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Magazine PROF n°44

 

Droit de regard 

Eugène Ernst :
« Avec la logique de compétition,
on fait fausse route »

Article publié le 06 / 12 / 2019.

Eugène Ernst a quitté fin aout sa charge de Secrétaire général de la CSC-Enseignement. Il revient sur sa carrière.

Enseignant et syndicaliste, aujourd’hui pensionné, Eugène Ernst a entamé sa carrière à l’époque de la réforme du rénové et l’a terminée avec les travaux du Pacte pour un Enseignement d’excellence.

Eugène Ernst: « Le bien-être des élèves et des professeurs, c’est intrinsèquement lié. »
Eugène Ernst: « Le bien-être des élèves et des professeurs, c’est intrinsèquement lié. »

PROF : Quelles ont été vos premières expériences d’enseignant ?
Eugène Ernst
 : J’ai commencé à enseigner en 1977 dans un établissement qui avait choisi d’anticiper la réforme du rénové. J’ai connu une deuxième fois les débuts du rénové, au moment de sa généralisation en 1979, à Malmedy, dans l’école où j’ai poursuivi toute ma carrière d’enseignant.

Les pouvoirs publics nous ont rapidement fait comprendre que cette généralisation ne serait pas payable.

Mon premier horaire complet, comme régent, était de 21 heures semaine, avec une heure de conseil de classe, une de travail en équipe et une de titulariat. En 1984, après les décisions de Val Duchesse et la suppression de 6000 postes du secondaire, les régents sont passés, en prestations devant élèves, de 18 ou 19 heures à 21 ou 22 heures.

Il y avait donc déjà des heures pour le travail collaboratif ?
On l’appelait travail en équipe mais c’était à peu près le même principe. Dans le Pacte, d’une certaine manière, on a fait revivre des aspects du rénové.

Au 1er degré, tous les élèves avaient du latin et de l’éducation artistique, en demi-groupes, pour leur permettre de s’initier aux matières et de découvrir des univers qu’ils connaissaient moins. Je travaillais dans une école technique, les ateliers aussi étaient organisés en demi-groupes. Les élèves avaient la possibilité de voir ce qu’ils appréciaient, pour faire un choix positif.

La polyvalence des apprentissages dans le tronc commun, c’est aussi une voie choisie par le Pacte…
Avec, forcément, un contexte différent. Ce qui est positif dans le Pacte et n’avait pas été pensé dans le rénové, c’est l’approche en amont, dès le maternel. Parce qu’investir dans le maternel, c’est probablement apporter des réponses aux difficultés d’un certain nombre d’élèves. Et permettre à des élèves de ne pas être blessés par l’école au point où certains le sont après un parcours dans l’enseignement primaire parfois très difficile.

Il est là le grand défi ! Je me souviens avoir eu, en 1re rénové, des gosses qui étaient déjà blessés par l’école. Après, ce n’est pas évident de les réconcilier avec elle.

S’il y a une chose à laquelle il faut être attentif, en plus du travail collaboratif des enseignants, c’est à faire exister l’esprit collaboratif au sein de la classe.

Vous en étiez conscient, quand vous étiez jeune enseignant ?
Non, on n’était pas assez formés à ça. Et avec le développement des pédagogies centrées sur les individus, il faut quand même dire qu’on a vu se développer un système de type compétitif. On est d’ailleurs tout le temps en compétition maintenant. Pourtant, quand on écoute les enseignants de maternel, l’envie d’apprendre, elle existe, chez presque tous les enfants. Comment se fait-il qu’à un moment elle s’estompe ? À l’école maternelle, on ne sait pas qui sont les premiers de classe, qui sont les derniers, et on ne remet pas de bulletin, que je sache…

Pas mal d’analyses montrent que quand un élève aide un plus faible, il développe aussi ses propres apprentissages. Si on pratiquait davantage les collaborations entre membres des équipes pédagogiques et entre les élèves, on progresserait.

L’allongement de la formation des enseignants, c’est un moyen d’y arriver ? Et de répondre aux problèmes de pénurie ?
Le problème de la pénurie d’enseignants est devenu mondial. Les rares pays moins touchés sont ceux qui ont un haut niveau de formation. Les compétences exigées d’un enseignant aujourd’hui sont bien plus élevées qu’il y a 20 ou 30 ans, quand un enseignant possédant bien sa discipline et ayant une certaine autorité « naturelle » s’en sortait. Ce n’est plus le cas. Et ce n’est pas l’assouplissement des titres et fonctions qui résoudra la pénurie.

