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Magazine PROF n°2

 

Dossier À l’école de la citoyenneté

La démocratie se vit debout

Article publié le 01 / 06 / 2009.

La participation des élèves à la vie de l’école contribue à sa démocratisation. Voici trois manières de vivre la démocratie à l’école.

Comment enseigner la citoyenneté ? « En la pratiquant, tout simplement ! », s’exprime Ruddy Wattiez, Secrétaire général du mouvement Changement pour l’égalité (CGé). Gaétane Chapelle (CGé) poursuit : « L’école a un double rôle à jouer. Un rôle d’enseignement des savoirs, mais aussi une mise en pratique de la démocratie à l’intérieur même de l’école ». L’Appel pour une école démocratique (APED) ne les désapprouverait pas. L’école de bon-papa, organisée militairement, c’est fini ! Le décret Citoyenneté met en place des structures participatives pour les élèves de l’enseignement fondamental et secondaire. Celles-ci sont des espaces de parole où les représentants élus des élèves participent à la vie de l’école. PROF est allé voir sur le terrain.

À Clair-Vivre, la citoyenneté s’apprend en se pratiquant ! Même assis…
À Clair-Vivre, la citoyenneté s’apprend en se pratiquant ! Même assis…
© PROF/FWB

Première étape : l’Institut de la Sainte-Famille d’Helmet, à Bruxelles, une école secondaire d’enseignement général et technique de qualification. C’est la première année qu’est mis en place un conseil de citoyenneté auquel participent des membres du personnel et des représentants élus d’élèves. Le conseil gère toutes les semaines les problèmes de respect et encourage les actes citoyens. « Le regard et la parole des élèves sont très importants parce qu’ils sont dans le vécu », explique un professeur. Les élèves se disent « plus impliqués dans l’école ». Tous les mardis, les délégués d’élèves restent bien au-delà de la dernière heure consacrée au conseil. Ses décisions ne sont pas contraignantes, mais un premier pas est accompli.

Parole, respect et participation

Devant l’École fondamentale Clair-Vivre, à Evere, des écoliers règlent la circulation. Un premier signe qu’ici la citoyenneté se pratique en dehors des cours. Clair-Vivre est une école Freinet, démocratique par principe, et depuis longtemps ! Ici, la citoyenneté ne s’enseigne pas. On la vit au quotidien car elle est inscrite au coeur du projet éducatif. Visant l’autonomie des enfants, l’école les implique dans sa gestion quotidienne. « Tous les matins, le menu est composé par le groupe, explique Eric Van der Aa, le directeur. On fait le programme de la journée ». Ici, les écoliers tutoient leurs enseignants, mais l’essentiel tient en trois mots : parole, respect et participation. « Ce n’est pas avec des gens à genoux qu’on va mettre la démocratie debout », explique le directeur, citant Freinet.

Toutes les semaines, le conseil de classe discute de tous les sujets que les enfants veulent aborder. Il y en a un dans chaque classe. En 5e et 6e années, il y a un président et un secrétaire élus. Chaque conseil de classe élit son délégué au conseil d’école. Cette assemblée mensuelle est présidée par le directeur et accueillie par une classe différente, à tour de rôle. Elle est compétente pour toute l’école. S’il y a matière à débat, elle retourne au conseil de classe puis revient au conseil d’école suivant. Les enfants prennent leur rôle au sérieux. S’ils veulent régler des comptes personnels, ils sont remis à l’ordre. À l’ordre du jour.

Cogestion et démocratie directe

Pour la troisième étape, nous partons à Limerlé, près de Gouvy. Aménagée dans une vieille baraque de bric et de broc, l’École alternative Pédagogie nomade inspire d’abord la méfiance. Pourtant, derrière le brol se cache un étonnant laboratoire de pédagogie expérimentale : une école pratiquant la cogestion sur les principes de la démocratie directe (il n’y a pas de représentants élus) et de l’égalité absolue entre élèves et enseignants. Ici, nul besoin de vote ni de « majorité » lorsqu’il s’agit de prendre une décision : elles le sont toutes par consensus ! Le principe fondamental, c’est le rejet de l’autorité. Toutes les décisions sont prises collectivement par le CI, le conseil institutionnel, qui est composé de deux enseignants et de quatre élèves, par rotation toutes les six semaines environ.

