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Magazine PROF n°1

 

Coté psy 

Quand le «non» a du sens

Article publié le 01 / 03 / 2009.

Quel rôle joue la règle ? Comment sanctionner le tout jeune enfant qui perturbe ? En le prenant à part ? Devant la classe ? La parole à des spécialistes et à des professionnels de terrain.

Pour se construire, l’enfant a besoin de limites. « La famille est devenue une sorte de démocratie ; à l’obéissance, on a substitué la négociation, pas dangereuse en soi, mais qui encourage chez l’enfant la tentation innée de la toute-puissance », note le sociologue Louis Roussel. Jean- Pierre Lebrun, psychiatre et psychanalyste, ajoute que l’éducation moderne laisse la part belle à vouloir être aimé de son enfant à tout prix quitte à faire l’impasse sur l’obligation d’apprentissage de la règle et de la frustration.

Or, l’enfant doit faire peu à peu l’expérience d’une réalité qui l’amènera à différer son plaisir immédiat. « Lui permettre d’expérimenter le manque, le vide et la frustration, c’est le préparer à affronter la réalité sans s’effondrer », résume le psychanalyste Henri De Caevel.

Philippe Béague :  « Il faut que les choses aient été expliquées à l’enfant clairement depuis le départ, et que la sanction arrive au bon moment ».
Philippe Béague : « Il faut que les choses aient été expliquées à l’enfant clairement depuis le départ, et que la sanction arrive au bon moment ».
© Fotolia/Minicel73

Punir, mais comment ?

Quelles sont les conditions d’une « bonne » sanction ? « Qui dit sanction dit transgression de règles. À partir de 21/2-3 ans, un enfant peut intérioriser les règles, s’il a bénéficié auparavant, des premiers conditionnements, dont le plus important est le respect de l’autorité. Et s’il a compris que l’institutrice joue le rôle des parents », balise Patrick Traube, psychologue, psychothérapeute et formateur d’adultes.

« Ces règles doivent être claires, cohérentes, pas improvisées, pas à la tête du client, sous peine de créer un système injuste, malsain. La sanction, ou l’avertissement clair qui doit la précéder, seront transmis par des mots simples : Ce n’est pas bien, tu ne peux pas,… » Des mots qui doivent coïncider avec le langage non verbal : l’adulte doit éviter de rendre le message ambivalent (interdire avec un sourire, par exemple).

Avertir l’enfant à part ou devant les autres ? « Je prône la première solution, même si c’est difficile dans la pratique. La sanction, l’enfant la vit selon la manière dont elle est appliquée. Il faut donc éviter qu’il la vive de façon humiliante, remettant en cause son image, ajoute Patrick Traube. Une sanction doit être précédée d’un avertissement clair - l’enfant a droit à l’erreur - et ne doit jamais être donnée à chaud, sous l’effet de la colère ».

La petite fessée ? « Pas à exclure dans l’absolu, mais dans le concret, elle risque évidemment de susciter des réactions énergiques de certains parents ! Quant à la mise au coin, elle ne me parait admissible que si on n’a rien trouvé de mieux ». Dans le fond, y aurait-il une punition idéale ? « Les petits sont très sensibles aux symboles qui peuvent servir de repères, d’avertissement. Pourquoi ne pas utiliser les bons points d’autrefois remis au gout du jour. La meilleure sanction – la réparation qui confronte l’enfant à ses responsabilités – peut être utilisée chez les plus grands. Sous la forme d’excuses, par exemple…»

Distinguer l’acte et la personne

« Je ne crois pas aux recettes magiques, enchaine Philippe Béague, psychologue, psychanalyste et président de la Fondation Dolto. La bonne sanction c’est celle que l’enfant ressent comme juste. Pour lui, le plus important, c’est la volonté de l’adulte de poser l’interdit ».

