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Mise en ligne le 08 septembre 2023

Des livres à explorer

Ouvrir un livre, c'est ouvrir des portes sur de multiples mondes. C'est un voyage intime entre l'histoire, son auteur et le lecteur. Découvrons ces propositions de livres à explorer avec les élèves de P1-P2.

Ce répertoire a pour volonté de transmettre un contenu patrimonial et matrimonial, de construire une citoyenneté commune, d’acquérir un socle culturel en partie commun.
Ce répertoire a pour volonté de transmettre un contenu patrimonial et matrimonial, de construire une citoyenneté commune, d’acquérir un socle culturel en partie commun.
© FWB/PROF

Alors que les nouveaux référentiels soufflent leur première bougie, le Service général des Lettres et du Livre présente ce premier répertoire d’œuvres destiné aux élèves de P1-P2 .

Éclairage sur les coulisses de la rédaction de ce répertoire, avec Nadine Vanwelkenhuyzen, directrice générale adjointe au Service général des Lettres et du Livre, et Marc Romainville, responsable du Service de Pédagogie Universitaire à l’université de Namur et président du groupe de travail sur le tronc commun et président de la commission des référentiels et des programmes du tronc commun. 

PROF : Pourquoi un tel répertoire ? 
Marc Romainville : Tout vient de l’idée d’implémenter un tronc commun dont les objectifs sont nombreux : assurer chez tous les élèves un bagage de connaissances et de compétences un peu plus ambitieux, reculer un peu le choix d’orientation pour que ce choix soit moins lié à l’origine sociale et culturelle des élèves. 

Il y a aussi l’idée de construire une citoyenneté commune, d’acquérir un socle culturel en partie commun, variant selon les gouts et les intérêts particuliers. C’est la raison pour laquelle le référentiel Français et langues anciennes insiste, dans sa partie « Lire », sur l’idée de faire lire aux élèves un certain nombre d’œuvres qui participeraient à cette culture et ce socle culturel commun. Sans être enfermé dans notre Communauté française, sans être enfermé dans des classiques, sans s’enfermer non plus dans la littérature jeunesse. Mais un socle qui soit relativement partagé. Cela ne veut pas dire que l’on est d’accord avec tout. Cela ne veut pas dire que l’on ne doit lire que cela.

Dans la question de la création d'une culture commune, il y a l’ambition d’éviter ce que le sociologue et professeur français Jean-Pierre Terrail a appelé la pédagogie d'adaptation, qui consiste à se dire : «Par rapport à mon public, je vais y aller mollo, je ne vais pas les mettre en contact avec des œuvres trop difficiles, les brusquer, les perdre ». Même si cela part d’une bonne intention. En pédagogie, c'est la pire des choses parce que vous finissez par produire ce que vous craignez. 

L'idée, avec ce répertoire commun, est que tous les élèves sont censés avoir rencontré des œuvres appartenant à ce répertoire-là.

Nadine Vanwelkenhuyzen : Cette collaboration est notre contribution à ce gigantesque édifice qu’est le Pacte pour un Enseignement d’excellence, car nos objectifs sont communs : la réduction des inégalités scolaires qui sont le reflet des inégalités sociales.

Ce répertoire est aussi très important car la littérature belge n'est pas, ou très peu, enseignée à l'école aujourd'hui. La Belgique est un des rares pays francophones à ne pas enseigner sa propre littérature en classe. 
Il nous donne l'occasion de faire découvrir à l'ensemble des élèves des auteurs et des autrices belges francophones, mais aussi internationaux. 

En Belgique, nous avons de grands talents et c'est important d'en prendre conscience si l’on veut construire un bagage commun. Si l’on veut construire ces socles pour vivre ensemble, avoir des références qui font notre environnement en Belgique francophone. Cela contribue à un sentiment d'appartenance et de fierté qui est fédérateur.

Patrimoine et matrimoine littéraire

Ce répertoire a pour volonté de transmettre un contenu patrimonial et matrimonial. Qu’entend-on par-là ? 
N.V. :
Selon les textes de l'UNESCO, le  patrimoine-matrimoine fait référence à la notion de valeurs universelles exceptionnelles. Ce sont des ouvrages qui constituent un héritage commun, que l’on souhaite transmettre de génération en génération.  Ils ont souvent bénéficié d'une très large reconnaissance et d'une très grande popularité à la fois au moment de leur publication et par la suite. 
Ils permettent une forme de vision collective où chacun se retrouve parce qu'ils présentent précisément ce caractère universel qui fait patrimoine.