Créé cette année pour remotiver des jeunes fâchés avec l’école, mais aussi surtout pour vivre l’école autrement, ce projet suivi par la section Philosophie de l’ULg est soutenu par des experts renommés, comme Meirieu ou Rancière. Ce n’est pas gagné d’avance, mais l’idéal d’aujourd’hui n’est-il pas la réalité de demain ? Encore faut-il que ce soit un idéal…

Délégué d’élèves : se former pour informer

Printemps 2009. Formatrice aux Centres d’entrainement aux méthodes d’éducation active (Cemea), Marie-France Zicot a donné sa première formation de délégués d’élèves de l’année scolaire. Autrefois, les Cemea donnaient entre huit et quinze formations par an, mais depuis que les écoles ne reçoivent plus de subsides pour les financer, elles ne les organisent plus guère. Pas fâchées. Fauchées. Même situation ailleurs, dans tous les réseaux. Délégué d’élève, ça ne s’improvise pourtant pas !

L’objectif, explique Mme Zicot, est « de faire se rencontrer les gens, de favoriser l’esprit de groupe mais aussi l’esprit de confiance ». Les formations de délégués d’élèves, ce ne sont pas que des outils ! « C’est une autre relation entre les gens que l’on tente de mettre en place ». L’apprentissage de la citoyenneté commence par le dialogue, la parole et l’écoute. En deux jours très denses, les Cemea mettent en pratique le principe de la participation active. « Il vaut mieux dire les choses qu’on a au fond de soi que les garder. On peut tout dire dans l’écoute, la critique constructive et la confidentialité. C’est tout un cadre qui est mis en place pour susciter la parole, le respect, et finalement la démocratie ». Et si, simplement, on apprenait à se parler ?

Descendre de l’estrade avec Benoît Toussaint

Benoît Toussaint est la cheville-ouvrière de l’école alternative de Limerlé qu’il a co-fondée. Rattachée administrativement à l’athénée de Vielsalm, elle est dirigée par un « conseil institutionnel » selon les principes de cogestion et d’égalité.

Benoît Toussaint, entre idéal et passion.
Benoît Toussaint, entre idéal et passion.
© PROF/FWB

PROF : Quelle place l’éducation à la citoyenneté occupe-t-elle dans votre école ?
Benoît Toussaint :
Il n’y a pas de cours sur la démocratie. On la vit. C’est la seule façon d’apprendre. On n’apprend pas à marcher avec un cours sur la marche ! Le meilleur moyen d’apprendre les langues étrangères, c’est l’immersion. La démocratie, c’est pareil. Le paradoxe de l’école, c’est qu’elle organise des cours de citoyenneté dans des cadres qui ne sont pas démocratiques. Ici, la démocratie est au coeur du projet de l’école.

Quels sont les principes sur lesquels repose votre projet ?
Nous avons trois principes fondamentaux : relation non autoritaire ; égalité prof/élève ; cogestion. Ici, il n’y a pas de violence. « La violence, c’est de la parole non aboutie » disait Lacan. C’est le point de départ de notre projet. Tout passe par la parole.

Chez vous, il n’y a pas de relations de pouvoir ?
Il y a structurellement un pouvoir mais, à la différence des autres écoles, chaque élève et chaque prof a l’occasion de l’exercer. L’organe de décision, c’est le CI, le Conseil institutionnel (voir ci-contre). C’est l’équivalent de la direction. Administrativement, c’est la préfète qui dirige, mais dans les faits, il n’y a pas de chef.

Pas de chef, mais comment est gérée l’école, dans la pratique ?
Il n’y a que des profs et des élèves ici, et tous s’occupent de la gestion de l’école. C’est terriblement démocratique. Tout le monde peut être amené à diriger l’école, mais aussi à s’occuper de tâches domestiques, profs comme élèves. On n’a jamais à dire aux élèves : « Ne jetez pas vos crasses par terre ». Ce sont eux qui devront les ramasser…

Comment sont prises les décisions ? Par vote à la majorité ?
On ne vote jamais parce qu’on estime que le vote produit de la déception. La minorité est déçue du résultat. Nous, on veut que les décisions soient celles de tout le monde. Alors, on travaille le consensus. Dans certains cas, ça prend beaucoup de temps, mais on considère que le temps n’est pas perdu. Il est un allié. Le temps ne respecte pas ce qu’on fait sans lui… On veut que les décisions soient celles de tout le monde. Lorsqu’une décision est prise, il n’y a plus personne pour dire : « Moi, ça ne me convient pas ».

Vous innovez de manière radicale !
L’école est malade. Il faut entrer dans les fondements pour accueillir l’innovation pédagogique, sinon, on ne fait que greffer des organes sains sur un corps malade. On travaille le corps. Ça fait peur ! Il faut accepter de descendre de l’estrade…