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Magazine PROF n°7

 

Coté psy 

Phobies scolaires : quand l’angoisse paralyse

Article publié le 01 / 09 / 2010.

Les phobies scolaires toucheraient 2% des adolescents en Europe. Mais quelle réalité recouvrent ces deux mots ? Et que peuvent faire les acteurs de l’école face à ce symptôme d’un malaise plus large.

Après une carrière au sein d’un centre PMS, Brigitte Beauthier préside aujourd’hui l’ASBL L’École à l’Hôpital et à Domicile (1), où elle est active depuis sept ans. Comme d’autres, elle constate une augmentation du nombre de jeunes adolescents atteints de phobies scolaires.

PROF : Quelle serait votre définition de la phobie scolaire, puisqu’il n’y a pas unanimité?
Brigitte Beauthier :
C’est vrai que le vocable est remis en cause, parce qu’une phobie, c’est une névrose. Or tous les phobiques scolaires ne sont pas névrosés. L’école n’en est pas nécessairement la cause : elle peut en être seulement le facteur déclencheur. Je préfère parler de refus scolaire anxieux, qui cache des tableaux psychopathologiques très variables : du simple malaise adolescentaire jusqu’à des pathologies graves pouvant conduire à des psychoses ou des schizophrénies.

Y a-t-il une situation à partir de laquelle on peut parler de phobie ?
Tout le monde semble d’accord avec Adelaïde Johnson (2) selon qui les phobiques scolaires sont des enfants qui, pour des raisons irrationnelles, refusent d’aller à l’école et résistent par des réactions vives d’anxiété et de panique aux tentatives de les y amener de force. Beaucoup de jeunes sont d’accord d’aller à l’école, préparent leur cartable, mais ne sortent pas de la voiture quand ils y sont. On a beau les tirer par les bras et les jambes, ils ont des réactions incontrôlables. La constante, c’est toute de même l’angoisse. On ne parle pas ici des enfants qui ont peur d’aller à l’école parce qu’ils y sont harcelés ou rackettés, mais d’angoisses irrationnelles.

Brigitte Beauthier:
Brigitte Beauthier: "Les phobies scolaires ont toujours existé. Mais tant qu’il n’y avait pas d’obligation scolaire, ça ne posait pas problème ".
© PROF/FWB

Quand peut-on estimer que la situation nécessite une prise en charge ?
Dès qu’il y a absentéisme. Plus le décrochage est court, plus la prise en charge sera bénéfique. Mais il nous arrive de refuser une prise en charge, soit parce que la situation est trop pathologique, soit parce qu’il ne s’agit pas d’une angoisse débordante. Nous avons tous des moments d’anxiété, mais chez ces jeunes, l’angoisse devient si envahissante qu’ils sont incapables de penser, d’apprendre. Leur énergie n’est plus disponible.

Est-ce nouveau ?
Non, les phobies scolaires ont toujours existé. Jung, en 1913, parlait déjà de refus névrotique d’aller à l’école. Mais tant qu’il n’y avait pas d’obligation scolaire, ça ne posait pas problème. Y a-t-il des signes annonciateurs ? C’est rarement brusque. Au début, c’est plutôt sournois : un mot des parents parce que l’enfant n’est pas bien, puis des absences de plus en plus répétées. Notamment quand il y a un contrôle, parce qu’il y a souvent chez ces jeunes une panique d’être jugés, liée à une énorme pression familiale. L’isolement est également un signe : un enfant qui se cache dans les toilettes, qui ne va pas en récréation.

Entre décrochage et phobie, comment faire la différence ?
Quand ils ne sont pas à l’école, ces jeunes ne sont pas dans la rue ou dans les magasins à s’offrir du bon temps. Ils sont enfermés dans leur chambre, arrêtent leurs activités, ne voient plus personne.

Quels conseils donner aux équipes pédagogiques ?
Être attentifs aux bizarreries : les troubles obsessionnels compulsifs, les manies utilisées pour calmer l’anxiété. Et éviter à tout prix les propos humiliants. L’école est rarement la cause de la phobie, mais une remarque humiliante devant toute la classe peut avoir un effet catastrophique sur ces enfants plus fragiles émotionnellement que d’autres.

Vous évoquiez la pression familiale à la réussite. Y voyez-vous un facteur explicatif ?
Il y a une crise de l’institution familiale et de l’école, qui se renvoient la balle. Moi, je crois qu’il y a un problème dans la famille, qui ne remplit plus sa fonction. L’enfant du désir arrive pour l’épanouissement du couple et en retour les parents sont là pour l’épanouissement de leur enfant. L’enfant ne vient plus au monde, mais vient à soi…

On veut le meilleur pour nos enfants tout en les rendant autonomes, mais paradoxalement, sans les confronter aux limites et aux contraintes de la vie en société. Tout se négocie. Et quand le jeune arrive dans le monde sociétal, marqué par l’entrée en secondaire, on reproche à l’école de refuser la singularité de l’enfant. En axant toute l’éducation de l’enfant sur sa singularité, on croit construire son identité, mais c’est oublier qu’une identité se construit face aux autres. C’est comme si les autres étaient une menace. La situation devient critique quand l’enfant n’arrive plus à répondre à la pression sur ses performances scolaires. Ce n’est pas un hasard si le jeune choisit l’école comme symptôme de son mal-être…

La phobie scolaire toucherait-elle davantage les bons élèves ?
Dans mon expérience, c’est le cas.