Ce qu’il faut, c’est valoriser le métier et redonner l’envie aux jeunes de l’exercer, en tant que vrai choix de carrière, reconnu par leurs pairs et par la société.

L’accueil des jeunes enseignants, c’est important ?
Pour un enseignant engagé dans sa première année, il y a un accueil, mais peu pour ceux qui font des intérims. Quand un directeur passe 40 coups de fil un dimanche soir pour finir par trouver quelqu’un qui prendra la classe lundi, il a en quelque sorte accompli sa mission, alors que c’est là que les choses commencent. Des institutrices ont été jusqu’à 15 intérims sur une année…

On a amélioré les choses dans le sens où les jeunes engagés pour l’année ne pourront pas voir leur emploi remis en cause avant le 30 juin. Une autre idée avait été de créer des pools pour répondre aux besoins d’intérims, mais les réseaux se sont montrés peu preneurs. Avec des arguments juridiques mais sans doute aussi parce que les directeurs s’estiment les seuls à même de constituer leur équipe…

Mais le Pacte met aussi en évidence le rôle des directeurs…
Je reconnais que les directeurs sont des responsables importants dans leur école, mais ils ne sont pas non plus des responsables de PME… Les écoles représentent, ensemble, une mission de service public d’enseignement. À l’intérieur de cela, il y a une multitude de services qui sont les écoles mais elles doivent collaborer – on revient au collaboratif.

Je prends souvent cet exemple qui est arrivé dans une petite ville. Deux écoles, une libre et un athénée, ont voulu créer une 7e professionnelle aide-soignant-e. Résultat, aucune des deux n’a eu assez d’élèves pour l’organiser.

C’est pourquoi j’espère qu’on n’oubliera pas le niveau « méso » dans le modèle de gouvernance du Pacte, qui est à trois niveaux : il y a le pouvoir régulateur qui fixe les objectifs pour l’ensemble du système scolaire ; les écoles qui doivent dire comment elles vont rencontrer les objectifs ; et le niveau intermédiaire, confié aux Directeurs de zone et aux Délégués au contrat d’objectif, où se réfléchit l’offre d’enseignement par zone.

Quelle offre propose-t-on sur un territoire et comment veille-t-on à informer les parents sur l’ensemble de cette offre ? Ça m’irrite très, très fort de voir le temps et l’argent que les écoles peuvent passer à faire leur publicité…

Quels sont, selon vous, les éléments les plus importants du Pacte ?
Le Pacte est un compromis mais il a plusieurs mérites. Un : le fait d’avoir été pensé sur un temps long. J’ai été soulagé de voir que le phasage n’avait pas été remis en cause par le nouveau gouvernement, même si j’espère que l’esprit de la dernière année du tronc commun ne sera pas galvaudé.

Deux : les investissements précèdent toujours les effets-retours attendus. Un dernier exemple a été la formation des enseignants de maternel au nouveau référentiel. Et trois : l’existence d’une feuille de route qui engage les parties au Pacte pour 15 ans.

Ce à quoi il faudra rapidement être attentifs, c’est à apporter des réponses à ceux qui sont inquiets, les professeurs du secondaire et du spécialisé. Des réponses positives peuvent être apportées, par exemple avec des tailles de classe pas trop élevées, ce qui serait au bénéfice tant des professeurs que des élèves.

Propos recueillis par
Monica GLINEUR

En deux mots

Régent en mathématiques, Eugène Ernst a enseigné pendant 30 ans, principalement à l’Institut Notre-Dame, à Malmedy, où il a été délégué syndical durant 25 ans.

En 2007, il devient permanent CSC-Enseignement Liège – Verviers. Il a été Secrétaire général de la CSC-Enseignement de 2010 jusqu’au 1er septembre dernier.

Retraité, ce Stavelotain pourra consacrer davantage de temps à sa famille ou à des activités locales, notamment à un groupe faisant partie du carnaval du Laetare de sa ville, appelé les « Grosses Tièsses ».

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