institutionnel peuvent entraver leur mise en place.

Relevons par exemple l’instabilité des équipes éducatives liée au statut précaire et au niveau de qualification variable des assistants, les classes surpeuplées (en 2018, 25 % des professionnels ont déclaré avoir plus de 30 enfants dans leur classe), le peu de personnel formé spécifiquement à cette question (via la formation initiale et continue) et l’absence de règlementation concernant les normes d’encadrement et d’espace minimales dont ces jeunes enfants devraient bénéficier.

Pistes d’action

Les analyses réalisées ont permis d’identifier une série de points qui donnent des perspectives intéressantes tout en montrant la complexité de la problématique et les tensions possibles pour les acteurs de terrain. Nous en relèverons ici quelques-uns.
Plus les enfants sont jeunes, plus il est nécessaire de tenir compte de l’ensemble de leurs besoins en toute situation. Cette prise en charge holistique, nécessitant une reconnaissance des spécificités de l’accueil et de l’éducation des jeunes enfants, ne va pas de soi : l’enfant de deux ans et demi serait trop grand pour la crèche et trop petit pour l’école. La prise en charge à l’école doit donc être repensée et adaptée en concertation avec les familles qui connaissent le mieux les habitudes de leur enfant.

La multiplication du nombre d’intervenants et d’activités, qui peut être vue comme une ressource, provoque néanmoins une perte de repères importante chez les jeunes enfants. Il faut donc leur offrir un cadre de vie stable, lisible par tous.

La gestion des objets transitionnels (doudou…) à l’école pose question ! Même si leur importance est reconnue, leur utilisation est seulement autorisée à certains moments de la journée. Mais comment un enfant si jeune peut-il s’intégrer au groupe, s’engager dans les activités proposées s’il ne se sent pas en sécurité ?

Plusieurs situations sont jugées critiques : la récréation, mais aussi le moment de change. Si l’absence d’un contrôle des sphincters n’est pas considérée comme un problème majeur par les acteurs de terrain, les contraintes qu’elle génère dans la gestion collective de la classe sont clairement mises en évidence.

Dans une gestion collective, le change est souvent réduit à la prise en charge d’un soin sans tenir compte de sa complexité et de son potentiel de « care » (un prendre-soin incluant une dimension relationnelle et éducative) : le change est vécu comme une tâche nécessaire à remplir et non comme un moment privilégié qui demanderait une gestion plus individualisée !

L’accueil des plus jeunes concerne l’équipe éducative et ses partenaires. Il nécessite donc une collaboration entre l’enseignant, son assistant, l’équipe éducative au sens large, y compris l’accueil extra-scolaire. Il pourrait s’enrichir aussi d’échanges avec les lieux d’accueil de l’enfance. Cela nécessite du personnel supplémentaire, mais aussi la mise en place de conditions propices à une collaboration effective parmi lesquelles des temps de discussion, de concertation… 

Conclusion 

La nécessité de renforcer – ou simplement mettre en place – les actions favorisant une transition en douceur à la maternelle apparait clairement. Elle fait appel à tous les niveaux de responsabilité. La transition n’est pas uniquement l’affaire des professionnels de la classe d’accueil, mais doit faire partie intégrante du projet d’établissement et/ou du plan de pilotage, d’un projet d’actions locales intégrées pour l’enfance, impliquant des partenaires extérieurs à l’école, et d’un projet politique fort, reconnaissant l’importance de cette question, inscrite dans une vision plus équitable de l’école et de la société.

Marie HOUSEN

(1) Rapports de recherche complets (reherche commanditée par la FW-B) : Housen, M. & Royen, E., Les pratiques de transition lors de l'entrée à l'école maternelle : état des lieux (sous la direction scientifique de F. Pirard), Université de Liège, 2019, hdl.handle.net/2268/252317 et Housen, M., Royen, E. &, Pirard, F. (en collaboration avec Godechard, S., Wuidard, E. &, Al Jammal, L.), Les pratiques de transition lors de l'entrée à l'école maternelle : études de cas (sous la direction scientifique de F. Pirard), Université de Liège, 2019, http://hdl.handle.net/2268/252677

En deux mots

Titulaire d’un master en Sciences de l’éducation, Marie Housen est assistante à l’Université de Liège au sein du service Professionnalisation en Éducation : Recherche et Formation, sous la direction de Florence Pirard.

Elle est également membre des unités de recherche Enfances et DIDACTIfen.

Elle réalise une thèse sur les dispositifs de transition mis en place lors de l’entrée à l’école maternelle.

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