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Magazine PROF n°34

 

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Lirécrire pour apprendre - Comprendre les textes informatifs
Premiers résultats d’une recherche expérimentale

Article publié le 01 / 06 / 2017.

Depuis quatre ans, la recherche Lirécrire mobilise huit chercheurs, qui ont conçu puis expérimenté un outil centré sur la compréhension des textes, qu’ils présentent dans ces pages.

La compréhension des textes est une activité complexe qui met en difficulté de nombreux élèves. En Fédération Wallonie-Bruxelles, les performances des élèves de 15 ans, qui s’étaient améliorées en 2009 et 2012, ont connu une nouvelle baisse préoccupante en 2015.

Ces constats nous incitent à tenter d’accroitre l’efficacité et l’équité de l’école en ajustant les pratiques pédagogiques aux besoins des élèves. Et précisément, dans le domaine de l’enseignement de la compréhension (des textes informatifs, particulièrement), les enseignants du secondaire disent manquer d’outils. Démunis, ils réduisent fréquemment leur enseignement à la lecture d’un texte suivie de questions, dont les réponses sont davantage corrigées qu’expliquées, ce qui est loin d’être suffisant pour développer la capacité à comprendre finement les textes.

La recherche montre pourtant que des outils et supports pédagogiques peuvent aider les enseignants à adopter de nouvelles pratiques. Cela suppose, pour les chercheurs, de contribuer au travail de transposition des savoirs issus de la recherche en savoirs pour l’action.C’est ce défi qu’avec le soutien de la Fondation Louvain, de l’Université catholique de Louvain et de la Haute École Léonard de Vinci, notre équipe de recherche a tenté de relever au sein du projet Lirécrire. Toutefois, aucun outil n’est autosuffisant : la formation, l’accompagnement et le travail collaboratif entre enseignants en favorisent l’appropriation et renforcent ainsi les chances d’influencer positivement les apprentissages des élèves.

Une recherche innovante, sur des objets essentiels
à la réussite scolaire

Concevoir et mettre en œuvre une recherche expérimentale en milieu naturel – proposer une intervention à large échelle et en mesurer l’efficacité par un contrôle rigoureux de toutes les variables – est un défi ambitieux, rarement tenté en Fédération Wallonie-Bruxelles. Trois étapes importantes ont balisé quatre années de travaux.

Étape1 : conception de l’outil

Notre outil repose sur une double analyse à priori : celle de l’objet à enseigner – la lecture des textes informatifs au secondaire – et celle des difficultés fréquemment rencontrées par les élèves Les textes informatifs se caractérisent par exemple par la densité des informations, un lexique spécialisé, le renvoi à des connaissances non évoquées par le texte, un guidage visuel serré… Ce sont aussi des textes composites : l’information est éclatée en plusieurs lieux (textes, schémas, encadrés, légendes, illustrations…), qu’il faut hiérarchiser, et mettre en relation.

Lire un texte informatif à l’école secondaire suppose ainsi une lecture orientée vers la volonté de savoir, la perception du point de vue disciplinaire spécifique que le texte construit sur ce dont il traite, le choix d’une stratégie de lecture, la mobilisation de connaissances notionnelles et langagières, la mémorisation des informations et des articulations du raisonnement par leur reformulation… Autant d’opérations que les élèves peinent à mettre en œuvre s’ils ne sont pas explicitement entrainés à le faire.

L’outil que nous avons conçu repose sur six principes didactiques et comporte cinq modules plus ou moins longs (71 activités). Au total, l’entrainement couvre plus de 50 séances de classe.

Étape 2 : design de recherche et échantillon

Dix-neuf écoles issues des quatre réseaux d’enseignement se sont engagées, de façon volontaire, dans la recherche. Elles ont été réparties  aléatoirement en trois groupes : le groupe « formation » a reçu l’outil et bénéficié en début d’année d’une formation à sa mise en œuvre ; le groupe « accompagnement » a bénéficié de l’outil, de la formation et d’un accompagnement au fil de l’année scolaire par les chercheurs – l’hypothèse étant que cet accompagnement influencerait positivement l’appropriation de l’outil par les enseignants et les performances des élèves – ; le « groupe contrôle » n’a pas reçu l’outil lors de la première année afin de pouvoir servir de point de comparaison, mais il a bénéficié de l’outil et de la formation lors de la deuxième année.

L’échantillon comprenait 85 professeurs de français et 1 867 élèves de 1re secondaire en 2014-2015 ; 38 professeurs et 847 nouveaux élèves de 1re secondaire en 2015-2016.

