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Magazine PROF n°37

 

Droit de regard 

Unia souhaite « une société inclusive avec une place pour chacun »

Article publié le 30 / 03 / 2018.

Le Baromètre diversité Enseignement met en évidence des processus structurels induisant des inégalités entre élèves. Explications par Patrick Charlier, directeur d’Unia, qui a commandité l’étude.

Unia, centre interfédéral pour l’égalité des chances, a publié son Baromètre diversité Enseignement (https://www.unia.be/fr/publications-et-statistiques/publications/barometre-de-la-diversite-enseignement).

L’étude, commanditée à l’ULB, la KU Leuven et l’UGent, met en évidence des processus structurels induisant des inégalités entre élèves. En Fédération Wallonie-Bruxelles, 662 enseignants et directeurs issus de 320 écoles ont été interrogés.

PROF : Les médias ont pointé les inégalités dans l’orientation, mais ce qui ressort surtout, ce sont les effets du quasi-marché scolaire, non ?
Patrick Charlier : I
l y a les deux, mais le constat du quasi-marché scolaire n’est pas nouveau. Sans doute le travail fait pour essayer de sonder ce qui se passe au moment de l’orientation, lors du conseil de classe, a-t-il été perçu par les médias comme plus innovant…

D’où cette impression qu’on a chargé les pratiques enseignantes…
Il ne s’agit pas pour nous de pointer les enseignants ou les conseils de classe. Même si le conseil de classe participe à la reproduction des inégalités et à des formes de ségrégation, parce qu’il est traversé de représentations, de stéréotypes. C’est comme partout. Le message à faire passer, c’est de prendre conscience, d’avoir du recul : comment faire pour que le système fonctionne autrement ?

Patrick Charlier : « Il n'y a quasiment aucun autre pays que la Belgique où il y a un tel pourcentage d'élèves dans le spécialisé ».
Patrick Charlier : « Il n'y a quasiment aucun autre pays que la Belgique où il y a un tel pourcentage d'élèves dans le spécialisé ».
© Unia

Dans l’étude, directeurs et enseignants témoignent de logiques d’action différentes : assumer la position « hiérarchique » de son école ou la diversité des élèves…
On revient à cette notion de quasi-marché. Son origine, c’est la double liberté constitutionnelle d’organiser l’enseignement et, pour les parents, d’inscrire leur enfant dans l’école de leur choix.

Au nom de la liberté, on en arrive à la limiter : les écoles se sont profilées dans des « marchés de niche ». Et pour finir on peut pratiquement prédéterminer les parcours scolaires et les écoles fréquentées en fonction de caractéristiques qui n’ont aucun rapport avec les aptitudes et les talents. Au départ de la liberté, on aboutit au déterminisme !

En recommandant une gestion centralisée des inscriptions, à tous les niveaux d’enseignement, avec des quotas pour des groupes spécifiques, Unia se place en porte-à-faux avec la Constitution, non ?
La Constitution prévoit aussi le principe de non-discrimination (articles 9 et 10). Et on parle ici de discriminations structurelles. Quel type de société veut-on ? Unia l’a inscrit dans son plan stratégique : « une société inclusive avec une place pour chacun ». Où les lieux et les moments sont partagés, quelles que soient les caractéristiques des individus.

Unia recommande la suppression de l’enseignement spécialisé pour certains types de handicaps…
Le problème n’est pas le spécialisé, mais l’ordinaire, qui n’inclut pas suffisamment. Il n’y a quasiment aucun autre pays que la Belgique où il y a un tel pourcentage d’élèves dans le spécialisé. Et c’est bien parce que le spécialisé est de qualité !

Dans le spécialisé, il y a des enfants porteurs de handicap(s). Là, la mission est de leur permettre au maximum de participer à l’enseignement ordinaire, avec des mesures d’inclusion, de soutien, d’adaptations, d’accessibilité. Mais une série d’enfants sont dans le spécialisé sans avoir de handicap : on est là dans un système de ségrégation sociale.

Dans notre travail de suivi de dossiers individuels, on a vu qu’on reproche à des parents de ne pas avoir payé de cours privés de rattrapage, de séances de logopédie… Un argument repris explicitement dans la motivation du conseil de classe !