La fessée ? « À éviter : difficile de combattre la violence en faisant le contraire. Mais une mise à l’écart momentanée permet à l’enfant de prendre du recul, et au groupe de sentir que les limites sont destinées à rendre possible la vie en commun ». C’est aussi pour cette raison que la sanction peut être expliquée devant tout le monde : « Cela donne du sens et permet le débat. Cela n’empêche pas de parler avec l’enfant de ce qu’il ressent ».

Le psychanalyste insiste sur la différenciation entre la personne et son acte. Les paroles blessantes qui accompagnent une punition peuvent porter atteinte à l’image que l’enfant a de lui et au sein du groupe. Autrement dit, il ne faut pas lui dire « Tu es un méchant garçon », mais « Frapper est mal et c’est interdit. Ce n’est pas toi qui est mauvais, c’est ce que tu viens de faire. Je te punis parce que ton acte n’est pas acceptable et pour que tu ne l’oublies plus ». Sans cette précaution, on fait entrer l’enfant dans le cercle de la culpabilité qui gangrène tant d’adultes. Et Philippe Béague de conclure que « la parole aura plus de poids si on l’exprime dans la sérénité et pas en criant. Mais est-ce si facile quand on est seul(e) dans une classe avec vingt-cinq enfants ? »

Catherine MOREAU

Pour en savoir plus

- BACCUS A., L’autorité : pourquoi, comment ?, Marabout, 2005.
- DRORY D., Cris et châtiments, De Boeck, 2004.
- FAURE J.-P., Éduquer sans punitions ni récompenses, Jouvence, 2005.
- TRAUBE P., Éduquer, c’est aussi punir, Labor, 2003.
- Quels repères pour grandir ? et Parents-enseignants : la guerre ouverte, ouvrages collectifs sous la direction de Philippe Béague, Couleurs livres, 2002 et 2004.

Des mots sur les émotions

« Au début de chaque année, j’établis une charte avec les enfants, explique Brigitte Mitaine, institutrice en 3e maternelle à l’École communale de Beaufays, où sa classe compte 18 enfants. Je distingue trois sortes de comportements : ceux qui sont interdits et sanctionnés car ils gênent la vie normale de l’école ; ceux qui nuisent au fonctionnement de la classe (avec des règles comme trier les déchets, mettre un tablier avant d’aller au coin peinture,…) ; et enfin les règles de vie ».

Les deux premières catégories ne varient pas. La troisième évolue en cours d’année. « Bien sûr, il y a des couacs, reconnait l’institutrice. Il faut alors prendre le temps de rediscuter. Mais globalement, ce système fonctionne parce que les enfants sentent que ces règles de vie émanent d’eux, et ils apprennent à s’écouter. Mettre des mots sur les émotions, cela diminue la violence ».

Dans la classe voisine, qui accueille 23 enfants de 2e maternelle, trois panneaux résument trois règles simples : on parle, on marche, on range. « Sur le mode positif », précise l’institutrice, Nadine Monor. À cela s’ajoute, depuis cette année un système de papillons roses ou gris symbolisant les comportements positifs ou ceux qui le sont moins, pour les maternelles et le premier cycle des primaires. « Un outil de communication rapide avec les parents. Et pour les enfants, cela représente un challenge ».

Au Collège Saint-Étienne (Court-Saint-Étienne), l’école a opté pour la communication non violente, qu’ici on préfère appeler « nouvelle et vivante ». « Les petits apprennent à décrire les faits sans les juger et à mettre des mots sur les sentiments », explique Françoise Lardinois, institutrice en 2e maternelle. Des repères - des visages exprimant joie, tristesse, colère, peur, fatigue,… - les suivent d’année en année. Celui qui perturbe la vie de la classe va s’asseoir sur une chaise « calmante » à côté d’une girafe en peluche symbolisant la possibilité de voir les choses de haut, de prendre ses distances. Apaisé, il peut rejoindre le groupe, où il est invité à exprimer ce qu’il a ressenti.

C. M.

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