M.R. : Ce ne fut pas simple de définir ce qui fait partie de notre matrimoine et patrimoine littéraire. Ce sont ces œuvres qui, même si très anciennes, sont toujours lues, évoquées, citées comme l’est Le Petit Prince de Saint-Exupéry. Ce sont des œuvres qui font parties du bagage commun.

D’un côté, il y a ces œuvres matrimoniales et patrimoniales. Et de l’autre, la littérature vivante, actuelle, la littérature jeunesse produite par des auteurs et autrices belges francophones. Car c’est aussi notre culture. Nous avons donc dû choisir et établir cette liste.

Comment avez-vous choisi ? 
M.R. :
C’est là que les difficultés apparaissent et cela a donné lieu à des discussions homériques, idéologiques. Ne choisissons-nous que des Belges ? Des Francophones ? Des traductions ? Des modernes ? Des anciens ? Uniquement le politiquement correcte ? En évitant tout ce qui pourrait choquer ou qui est au cœur de polémiques actuelles. Cela n’a pas été facile.

 Les professeurs de français, membres du groupe rédactionnel du référentiel, n’ont pas voulu figer cela dans un référentiel qui est un texte de loi compliqué à faire évoluer, à mettre à jour. C’est pour cela, que dans le référentiel en page 21, il est noté que des listes d’œuvres seront mises à disposition à titre d’exemple. 
Ainsi, le fait que ce répertoire est proposé en dehors du référentiel permet sa mise à jour régulière.

N.V. : Le premier tri a été fait à partir des ouvrages, pas sur les thèmes qu’ils abordent. Ensuite, on a choisi les ouvrages en essayant de couvrir le plus grand nombre de thèmes. Cela va du rapport à l'autre aux questions qu'on peut se poser à l'âge de leurs lecteurs, en passant par des sujets plus classiques comme les animaux, les voyages, les enfants…

Nous avons aussi vérifié l’accessibilité des livres proposés. La plupart sont soit déjà dans les classes, soit accessibles en bibliothèque.  
Nous avons veillé à la diversité des supports, des genres, des formats, des maisons d’édition, dans les techniques et styles tant pour l’illustration que pour l’écriture. L'idée était de trouver des ouvrages qui soient en adéquation avec les tranches d'âge visées. 

Le répertoire met en avant un livre qui est le point de départ vers d'autres livres et donc vers d'autres thèmes. Il s’agit vraiment d’une mise en réseau d’ouvrages différents.
L'idée  est que le livre est comme une valise. On peut l'ouvrir et on va découvrir plein de choses différentes.  

On est très attentifs à la diversité des publics et au fait que la lecture ne soit pas vécue comme une contrainte ou uniquement comme un support à l'apprentissage. Que ce soit vraiment un moment de plaisir et de découverte.

Un QR Code dirige l’enseignant vers Objectif Plumes, qui propose de nombreux outils et projets gratuits concernant la littérature belge 

Un répertoire dans la boite à outils

Comment un enseignant peut-il utiliser cet outil ?
N.V. :
C'est en effet un outil et non une contrainte. Ce sont des propositions, des suggestions, ce ne sont jamais des obligations. L'enseignant demeure libre de voyager à travers cette sélection, à travers la mise en réseau ou à travers des ouvrages qu'il connait par ailleurs. 

Ce répertoire est une aide pour trouver son chemin à l'intérieur des productions en littérature jeunesse qui sont abondantes et touffues. Grâce à ce répertoire, il a des balises, des ouvrages vers lesquels il peut se tourner en toute confiance.

Chaque livre présenté est, évidemment susceptible de soutenir l'apprentissage de la langue, de l'écriture, de l'expression orale, de l'argumentation, de l'écoute, des diverses compétences qui sont au cœur du référentiel de langue française et de langues anciennes. Ces titres peuvent mener à des activités qui se réfèrent directement à ces compétences-là.

