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Mise en ligne le 11 août 2023

Iride2see : du vent dans les mollets

Pour la quatrième fois, Eric Ska, professeur de français à l’école d’enseignement spécialisé secondaire de Marloie-Forrières, emmène ses élèves sur les routes, à vélo, et en toute autonomie.

Un projet qui promeut la confiance en soi, la collaboration et l'ouverture au monde.
Un projet qui promeut la confiance en soi, la collaboration et l'ouverture au monde.
© FWB/PROF

Alors que le voyage des élèves de troisième phase « carrosserie » approche à grands rayons - il s’est déroulé du 26 au 30 juin – il était temps de prendre en mains certains aspects essentiels de ce voyage particulier. La matinée était consacrée à deux ateliers spécifiques : « Je crève en pleine forêt, je fais quoi et comment ? » et « Je monte et démonte ma tente pour dormir au sec ».

En effet, sept grands gaillards et leurs professeurs s’apprêtent à partir en toute autonomie à la découverte d’eux-mêmes, des autres et de la superbe région ardennaise qui les entoure. Leur mode de déplacement ? Le vélo. Le gite ? Les tentes qu’ils vont transporter dans des remorques chargées uniquement de l’indispensable (tentes, petit matériel de réparation, sacs et matelas de couchage, et le minimum pour la toilette, se nourrir et se changer).

« Notre volonté est d’être totalement autonomes, confie Eric Ska, professeur de français et instigateur de ce projet. Lors des éditions précédentes, nous étions accompagnés d’une voiture, mais cela ne nous permettait pas les mêmes circuits et cela n’était pas très drôle pour la personne qui avait ce rôle. » On imagine bien les contraintes que cela imposait à l’itinéraire et le paradoxe avec l’objectif d’autonomie…

« Nos objectifs sont multiples. Bien sûr, nous souhaitons occuper les élèves pendant les jours blancs, mais pas que. Notre objectif principal est de faire acquérir à nos élèves plus d’autonomie et de booster leur confiance en eux. En effet, pour beaucoup, ce voyage est l’occasion de nombreuses premières fois : premier périple en vélo, première expérience du camping, premier séjour sans leurs parents. » 

À l’heure du développement durable et d’une inflatiion qui a gonflé le cout des voyages, ce séjour est un petit budget. « Il revient à 120-130€ la semaine, mais les jeunes ne paient que 45€ grâce aux diverses activités menées pendant l’année et grâce à nos différents sponsors. L’école a acheté des vélos, des remorques, des tentes et cet investissement a été vite rentabilisé au vu des couts de l’énergie, des séjours en gite… ».

Pendant qu’Eric Ska et son comparse Charles-Henry Sommelette, professeur d’art, expliquent le projet, les élèves travaillent par deux sur les roues de vélo : « Pour retirer la chambre à air, j’utilise les minutes, M’sieur ? ». « Pour trouver le trou, je peux utiliser de l’eau ? » « Et pour le regonfler, je mets quel ratio de bars par rapport à mon poids ? Et si je n’ai pas de pompe avec manomètre, je vérifie comment ? » L’enthousiasme est au rendez-vous !

Une fois les pneus remontés, on passe à l’activité montage-démontage des tentes. Car même si on peut penser que les tentes « 2 secondes » sont pratiques, il n’en est rien lorsqu’on voyage en vélo : complexes à replier, elles prennent énormément de place dans la remorque. L’équipée a donc opté pour des tentes classiques, et les sardines seront belles et bien de la partie.

Pour la majorité des élèves, il s’agit d’une première, d’où l’utilité de cette prise en mains de leurs futurs cocons, à monter le plus vite possible s’il devait pleuvoir… Les garçons collaborent, s’encouragent, se motivent. Et au final, trois jolies tentes ont poussé sur le terrain de foot de l’école. 

Charles-Henry Sommelette : « Avec ce voyage, on découvre les élèves. On les voit autrement. C’est une expérience de vie qui les change et nous change. » Et Eric Ska d’ajouter : « Si nous souhaitons leur faire découvrir le patrimoine culturel, les producteurs et la beauté de notre région dans un périmètre restreint (140 km en vélo quand même), nous voulons surtout leur montrer ce dont ils sont capables. Trop souvent, ils ont une mauvaise image d’eux-mêmes. On leur renvoie une image négative parce qu’ils fréquentent l’enseignement spécialisé. »
 
« Quand on leur dit qu’ils vont rouler une trentaine de kilomètres par jour, ils se disent qu’ils ne seront pas capables. Et puis, ils voient qu’ils savent le faire, qu’ils se dépassent et s’améliorent de jour en jour. Ils sont fiers d’eux.  C’est un cercle vertueux. »

« Nous n’organisons pas le voyage comme une épreuve sportive, poursuit notre interlocuteur. Loin de là : il est accessible à tous. Nous avons même des personnes qui nous soutiennent, nous sponsorisent et qui viennent pédaler avec nous sur le trajet. Nous roulons dans des sentiers forestiers, nous évitons les grands axes, tant pour des raisons de sécurité que pour la découverte. Nous roulons calmement, faisons des breaks régulièrement pour nous reposer, découvrir un lieu, un producteur. C’est une aventure humaine. »

Cette aventure humaine permet de travailler les compétences spécifiques à l’enseignement spécialisé de forme 3 : l’épanouissement de la personnalité de chaque élève et l’éducation du citoyen de demain (insertion sociale). Elle permet aussi un travail des savoirs et connaissances disciplinaires : les élèves rédigent et envoient les courriels aux différents intervenants et points de contact, les résumés du jour sur la page Facebook de l’aventure, tracent le trajet et trouvent les points de chute et les chemins à emprunter en utilisant l’application Komoot.

Les souhaits des deux enseignants pour la suite ? Continuer le projet en intégrant davantage d’élèves et partir plus longtemps. Mais surtout, partager et collaborer avec d’autres enseignants d’autres écoles, avec d’autres personnes extérieures aussi, pour faire sortir l’école de ses murs et intégrer la vie du monde.

Quant à leur directrice, Christelle Laurand, elle soutient à 100% son équipe et ce projet en particulier, qui promeut la confiance en soi, la collaboration, le respect, l’ouverture au monde et aux autres,… Et se met à rêver à  collaborer avec une école offrant  une formation mécanique. Voilà qui serait porteur en cette période où les vélos, trottinettes et autres engins à deux roues ont le vent dans les mollets.

Hedwige D'HOINE

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