L’augmentation du phénomène est-elle réelle ou alimentée par un effet de mode ?
Sans doute certains parents trouvent-ils là une explication au malaise de leur enfant, mais tous les centres s’occupant de jeunes constatent une augmentation du nombre de troubles psychologiques. Chez nous, en 2008-2009, sur septante-quatre jeunes suivis à Bruxelles, vingt-six étaient atteints de pathologies psychologiques. C’est énorme. Il y a sept ans, quand j’ai commencé, il y en avait deux ou trois !

Que deviennent ces jeunes atteints de phobie ?
On estime en général qu’un tiers d’entre eux reviennent à l’école rapidement, moyennant consultation. Un tiers continueront à avoir des problèmes tout au long de leur scolarité et de leur vie professionnelle. Et un tiers sont psychiatrisés…

Quel rôle l’école peut-elle jouer dans leur suivi, alors qu’ils sont déscolarisés ?
La plupart du temps, les parents font le trajet du généraliste vers un spécialiste, qui évalue si l’enfant doit être maintenu à l’école ou en être retiré. Nous, notre philosophie est de donner un espace-temps pour mettre en place une thérapie et retourner le plus vite possible à l’école. Nous n’intervenons que si le thérapeute qui suit l’enfant l’a retiré de l’école. On passe une convention avec la famille. Nous travaillons avec le jeune, avec son thérapeute, et avec l’école. Il faut que l’enfant comprenne que l’école a envie qu’il revienne.

Notre travail consiste aussi à restaurer le lien entre l’école et la famille. Dans tous les cas, nous demandons aux parents d’aller chercher la matière scolaire de leur enfant à l’école. Puis, on propose au jeune de le faire lui-même. Aujourd’hui, des directions acceptent que nos professeurs aillent donner cours dans un local séparé de l’école. Ou que l’examen se passe dans nos bureaux. Notre objectif est un retour rapide à l’école, mais attention, ce retour ne signifie pas la guérison…

Propos recueillis par
Didier CATTEAU

(1) L’ASBL fait appel à des enseignants bénévoles qui dispensent des cours gratuits à l’hôpital ou à domicile, à tout élève malade ou accidenté pour qui une demande a été introduite. Elle cherche en permanence des enseignants prêts à s’investir. http://www.ehd.be
(2) Psychiatre américaine ayant utilisé et défini pour la première fois l’expression « phobie scolaire », en 1941.

Pour en savoir plus

• LE HEUZEY M.-F. et MOUREN M.-C., Phobie scolaire - Comment aider les enfants et adolescents en mal d'école ?, éd. Josette Lyon, coll. Santé, 2008 (nouvelle édition prévue en octobre 2010).

• SERVANT D., L'enfant et l'adolescent anxieux. Comment les aider à s'épanouir, éd. Odile Jacob, 2005.

• MARRA D., GAREL (P.), LEGENDRE C., « Phobie scolaire et troubles de l'anxiété en milieu scolaire ». https://www.psychaanalyse.com/pdf/PHOBIE%20SCOLAIRE%20ET%20TROUBLES%20DE%20L%20ANXIETE%20EN%20MILIEU%20SCOLAIRE%20(9%20pages%20-%2029%20Ko).pdf

• LAMOTTE F., « Pertes, renoncements et dimensions suicidaires dans les phobies scolaires à l’adolescence », mémoire (sous la direction du DJean-Louis GOËB), Faculté de médecine d'Angers, 2003-2004, disponible sur http://psyfontevraud.free.fr/memoires/lamotte%202004.htm (consulté le 3/8/2010).

• DA SILVA ALMEIDA G., DESAGHER C., DE VILLERS J., sous la coordination de LACI H., « La phobie scolaire », Fédération des Associations de parents de l'enseignement officiel (Fapeo), 2009, disponible sur http://www.fapeo.be/analyses-2009/ (consulté le 3/8/2010).

• HERSOY L, « Le refus d'aller à l'école. Une vue d'ensemble », et LEBOVICI S, « Point de vue d'un psychanalyste sur les phobies scolaires », in Le refus d'aller à l'école; un aperçu transculturel, Paris, PUF, 1990, pp. 13-46 et 47-62.

• GAUCHET M., L’impossible entrée dans la vie (2008), QUENTEL J.-C., L’enfant n’est pas une personne (2008) et ROLIN D., Adolescence et insécurité (2009), trois livres faisant partie de la collection Temps d’arrêt, téléchargeable sur http://www.yapaka.be/professionnels/page/temps-darrets

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