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Magazine PROF n°32

 

Focus 

Un carnet d’attitudes pour ouvrir les portes de l’emploi

Article publié le 01 / 01 / 2017.

L’équipe pédagogique du Chêneux, à Amay, utilise avec ses élèves un carnet d’attitudes professionnelles. Ce projet lui a valu le Prix Reine Paola pour l’Enseignement.

L’élève se rend compte que l’on cherche à lui faire acquérir les attitudes indispensables dans le milieu professionnel.
L’élève se rend compte que l’on cherche à lui faire acquérir les attitudes indispensables dans le milieu professionnel.
© PROF/FWB

Début septembre à l’Établissement d’enseignement secondaire spécialisé de Wallonie-Bruxelles Enseignement Le Chêneux. Audrey Dejardin, professeure et référente pour les élèves de forme 2 et 3 (phases 2 et 3) de la section travaux de bureau (1), rafraichit la mémoire de Sullivan. « L’an dernier, nous t’avons demandé de mieux organiser ton travail, de te maitriser, de respecter l’horaire, d’accepter la critique. Pour t’aider à y arriver et vu que tu adores l’informatique, le conseil de classe t’a autorisé, l’an dernier, à effectuer un grand nombre de travaux sur ordinateur. Avec l’objectif de te remotiver, d’éviter que tu décroches ». Sullivan acquiesce : « Je me suis engagé à faire plus d’efforts. Pour le moment, ça marche ! ».

Situé à Amay, Le Chêneux accueille des élèves qu’elle forme à divers métiers (commis de cuisine, peintre en carrosserie, encodeur de données, maçon, jardinier,…). Depuis trois ans, l’école s’efforce de développer chez ses élèves les attitudes qui leur seront indispensables pour réussir leurs stages puis pour s’insérer dans le milieu du travail. Ce projet qui concernait au départ quelque 150 élèves de forme 3 (enseignement professionnel) s’est élargi cette année à une vingtaine d’élèves de forme 2 (ouvrant la porte à une insertion en milieu de vie et/ou de travail adapté). Il a reçu en juin le Prix Reine Paola pour l’Enseignement (2).

« On parle tous de la même chose »

« En 2012-2013, j’ai suivi une formation sur le thème Comment préparer au mieux les élèves à réussir l’épreuve de qualification ?, assurée par la Formation en cours de carrière pour l’enseignement secondaire non confessionnel, explique Murielle Hansenne, coordinatrice pédagogique de ce projet. J’y ai découvert le concept des attitudes professionnelles développées par le pédagogue canadien Henri Boudreault (3). J’ai proposé alors à mes collègues d’adapter ce concept à l’école ».

La directrice, Catherine Praillet, a réuni les enseignants pour construire le projet. Douze attitudes professionnelles ont été retenues et expliquées (respect des règles, de l’outillage, tenue professionnelle, hygiène personnelle, esprit d’équipe…).

Ensuite, des enseignants volontaires représentant toutes les disciplines et tous les secteurs de formation ont travaillé ensemble pour détailler chaque attitude par des attendus comportementaux concrets. « Communiquer », par exemple, signifie « se faire comprendre et comprendre les autres en utilisant un ton et un vocabulaire adéquats ». « Respecter l’horaire de travail » signifie que l’élève « se met directement au travail, prend une pause selon l’horaire convenu, respecte l’horaire de la journée et justifie ses absences ». Ce travail a abouti à l’élaboration d’un carnet d’attitudes professionnelles pour chaque élève.

Pour Mme Hansenne, cet outil, bien concret, a un grand avantage : « dans le Plan individuel d’apprentissage et le bulletin, les compétences comportementales interdisciplinaires parlent peu à l’élève, à l’enseignant et au titulaire. Des termes comme « respect de l’environnement », « autonomie », revêtent des sens divers selon les cours. En choisissant des attitudes professionnelles, en les détaillant, on aboutit à quelque chose de plus constructif, fédérateur pour les professeurs et les élèves. On parle tous de la même chose ».

Un carnet personnel pour chaque élève

La coordinatrice du projet a créé une grille de détection individuelle et demandé à chaque enseignant d’observer les élèves de phase 2 et 3 pendant quatre semaines en classe, pour identifier au maximum les six attitudes professionnelles à travailler avec chacun.

Ensuite, le référent (souvent le professeur de pratique professionnelle) a pris le temps d’expliquer l’objectif et le fonctionnement du carnet à chaque élève de la section dont il est responsable. En signant le carnet, l’élève s’engage à s’autoévaluer régulièrement, pour prendre conscience des progrès réalisés et du chemin qu’il reste à parcourir.

