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Magazine PROF n°17

 

Dossier T’ar ta gueule à la récré

Un cas vécu

Article publié le 01 / 04 / 2013.

Les indices d’un malaise dans une classe

« Dès septembre, je sens un climat de classe particulier, un refus, dans ce groupe de 24 élèves, d’accepter les limites et les règles établies dans l’école, relate Noëlle Cattelain, institutrice en 6e primaire à l’École communale de Lauzelle, à Louvain-la-Neuve. « On peut parler d’une tentative de prise de pouvoir progressive d’un groupe sur l’école », poursuit Bernadette Moors, la directrice.

Les commentaires négatifs ne se limitent pas au champ de l'école : ils se prolongent via Facebook. Des clans se forment et certains élèves, arrivatn difficilement à se positionner, passent de l'un à l'autre.

L’équipe pédagogique identifie le problème

Noëlle Cattelain, institutrice de sixième, qui travaille avec Corinne Tasiaux, sa collègue de cinquième, ressent un évident malaise dans la classe. « Certains élèves sont particulièrement effacés, parlent peu ; d’autres, au contraire, prennent beaucoup de place et font tout pour plaire à l’adulte »

En classe, des élèves se plaignent de maux de tête répétés, ou invoquent divers prétextes pour rentrer à la maison. Une élève fugue durant le temps de midi ; plusieurs bâclent les travaux scolaires, lassés d’être jugés, insultés et traités d’intellos.

Et puis, à partir du mois d’octobre, les parents viennent conter à la directrice ce que leur enfant vit à l’école. Le malaise, pour certains élèves, dure depuis trois ans. Certains refusent d’aller à l’école et, surtout, ont appris à se taire devant les enseignants, par crainte d’être poursuivis en récréation et qualifiés de « balances ».

En octobre, lors d’une conférence sur le harcèlement, organisée par le Centre local de Promotion de la Santé du Brabant wallon, le psychopédagogue Bruno Humbeeck permet à la directrice de mieux identifier ce qui se passe dans la classe.

L’école agit, en partenariat avec les familles

Désarroi, au sein de l’équipe de l’École de Lauzelle. Car l’école a mis en place de nombreux lieux de parole pour les élèves dans chaque classe maternelle et primaire. Pourtant, rien n’y filtre : les enfants de sixième « victimes » de harcèlement se taisent.

En Concertation, un des lieux de parole pour les adultes, les enseignants sont unanimes : la situation n’est plus tenable, il faut agir à l’intérieur de l’école et trouver une aide extérieure.

Invités à une réunion collective, certains parents présents (surtout ceux des victimes) l’expriment: la souffrance de leur enfant pèse lourdement sur la vie familiale. Certains viennent même avec un organigramme de la classe situant le statut de chaque élève.

Convaincue qu’il faut agir en partenariat avec les familles, la directrice, Bernadette Moors convoque individuellement les parents absents à la réunion. « Apprenant le comportement de leur enfant, auteur de faits de harcèlement, certains sont incrédules ou tombent des nues, explique-t-elle. Aux parents, je recommande de parler avec leur enfant de ce qui se passe dans sa classe. J’insiste aussi sur le respect à préserver entre les adultes, sur l’importance de faire confiance à ce qui est mis en place à l’école et au suivi de l’ambiance du groupe-classe par la titulaire et l’équipe pédagogique. Les enfants doivent sentir qu’une relation existe entre l’école et la famille et que les parents seront mis au courant des débordements de l’un ou de l’autre enfant harceleur ».

La directrice rencontre ensuite, avec l’institutrice si c’est nécessaire, chaque enfant victime avec l’enfant/le groupe d’enfants « harceleur (s)». D’abord, en s’appuyant sur le témoignage des parents, pour leur demander de relater et de confirmer les faits. « Certaines victimes hésitent à parler ou minimisent – Ce n’est pas si grave, ça s’est passé l’an dernier –, explique Mme Moors. Dans l’autre camp, j’entends C’est vrai que j’ai agi ainsi, mais maintenant, j’ai arrêté ! Cela me permet de faire comprendre aux élèves que taire des frustrations, même anciennes, les expose à devoir vivre avec de la tristesse, voire de la rage, qui pourraient ressortir plus tard ».

Les auteurs de harcèlement sont priés d’effectuer des travaux à l’école sur la base de lectures, puis de présenter leurs excuses à leurs victimes lors du conseil de classe.

Une reconstruction à plus long terme

Parallèlement, cherchant un partenaire pour améliorer la communication dans la classe, l’équipe fait appel au Service d’aide aux jeunes et aux familles La Chaloupe, à Ottignies.

« Nous rencontrons les enseignants, puis nous proposons aux élèves de 5e et 6e, accompagnés des enseignants et du CPMS, un module axé sur l’écoute, l’expression des sentiments et la communication non violente », explique Marie Henry, psychologue à La Chaloupe. Ensuite, à la demande de la directrice et de l’institutrice, nous assistons à une réunion de parents. Une dernière séance permet d’évaluer ce que la classe en a retiré et comment les élèves l’ont appliqué dans la vie à l’école ».

« Nous commençons par des jeux où il faut coopérer, puis nous faisons des sketchs pour apprendre à communiquer sans se crier dessus », expliquent Cléo et Anna. « Puis on apprend à dire : Quand tu me parles comme cela, je me sens pas bien ; j’aimerais que tu arrêtes car j’ai besoin de me sentir mieux, ajoute Christelle. Ça nous fait rigoler car cela ressemble à une formule magique, mais on voit bien que c’est sérieux, que cela marche ».

Efficace ? « Maintenant, on se parle, ça va mieux, on se respecte plus », reconnaissent les enfants. « L’entente, l’ambiance sont meilleures dans la classe même s’il reste des clans, des affinités selon les personnalités, confirme Noëlle Cattelain. Les sentiments s’expriment plus spontanément lors des temps de parole; lors d’un conflit trop piquant, je demande à mes élèves de jouer la situation autrement, en réservant une place à l’humour ». Et l’institutrice de souhaiter que cette formation soit donnée à toutes les classes, ainsi qu’au personnel qui assure la surveillance de la cour de récréation et des garderies.