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Magazine PROF n°23

 

Droit de regard 

Sans travail collaboratif, on n’arrivera à rien

Article publié le 01 / 09 / 2014.

Dans cette rubrique, notre invité développe le regard qu’il pose sur l’enseignement. La parole à Bernard De Vos, Délégué général aux droits de l’enfant.

Gratuité de l’école, alliance éducative entre école et famille, collaboration entre enseignants, participation des élèves : voilà les chevaux de bataille de Bernard De Vos.

PROF : Que serait pour vous l’école idéale ?
Bernard De Vos :
Une école inclusive, solidaire, qui fait des différences de chacun des richesses, qui prône la réussite pour tous. Notre école cultive la relégation. Échecs successifs et exclusions mènent vers l’enseignement qualifiant qui devrait être une filière d’excellence, et vers le spécialisé. Dès le début de mon mandat, j’ai reçu des plaintes de parents : des enfants ayant un retard culturel parce que leurs parents connaissent mal la langue ou les codes de l’école se retrouvent dans l’enseignement spécialisé, sans souffrir d’une pathologie quelconque.

Ce que je mets en cause, c’est le système basé sur la mise en échec. Pas la compétence des acteurs : avec les meilleures intentions du monde, ils orientent des élèves vers le spécialisé, estimant que l’enseignement ordinaire serait une boucherie pour eux. Or, selon les signalements auprès de la Direction générale de l’enseignement obligatoire, on exclut largement plus dans le spécialisé que dans l’ordinaire.

Donc, sauf à penser que l’enseignement spécialisé exclut des enfants souffrant de réels handicaps, les premiers exclus sont sans doute ceux pour qui on croyait bien faire mais qui sont restés dissipés, indisciplinés, ou à qui on n’a pas fait aimer l’école. Et pour retrouver une place par la suite, pour éviter la déscolarisation complète, c’est encore plus la rame !

Votre institution, en collaboration avec La ligue des droits de l’enfant, anime un groupe d’acteurs de tous horizons qui réfléchit à ce que pourrait être l’école idéale. Pourriez-vous lever un coin du voile ?
Il ne s’agit pas de LA solution mais de suggestions à débattre avec les acteurs du système. Elles devraient se retrouver bientôt sur un site collaboratif.

Une alliance éducative entre famille et école

Une condition pour avancer, c’est l’alliance éducative entre famille et école. Aujourd’hui, des parents rejettent la responsabilité des échecs de leurs enfants sur les enseignants. Pour ceux-ci, des parents manquent à leur mission d’éducateurs.

École et famille ont fonctionné longtemps au même rythme et avec les mêmes valeurs. Internet, qui met les savoirs à la portée de tous, a accentué le déclin de l’autorité du maitre. Il y a des pistes pour s’adapter à ces changements : favoriser les TIC et la classe inversée, où le rôle de l’enseignant migre vers celui d’un coach.

L’école prétend réussir avec des jeunes qui représentent une somme d’individus. Si on n’applique pas le travail collaboratif dans les classes, on n’arrivera à rien. Mais les partages entre professeurs sont eux aussi quasi inexistants. Comment y arriver avec les horaires et les bâtiments tels qu’ils sont conçus ? Et comment alors espérer une collaboration de qualité avec les autres acteurs scolaires (CPMS, médiateur,…) si l’enfant est en difficulté ?

Bernard De Vos : « Des enfants aux droits respectés, dont les parents épaulent les enseignants en tant qu'éducateurs, adopteront naturellement un comportement positif et constructif face aux devoirs qu’impose la vie en société ».
Bernard De Vos : « Des enfants aux droits respectés, dont les parents épaulent les enseignants en tant qu'éducateurs, adopteront naturellement un comportement positif et constructif face aux devoirs qu’impose la vie en société ».
© PROF/FWB

Le rapport à l’autorité scolaire doit aussi évoluer. Alors que le modèle familial a changé – on y privilégie la négociation –, le jeune a peu à dire à l’école. Le passage d’un système à l’autre plusieurs fois par jour peut relever de la maltraitance.