Lors des quatre conseils de classe annuels, le référent rappelle les attitudes travaillées pour chaque élève. Collégialement, les membres du conseil de classe proposent des remédiations. Mme Hansenne : « Elles peuvent prendre différentes formes. On peut proposer à l’élève d’être plus vigilant, en lui expliquant de manière positive ce qui est attendu de lui mais aussi l’amener à s’améliorer via des formations internes et externes à l’école (atelier relooking, groupes de parole, atelier communication…) ».

Un travail plus concret, plus suivi

« Il y a donc un engagement des deux côtés, souligne la directrice. Pour les enseignants cela a représenté un travail énorme au départ du projet. Mais ils ont davantage le sentiment d’être pris en considération, de réaliser un travail plus concret et plus suivi. L’élève, lui, se rend compte que l’on s’intéresse à lui ; que l’on cherche à lui faire acquérir les attitudes indispensables dans le milieu professionnel ; et qu’on l’aide à trouver – ou qu’on lui propose – des ressources pour s’améliorer ».

Ce carnet d’attitudes, qui ne sanctionne pas les études, n’est évidemment pas l’antidote contre le décrochage. Mais il peut être un outil concret qui, dans certains cas, permet l’accrochage.

L’équipe n’a pas encore suffisamment de recul pour « quantifier » les effets positifs, mais la coordinatrice l’ajoute : depuis le début du projet, jamais un élève n’a refusé d’utiliser cet outil. Et tous reçoivent, en fin d’année, une attestation qui mentionne les progrès engrangés.

Le projet est-il transposable ? « Mais oui, assure la directrice. Dans d’autres écoles de l’enseignement spécialisé comme dans l’enseignement professionnel ordinaire. Mais chaque école devrait alors adapter l’outil pour se l’approprier. D’ailleurs, dans la foulée de l’attribution du Prix Reine Paola pour l’Enseignement, une école néerlandophone et une germanophone nous ont contactés ».

Catherine MOREAU

(1) L'enseignement secondaire spécialisé est organisé en formes et, au sein des formes, en phases d'apprentissage correspondant à la durée requise pour que l'élève atteigne les objectifs et maitrise les compétences fixées. En forme 2 (formation rendant possible l’intégration dans un milieu de vie adapté), il y a deux phases ; en forme 3 (formation ouvrant sur l’intégration dans un milieu de vie et de travail ordinaire), il y en a trois.
(2) La Fondation Reine Paola pour l’Enseignement attribuera deux prix en 2016-2017. L’un récompensera des enseignants du fondamental ou du secondaire ayant conçu un projet pédagogique rendant les disciplines scientifiques plus attrayantes pour les élèves et éveillant leur intérêt pour les carrières scientifiques. L’autre sera attribué à des personnes ou associations organisant des activités extrascolaires pour améliorer la scolarité des enfants et des jeunes et les intégrer dans la société. Inscriptions jusqu’au 31 janvier 2017. http://www.prixpaola.be
(3) http://www.supor.org/

Ils témoignent

Un support bien précis
« Ce carnet donne un support bien précis pour aider les jeunes à acquérir des attitudes adéquates pour les stages », assure Audrey Dejardin, professeure référente pour des élèves de forme 2 et 3 (phases 2 et 3).

Pour Ludovic Riga, professeur de français, « dans mon cours, centré sur la communication, cela n’a pas changé fondamentalement les choses. Mais quand je sais qu’un élève doit acquérir davantage d’autonomie, je lui donne plus de temps pour progresser seul, je ne réponds pas directement à ses demandes d’aide ».

Apporter le meilleur en moi
Et les élèves, qu’en pensent-ils ? « Ma référente m’a dit que je devais m’améliorer dans quatre compétences, explique Sullivan. J’ai été d’accord, car je me suis dit que cela pouvait apporter le meilleur en moi. L’an passé, quand quelque chose m’énervait, je m’énervais sur tout le monde. Rien que savoir que je peux demander à m’isoler un peu quand ça ne va pas, ça me calme ».

Lucas sait « mieux ce que je peux corriger. L’an passé, on m’a demandé d’être plus autonome. En fait, je suis stressé parce que je n’ai pas confiance en moi. Le conseil de classe m’a demandé de m’occuper d’un élève de phase 1. Et là, je vois que je suis capable de l’aider dans les cours, de lui expliquer ».

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