L’étude constate que les écoles se sont « spécialisées ». Peut-on dire que la « charge » des publics fragilisés n’est pas équitablement répartie ?
Oui. Il y a un élément frappant dans le Baromètre : les primo-arrivants (non-Européens) vivant dans une famille socialement favorisée entrent plutôt par l’enseignement technique, puis sont aspirés par le général. Parce que ce sont des personnes d’origine étrangère, à l’entrée, on va les inscrire dans des filières techniques ! 

On remarque aussi que les écoles confrontées à une grande diversité d’origine prennent des initiatives, mènent des projets. C’est très bien, mais elles sont les moins ouvertes à des aménagements raisonnables pour enfants en situation de handicap. C’est une forme de spécialisation.

Autre constat, qui nous revient du terrain : à Bruxelles notamment, les écoles confrontées à une grande diversité y font face. Par contre, celles qui connaissent une grande concentration selon l’origine éprouvent des difficultés : prosélytisme, contestation des programmes, rapports difficiles entre les genres. Ce n’est pas la diversité qui pose question, mais la concentration !

Les personnes sondées sont très favorables face à des items de principe, mais quand il s’agit d’évoquer des actions concrètes…
Il y a beaucoup de bricolage (au sens positif du terme), de bonne volonté, mais un manque d’expertise. Une de nos recommandations est de profiter de la réforme de la formation initiale pour y intégrer des modules et dispositifs permettant aux enseignants de faire face concrètement à la diversité. Parce que c’est une réalité. Il n’y en a peut-être pas plus, mais elle est revendiquée, plus visible !

Pour prendre un exemple : il y a une grande ouverture sur la question de l’orientation sexuelle, mais est-ce qu’on a adapté les documents de l’école en supprimant les cases « père » et « mère » ?

Les personnes interrogées se disent aussi « relativement peu compétentes ». Une surprise ?
Non. On travaille sur des dossiers individuels et là on rencontre les acteurs scolaires. On leur présente des solutions. On se rend compte qu’il y a de la bonne volonté, mais une grande méconnaissance.

D’autres recommandations ?
Unia est favorable à un allongement du tronc commun : les études montrent que c’est un mécanisme qui peut réduire les inégalités. Nous voudrions soutenir l’ambition initiale du Pacte pour un Enseignement d’excellence, qui permet à nos yeux un basculement structurel de certains mécanismes. Donc il faut aller jusqu’au bout de la démarche, mais on a une petite crainte à ce sujet.

Pensez-vous que l’opinion publique et les parents soient prêts ?
Peut-on comme citoyen accepter que parce qu’on a une caractéristique X, Y, Z, on n’a pas les mêmes opportunités de pouvoir faire valoir ses talents, ses aptitudes, ses compétences ? Certains voient des opportunités dans les inégalités et estiment que l’on doit assumer ce quasi-marché scolaire… Moi, dans la position qui est la mienne, je ne peux pas me satisfaire de cela.

Les écoles peuvent-elles faire appel à Unia ?
Des écoles nous sollicitent pour des journées pédagogiques : on a un service « formation » qui peut accompagner des écoles.

Par ailleurs, j’ai une ambition personnelle, qui n’est pas encore formalisée : qu’on développe quelque chose pour les écoles souhaitant travailler sur cette séquence qu’est le conseil de classe. Il y a quelque chose qu’on pourrait apporter, certainement pas tout seul : ça demanderait des partenariats…

Propos recueillis par
Didier CATTEAU
 

En deux mots

Depuis février 2016, Patrick Charlier est co-directeur d’Unia (https://www.unia.be/fr), avec Els Keytsman. Après avoir travaillé à la Ligue des droits de l’Homme, qu’il a présidée, il est entré en 2001 au Centre interfédéral pour l’égalité des chances (rebaptisé Unia), où il a assuré différentes fonctions, dont celle de coordinateur du département Discrimination.

Unia est institution publique indépendante qui lutte contre la discrimination et défend l’égalité des chances. Sa compétence, interfédérale, s’exerce au niveau fédéral, des Régions et Communautés.

Unia invite la société dans son ensemble, et particulièrement les autorités, les pouvoirs publics et les entreprises, à lutter contre la discrimination. Et soutient les citoyens qui subissent une discrimination.
 

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