Mais notre idée était de montrer qu'il y a des liens avec d'autres compétences qui sont au cœur de notre enseignement, que ce soit la citoyenneté ou les pratiques culturelles et artistiques dans la perspective du parcours d’éducation culturelle et artistique (PECA)

C’est de manière confiante et volontariste que l'on a fait de la lecture une porte ouverte vers des horizons multiples, une activité de plaisir et d'enrichissement.

M.R. : Il était important de lister des incontournables en lien avec les référentiels afin d’avoir une vision spiralaire. La progression curiculaire dépend d’une vraie planification plutôt que du hasard. 

Avant, le prof de français réfléchissait à ce qu’il aimait, à ce qu’il trouvait intéressant pour ces élèves, dans sa classe, dans son niveau, sans trop savoir ce qui avait été fait avant et ce qui sera fait ensuite. On pouvait passer complètement à travers un genre, un style.

L’objectif est la création d’une culture, de références communes. On sait très bien que cette liste sera sujette à remarques pour diverses raisons. Je dirais plutôt : « À l’école ne cachons rien, mais expliquons ».

On pourrait imaginer tout un travail de mise en réseau entre les répertoires, les programmes, des manuels scolaires. Mais cela marcherait sur les plates-bandes de la liberté pédagogique, des réseaux et des équipes enseignantes. Il ne faut pas oublier qu’un enseignant n’est jamais aussi efficace que lorsqu’il a de la liberté. Il faut lui fournir des outils et après à lui de construire selon ses intérêts. 

Pourquoi un répertoire et pas des fiches méthodologiques d’activités ?
M.R. :
Le Code de l’Enseignement a bétonné la différence entre le référentiel et les programmes. Les référentiels sont les briques : « Qu’est-ce que les élèves sont sensés apprendre en bout de course ? » Ce sont les savoirs, les savoir-faire, les compétences. 
Les programmes définissent la manière dont les briques vont être agencées dans des activités pédagogiques. Cela n’est pas une compétence du pouvoir régulateur, ce sont les pouvoirs organisateurs qui élaborent leurs programmes. On y retrouve des pistes méthodologiques, des pistes d’activités pour faire acquérir les savoirs, savoir-faire et compétences définies dans les référentiels.

Ainsi, le programme en matière de lecture fait des propositions méthodologiques d’activités et on peut combiner celles-ci avec le répertoire. Pour le moment, les programmes n’ont pas encore su s’appuyer sur le répertoire car ils sont arrivés en parallèle.

Ce premier opus sera suivi d’autres, au fur et à mesure de l’avancée dans le tronc commun. Le recueil P3-P4 devrait sortir sous peu.

Ce répertoire est téléchargeable via Objectif Plumes, enseignement.be et e-classe (après connexion)

Propos recueillis par Hedwige D'HOINE

Objectif Plumes

Objectif Plumes, portail de littérature belge d’expression française et régionale, met à la disposition des enseignants des ressources gratuites. Ces ressources sont en lien avec les auteurs et autrices belges du répertoire Les livres à explorer au sein du tronc commun, mais aussi avec évidemment d'autres auteurs belges, patrimoniaux et contemporains.

On y trouve des données bio et bibliographiques sur les auteurs et autrices, des documents sonores, des vidéos, des dossiers pédagogiques, mais aussi la procédure pour inviter un auteur en classe.

Plusieurs auteurs repris dans le répertoire P1-P2 peuvent notamment être invités en classe : une autre manière de découvrir la littérature et la lecture, de développer des compétences plus créatives autour de la lecture, de prolonger sa lecture par d'autres activités. Car on peut aussi organiser un atelier de créativité linguistique avec des auteurs en classe, ou inviter des auteurs pour parler des langues et cultures régionales.

Objectif Plumes donne aussi accès aux plaquettes de la Fureur de lire, aux sélections et à la procédure à suivre pour participer au concours de la Petite fureur qui s'adresse aussi aux écoles.

Les fiches Rebonds, quant à elles, sont une sélection destinée aux adolescents. Le site présente aussi les adresses des bibliothèques, les malles pédagogiques de bandes dessinées, des lectures d’extraits d’ouvrages, des entretiens avec des auteurs et des autrices, des lieux à visiter en lien avec un livre, un auteur, une autrice.

Ajoutons que les gestionnaires du site présentent des coups de cœur pour les enseignants et qu’une rubrique actualisée chaque semaine leur est spécifiquement dédiée.