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Magazine PROF n°1

 

La recherche 

Réconcilier des jeunes avec le français de l’école

Article publié le 01 / 03 / 2009.

Quel français enseigner et utiliser pour préparer les élèves allophones défavorisés à entrer dans le monde socioprofessionnel sans qu’ils perdent leur identité ? C’est le sujet d’une recherche financée par la Communauté française.

Plantons le décor. Beaucoup d’établissements accueillent une population multiculturelle, plurilingue et économiquement défavorisée éprouvant des difficultés à maîtriser et à s’approprier la langue de l’école. Outil de sélection sociale, la langue pointe les différences et aggrave les ruptures.

À partir de ce constat, des chercheurs de l’Université catholique de Louvain (UCL) ont décidé de réaliser une action de recherche concertée. Son but : mieux comprendre les enjeux et difficultés de l’apprentissage de la langue-norme par des élèves de l’enseignement secondaire bruxellois présentant des bagages culturels et linguistiques divers, autres que ceux que valorise l’école. Cette recherche s’est déployée dans différents domaines : didactique, sociologie et sociolinguistique.

Une année sur le terrain

Chercheuse en linguistique, Karolien Declercq (1) a tendu l’oreille et le micro durant un an à deux classes multiculturelles où le français (ou le néerlandais) cotoie l’arabe, le turc,... Plus précisément une cinquième technique de qualification (option électromécanique) d’un athénée francophone et une cinquième professionnelle (option vente-bureau) d’une école néerlandophone. Elle a rencontré ces élèves aux cours et ateliers, dans les couloirs et la cour de récréation, dans le métro, ou sur les lieux de stage. L’objectif : connaitre les pratiques langagières des élèves et, surtout, savoir comment ils les perçoivent.

L’originalité de cette recherche ? La sociolinguistique traditionnelle est souvent dissociée de l’univers scolaire. Elle enquête dans d’autres milieux et se contente de dresser des listes de mots « jeunes ». Avec le risque de les cantonner dans des représentations stéréotypées et de perdre de vue les contraintes auxquelles les jeunes sont confrontés quotidiennement à l’école.

Une langue, des langues

Les résultats ? Ces jeunes distinguent différentes variétés de langage qu’ils mobilisent selon les exigences, les interlocuteurs et les contextes. Il y a le français « pour être bien perçu des profs et des employeurs » et celui qui est utilisé dans le quartier, avec les commerçants. Et puis, celui de la rue, provocateur et anticonformiste, réservé au groupe de pairs,… « Le code verbal reflète leurs valeurs et leur vision du monde, explique Karolien Declercq. Les variantes ne renvoient pas aux groupes d’utilisateurs qu’ils y associent mais à leur propre perception de ces groupes. Ainsi, la langue soutenue est associée à l’autorité, à l’intellectualisme, contrairement à la langue de la rue qui connote l’affirmation verbale, le physique, la spontanéité. » Cependant, ces jeunes ne maitrisent pas l’ensemble de ces façons de parler. Le vouvoiement, par exemple, leur semble une marque de respect compatible avec un langage très vulgaire.

Déconstruire les lieux communs

Quel profit tirer de ces constats ? « Il s’agit d’abord de déconstruire les lieux communs, assure la chercheuse. Ces élèves sont d’abord des utilisateurs actifs du français avant d’être des allophones. Se sentant montrés du doigt, ils jouent la carte de l’affirmation, de l’opposition – Si je suis poli, je perds la face ». D’où l’importance pour l’école de les valoriser, de désamorcer ce conflit. Ceci dit, le problème de l’intégration dépasse largement le contexte scolaire…

Karolien Declercq a observé plusieurs attitudes : des enseignants sanctionnent les écarts de langage ; d’autres s’en accommodent. Certains conjuguent exigences scolaires et prise en compte des appartenances, des besoins identitaires des élèves. « Conscients que ces jeunes perçoivent les fonctions des variétés de langage, ils répètent en français standard des mots du langage de la rue. Ils puisent dans le répertoire verbal des élèves pour exprimer une certaine complicité, pour encourager le respect réciproque ». Et de citer un professeur lançant « moi pas savoir enseigner » à un élève qui, par facilité, affirmait ne pas savoir répondre à une question.

Faute d’apprendre à maitriser le français standard à l’école, ces élèves risquent d’être privés de chance à l’extérieur de celle- ci. La chercheuse invite donc à placer la barre très haut : « Celui qui part d’une mauvaise image des possibilités de ses élèves y adaptera plus ou moins consciemment son enseignement, souvent dans une bonne intention, mais avec des conséquences néfastes. Mieux vaut chercher des façons de travailler qui transforment la diversité des élèves en atout plutôt qu’en handicap ».

Catherine MOREAU

(1) Une ethnographie sociolinguistique de deux classes multiculturelles à Bruxelles, 2008.
http://www.uclouvain.be/valibel

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