Magazine PROF n°26
L'acteur
Philippe Donné :
« L'immersion répondait à mon gout des défis »
Article publié le 01 / 06 / 2015.
Native speaker venu d’Hasselt, Meneer Philippe enseigne dans des classes en immersion à Walcourt et à Gembloux.
Animateur d’un mouvement de jeunesse et d’une Maison des jeunes, Philippe Donné n’a pas hésité longtemps : il serait instituteur primaire.
PROF : Quel est votre parcours ?
Philippe Donné : Après ma formation, j’ai enchainé les intérims dans ma province. D’où l’idée d’aller jeter un coup d’œil de l’autre côté de la frontière linguistique. Plutôt loin même puisque voici cinq ans, j’ai atterri à l’École fondamentale Sainte-Materne, à Walcourt. Cette école est engagée dans un projet d’immersion précoce (8 heures/semaine depuis la 3e maternelle).
Pas vraiment à deux pas d’Hasselt !
En fait, j’occupe le lundi soir un studio mis à ma disposition dans l’école. Puis, je gagne le Collège Saint-Guibert, à Gembloux, où je complète mon horaire depuis la rentrée 2014.
Ce qui vous a attiré dans l’immersion ?
Cela répondait à mon gout des défis. Bien sûr, il m’a fallu s’adapter. En Fédération Wallonie-Bruxelles, on recommande que les élèves apprennent en expérimentant, en cherchant les solutions par eux-mêmes. En Flandre, l’enseignement est plus frontal ; les enseignants me semblent aussi plus stressés par les corrections, les bulletins, les concertations,…
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
D’abord, l’absence de manuels scolaires adaptés aux élèves en immersion. Alors, aidé par une conseillère pédagogique, en concertation avec l’équipe en immersion dans l’école, j’ai construit mes propres outils. Par exemple un puzzle pour apprendre à situer provinces et chefs-lieux. J’utilise des revues néerlandophones s’adressant à des élèves plus jeunes, des BD…
S’ajoutent un langage très gestuel, des jeux, des chants, des manipulations et des « rites » temporels et spatiaux ponctuant mes leçons de néerlandais, de structuration de l’espace, de savoirs et mesures et d’éveil géographique en 3e primaire.
Et vous remettez régulièrement votre métier sur l’ouvrage ?
Tout à fait. La première année, je peinais à expliquer des mots abstraits au cours d’éveil historique à des élèves ne maitrisant pas encore bien le néerlandais. Désormais, ce cours se donne en français. Et chaque année, j’évalue ce qui a bien, moins bien et peu fonctionné et je change d’outils ou de méthode si c’est nécessaire.
J’organise aussi des projets communs aux classes en immersion. Cette année, c’est un défilé de mode : les élèves rédigent invitations et publicités, confectionnent les costumes, choisissent la musique, présentent chaque modèle… Dans ma classe de 5e primaire à Gembloux, j’ai lancé un projet d’échange avec une classe de Genk : mes élèves communiquent par mail, par Skype,…
L’immersion convient-elle à tous les élèves ?
À condition qu’ils soient motivés et que leurs parents les soutiennent et les encadrent même s’ils ne comprennent et ne parlent pas le néerlandais.
Justement, ces parents ? Sont-ils confiants ? Méfiants ?
Méfiants, parfois. Surtout au début. Quand cela coince dans une matière, c’est facilement à cause de l’immersion. Pour les rassurer, j’ai filmé ses élèves au travail. Et depuis l’an passé, j’invite les parents à participer activement aux apprentissages en classe, pour les mettre… en immersion. Je projette aussi de proposer un cours de néerlandais en soirée aux parents volontaires…
Quels atouts le bilinguisme apporte-t-il aux enfants ?
Je suis convaincu que cela contribue à leur assurer davantage de chances pour l’avenir. Même si un projet d’immersion précoce a débuté en Flandre avec 25 écoles-pilotes, les jeunes y connaissent de moins en moins bien le français.
Propos recueillis par
Catherine MOREAU
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