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Magazine PROF n°42

 

Libres propros 

Entre tronc commun et filières,
quelle école moyenne ?

Article publié le 07 / 06 / 2019.

Cette rubrique invite un expert à faire part d’un message qu’il juge important, dans le contexte actuel. François Baluteau, Marie Verhoeven et Vincent Dupriez ont analysé comment huit systèmes éducatifs organisent l’enseignement des 11-15 ans, entre tronc commun et filières séparées.

 

 

 

Si on porte un regard sur les systèmes scolaires dans le monde, force est de constater la diversité des modalités d’enseignement (contenus, parcours, secteurs, autonomie, etc.). Mais c’est sans doute l’école destinée aux élèves entre 11 et 15 ans (environ) qui offre un tableau le plus varié entre les différents pays, comme nous en avons fait le constat lors de notre étude de huit systèmes éducatifs (Allemagne, Angleterre, Belgique, Québec, Espagne, France, Suède, Suisse).

Bien que ces pays soient proches géographiquement ou culturellement, ils ont développé une « école moyenne » différente qui résulte de dynamiques nationales complexes.

Ce « segment scolaire », placé entre une école primaire souvent commune et un enseignement secondaire diversifié, est toujours l’objet d’une tension entre une approche universelle (école unique), pour assurer une intégration de tous les élèves, et une approche différenciée pour préparer aux professions.

Autrement dit, l’école moyenne doit-elle poursuivre l’enseignement commun ou répartir les élèves dans des parcours ou des enseignements différents ? Chaque contexte national a résolu de façon plutôt originale ce dilemme.

Variation autour du modèle compréhensif

Il est toujours intéressant de comprendre les choix des autres pays, d’analyser en particulier les facteurs de différenciation ou d’unification de l’enseignement.

Prenons ainsi une approche longitudinale, c’est-à-dire une observation dans le temps. Si on suit l’histoire contemporaine de chacun de ces systèmes scolaires, une tendance commune se dégage. Elle consiste à passer d’une organisation cloisonnée en ordres scolaires à une école plus ou moins commune au lendemain de la seconde guerre mondiale, puis s’est développé un processus de différenciation.

Cependant, ces trois phases se déclinent différemment selon les contextes nationaux. L’application du modèle dit « compréhensif » ou « unique », soit une école commune, constitue l’orientation centrale de certains pays (France, Espagne, Québec, Suède). Elle est en revanche partiellement suivie ailleurs, associée à des filières précoces ou à des types d’établissement (Allemagne, Angleterre, Suisse, Belgique).

Ces orientations renvoient à des valeurs essentielles dans la manière d’éduquer et de sélectionner les élèves, elles tiennent à la place donnée à l’égalité des chances, la mixité sociale, au partage du savoir, la cohésion sociale, la liberté de choisir, etc. Elles tiennent également à la perception des élèves et à la façon de gérer l’hétérogénéité scolaire. 

Un nouvel modèle de différenciation

Aujourd’hui, deux facteurs agissent contre le modèle universaliste et traversent les frontières nationales. D’une part, au nom des différences entre les élèves, on assiste à une diversification de l’offre qui conduit à répartir les élèves dans des établissements, des parcours ou des enseignements différents.

Il s’agit d’une nouvelle lecture différenciatrice, pouvant aller jusqu’à l’individualisation pédagogique. Cette représentation des élèves est moins essentialiste, au sens où elle est moins fondée sur des différences d’aptitudes, que culturelle (milieu social, origine ethnique, communauté) ou pédagogique (« profils », « besoins », « talents », etc.).

D’autre part, au nom du libre choix des familles, l’école n’est plus tout à fait une institution comme avant, elle est pensée également comme une organisation de service éducatif devant répondre aux attentes des familles.

Beaucoup de pays ont vu ainsi se développer un quasi-marché scolaire ou dans une moindre mesure un marché, « officieux », plus régulé. Avec ce processus de reconnaissance des différences et du libre choix, la tendance forte observable désormais est différenciatrice et non universaliste. 

Par ailleurs, l’existence également de plusieurs secteurs scolaires (public et privé, sous contrat ou hors contrat) est également un facteur de différenciation à la fois en termes de curriculum et de public. Le secteur privé constitue ainsi en général une offre différente du secteur public pour répondre aux attentes de mieux sociaux favorisés, des communautés, des intérêts privés ou des orientations pédagogiques alternatives.

Finalement, tous les pays sont gagnés par ces facteurs de différenciation, mais trois groupes se distinguent : un groupe à forte (et précoce) différenciation pédagogique) avec l’Allemagne et la Suisse ; un groupe opposé à faible différenciation (Espagne, France, Québec, Suède) ; un troisième groupe avec une place plutôt intermédiaire (Angleterre et Belgique).

Une école moyenne plus ségrégative ?

Si cette évolution s’appuie sur différentes manières de penser ce qui est juste, en reconnaissant les différences et la liberté de choisir, elle pose néanmoins un problème de justice.

En effet elle contribue à diviser l’école, à séparer les milieux sociaux et cloisonner l’éducation formelle. Par le biais des stratégies de placement des familles et la diversification des écoles, la mixité sociale est de moins en moins assurée. Même les pays attachés à l’école unique, où des options sont proposées à côté d’un tronc commun (programme enrichi au Québec, sections thématiques en France, etc.), voient grandir la ségrégation sociale.

L’école moyenne est ainsi en voie d’effritement sous les contraintes politiques néolibérales, économiques, communautaristes et individualistes. 

Certes les modalités de contrôle par la prescription et par les évaluations (programmes, standards, socle commun) cherchent à réguler l’enseignement et à réduire les écarts entre les publics. Mais ces instruments de régulation ont une efficacité relative selon les pays, soit parce qu’ils visent un minimum commun pour les élèves, soit parce qu’ils ne couvrent pas toutes les matières, soit encore parce qu’ils ne concernent pas tous les établissements ou les secteurs.

Finalement la diversification de l’offre se présente comme un mouvement global, appuyé sur le libre choix et le respect des différences, sur une « nouvelle philosophie différentialiste », aux conséquences ségrégatives et inégalitaires, plus ou moins visibles.

François BALUTEAU
 

En deux mots

François Baluteau est professeur à l’université Lumière Lyon 2, au sein de l’Institut des Sciences et des Pratiques d’Éducation et de Formation (ISPEF), où il enseigne la sociologie de l’éducation.

Ses deux derniers ouvrages sont Enseignements au collège et ségrégation sociale (2013) et L’école à l’épreuve du partenariat (2017).

Il est également responsable d’un master qui depuis plus de dix ans forme des responsables éducatifs.

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