Le changement est jouable si on installe une Pax romana pendant dix ans sur un socle commun aux programmes des partis politiques. C’est jouable, si l’on modifie le système et si l’on forme les enseignants à la collaboration et à la participation. D’autres pays y sont arrivés.

« La priorité des priorités, c'est la gratuité »

Que devrait faire l’école pour améliorer les droits de l’enfant et l’accès pour les publics défavorisés ?
La priorité des priorités, c’est la gratuité. Quand un enfant est porteur du message de la précarité des parents chaque fois qu’il apporte quelques euros pour un dîner, des photocopies,…, cela devient de la pollution pédagogique. Sans parler de certaines pratiques comme la liste des mauvais payeurs aux valves…

On me dira : « L’accès est gratuit, c’est le service qui est payant ». Cela ne change rien. Cela ne marche pas. Ou en tout cas, pas assez vite. Il faut tendre vers le plus de gratuité possible pour avoir moins de ségrégation et de relégation.

Quelles mesures urgentes une école lambda pourrait-elle mettre en place ?
D’abord, d’œuvrer à une alliance éducative, notamment en organisant des moments de contact positif avec les parents : petit déjeuner ou journée complète en classe,…

Je travaillerais aussi le rapport à l’autorité. Pourquoi ne pas proposer dès la rentrée des jeux de rôles sur le règlement d’ordre intérieur pour que chacun le comprenne et en intègre le sens et l’utilité ? Aujourd’hui, la plupart des élèves et des parents le signent sans le lire, alors qu’il représente un élément essentiel pour cadrer les relations tout au long de l’année scolaire.

Enfin, j’intégrerais en classe des outils informatiques modernes pour aller vers un apprentissage plus collectif et plus collaboratif.

Vous défendez les droits de l’enfant. Mais que diriez-vous aux enseignants qui estiment qu’élèves et parents ont aussi des devoirs à assumer et ne le font pas toujours suffisamment ?
Je constate qu’il y a un effet miroir. Des enfants dont les droits sont respectés, dont les parents épaulent les enseignants et assurent leur rôle d’éducateurs, finiront par adopter naturellement un comportement positif et constructif face aux devoirs qu’impose la vie en société. A contrario, c’est à ceux qui se sentent exclus, rejetés, stigmatisés, qu’il faudra souvent rappeler les devoirs.

Vous avez souhaité devenir membre de la Commission de pilotage du système éducatif ? Pourquoi ?
Je pense qu’il faut éviter de faire peser le dysfonctionnement du système scolaire sur les individus et agir plutôt là où se décident les réformes. Je crois pouvoir y apporter le bagage accumulé en tant que Délégué général aux droits de l’enfant, le fruit de nombreux contacts et projets menés avec de nombreuses associations partenaires de l’école.

Un souvenir d’école qui vous a marqué ?
Cela remonte à mes 12-13 ans, à l’Institut Saint-Stanislas, à Etterbeek. Un enseignant, Michel Franken, brillant, exigeant, interrompait les apprentissages pour prendre le temps de discuter avec nous, nous faire jouer au basket (qu’il adorait). Au cœur d’un système scolaire classique, il nous ménageait des temps de respiration, comprenait nos besoins, respectait nos rythmes.

Propos recueillis par
Patrick DELMÉE et Catherine MOREAU

En deux mots

Éducateur spécialisé, détenteur d’une licence spéciale en Islamologie et Sciences orientales, Bernard De Vos a d’abord travaillé avec des adolescents à l’hôpital psychiatrique La Petite Maison, à Chastre.

En tant que responsable logistique pour Médecins sans frontières, il a séjourné en Irak, en URSS, en Yougoslavie,…

Directeur de l’ASBL Samarcande, service d’aide aux jeunes en milieu ouvert, puis de l’ASBL SOS-Jeunes-Initiatives Jeunesse, il a été à l’origine des projets Solidar©ité (année citoyenne), Synergie 14 (accueil des mineurs étrangers non accompagnés) et de Seuil (service d’accrochage scolaire).

Depuis 2008, il est le Délégué général aux droits de l’enfant en Fédération Wallonie-Bruxelles.

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