Étape 3 : mise en œuvre de la recherche et collecte des données

Au fil de ces deux années scolaires, le recueil de données devait nous permettre de répondre à deux questions. Un : dans quelle mesure un outil didactique et une formation à son usage sont-ils susceptibles de faire évoluer les pratiques des enseignants. Deux : Dans quelle mesure peuvent-ils améliorer les performances (et les apprentissages) des élèves ?

Le dispositif de collecte portait à la fois sur des données qualitatives (entretiens, focus-groupes, enregistrements des séances d’accompagnement) et quantitatives (compétences des élèves en septembre et en mai, questionnaires auprès des élèves et des enseignants).

Les résultats en bref

1. Une appropriation par les enseignants ?

L’appropriation est un processus lent, complexe, progressif. Ainsi, lors de la 1re année de l’expérience, les enseignants ont davantage mis en œuvre l’outil Lirécrire pour apprendre conformément aux conduites prévues que lors de la 2e année, qui voit apparaitre des régulations et des modifications de plans plus nombreuses.

À l’issue de deux années, un peu plus de la moitié des enseignants suivis ont mis – au moins partiellement – l’outil en œuvre dans leur classe et se le sont approprié de façon à la fois cognitive et comportementale. Ce résultat ne nous surprend pas : la littérature scientifique souligne régulièrement la nécessité du temps pour susciter et maintenir le changement de pratiques.

Nous constatons également que deux des six principes sur lesquels repose l’outil – le recours aux textes informatifs, ainsi que l’enseignement des stratégies et processus de lecture – font davantage l’objet d’une appropriation, peut-être parce qu’ils touchent moins à la forme scolaire et ne risquent donc pas de la bousculer.

Enfin, l’appropriation semble être particulièrement influencée par les pratiques habituelles des enseignants, par la collaboration au sein d’une équipe, par la formation en amont et l’accompagnement en cours de mise en œuvre de l’outil.

2. Des effets sur les apprentissages ?

Les analyses montrent que le score en début d’année reste le principal prédicteur de la performance en fin d’année lorsqu’il s’agit d’expliquer les différences entre élèves au sein des classes.

À l’échelle des classes, les différences s’expliquent notamment par l’appartenance à l’un des groupes expérimentaux : les élèves qui ont bénéficié de l’outil obtiennent de meilleurs résultats en fin d’année. L’effet est positif, mais pas massif, comme c’est souvent le cas dans des études de ce type. Il est influencé positivement par le nombre d’activités du programme : plus les élèves ont réalisé des activités issues de l’outil, plus ils accroissent leurs performances en compréhension à la fin de l’année. En revanche, nous n’avons pas observé de meilleures performances au sein des classes du groupe « accompagnement » (par comparaison avec le groupe « formation »). L’accompagnement était-il suffisamment long et intensif ? La question reste à creuser.

Des perspectives

L’expérience des enseignants, leurs retours nombreux, l’analyse de leurs pratiques et de celles des élèves constituent de précieux éléments au moment d’ajuster l’outil pour en proposer une version améliorée. Ce deuxième outil se veut plus proche des pratiques des enseignants, plus articulé à la diversité de leurs préoccupations, plus à même de les aider à adopter des gestes professionnels favorables aux apprentissages (observer les élèves au travail ; étayer par des ressources complémentaires ; faire expliciter les objectifs assignés aux tâches, les difficultés rencontrées, les procédures qui permettent de les dépasser…).

D’ici quelques mois, l’outil Lirécrire pour apprendre dans son « costume ajusté » pourra faire l’objet d’une diffusion auprès des enseignants et de formations à destination des acteurs des premières années du secondaire. Ensuite,  enseignants et  élèves le feront évoluer.  Et c’est très bien ainsi !

Séverine De Croix, Sébastien Dellisse, Jean-Louis Dufays, Xavier Dumay, Vincent Dupriez,
Benoit Galand, Jessica Penneman et Marielle Wyns

En deux mots

Les huit chercheurs impliqués dans cette recherche mènent leurs travaux au sein de deux centres de recherche : le GIRSEF et le CRiPEDIS (Université catholique de Louvain).

Séverine De Croix et Marielle Wyns sont toutes deux formatrices en didactique du français à la Haute École Léonard de Vinci et chercheuses à l’UCL.

Sébastien Dellisse et Jessica Penneman mènent une thèse de doctorat à l’UCL en relation avec le projet Lirécrire.

Jean-Louis Dufays, Xavier Dumay, Vincent Dupriez et Benoit Galand sont tous les quatre professeurs à l’UCL.

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