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Magazine PROF n°53

 

Droit de regard 

L'enseignement en alternance, une filière d'excellence?

Article publié le 17 / 03 / 2022.

À la tête de l’Office francophone de la Formation en Alternance, Alain Goreux défend l’enseignement en alternance comme un modèle crédible. Sous conditions…

L’Office francophone de la Formation en Alternance (OFFA) a été installé en 2015 (voir http://www.formationalternance.be) avec la mission de piloter, en Belgique francophone, l’alternance organisée d’une part par les opérateurs de l’enseignement (Centres d’éducation et de formation en alternance – CEFA), et d’autre part par les opérateurs de formation régionaux (Institut wallon de formation en alternance et des indépendants et petites et moyennes entreprises – IFAPME, et Service Formation PME – SFPME, à Bruxelles).

À sa direction depuis novembre 2020, Alain Goreux porte son regard sur les atouts et les freins de la formation en alternance chez nous.

Alain Goreux : « De plein exercice ou en alternance, l’école doit être proche de la réalité de l’emploi »
Alain Goreux : « De plein exercice ou en alternance, l’école doit être proche de la réalité de l’emploi »
© Pierre-Yves THIENPONT

PROF : Qui sont les élèves de l’enseignement en alternance en Fédération Wallonie-Bruxelles ?

Alain Goreux : Il y a une perception, très belgo-belge, dévalorisante de la formation en alternance. Il y a des jeunes qui sont en alternance parce qu’ils ont en effet décroché. Pour des raisons personnelles, sociologiques…, tout ce qu’on peut imaginer. Et c’est sans doute la méthode d’apprentissage qui leur fallait. Et une partie de jeunes, sans doute encore trop faible, pour qui c’est un choix volontaire.

Chez nous, on demandera à de jeunes diplômés via l’alternance s’ils ont eu des problèmes à l’école… Outre que ce n’est pas très adroit comme message, c’est à l’opposé de ce qui se passe dans d’autres pays.

En Suisse, si vous sortez de l’enseignement technique de plein exercice et que vous vous présentez chez un employeur, il va vous demander pourquoi vous n’avez pas fait l’alternance ! Car l’alternance y est perçue comme
le gage que vous avez réellement pu voir si le métier vous plaisait. Et elle concerne 45 % des jeunes en qualification. En Allemagne, on n’est pas aussi loin, mais presque. Chez nous, l’alternance ne représente, grosso modo, que 5 % du qualifiant.

Ce constat se double du fait que les entreprises suisses et allemandes présentent une meilleure capacité de rétention de leur personnel.

Ceci étant, la question n’est pas de jouer l’alternance contre l’enseignement de plein exercice, mais bien de développer la complémentarité entre les dispositifs… Les finalités sont identiques : il s’agit de servir l’employabilité de nos jeunes ; que cette employabilité soit bonne quand ils sortent de leur formation ; et que ce faisant, ils accèdent à l’emploi. Ce qui suppose certaines conditions…

À quelles conditions pensez-vous ?

Pour les CEFA, comme pour l’enseignement en général et pour les autres opérateurs de formation, il y a un travail de coordination essentiel à remplir, pour aligner l’offre qui soit qualitativement la meilleure et la plus proche de la réalité des entreprises.

Il faut oser se poser la question de l’utilité de proposer, sur un même territoire, trois fois la même formation, certaines d’ailleurs loin d’être un tremplin vers un emploi de qualité. Et parallèlement, on doit avoir un dialogue plus étroit avec les entreprises et se montrer plus agiles en termes de formations offertes.

Ce sont des enjeux au coeur des bassins Enseignement qualifiant-Formation-Emploi. Un autre enjeu est celui de l’orientation.

L’orientation est aussi une priorité du Pacte. Comment l’améliorer ?

Avec l’école, les CMPS, il faut réfléchir très tôt avec les jeunes de leur orientation. Les impliquer dans cette démarche à mener par rapport à leur devenir et leur avenir.

Si on veut sortir de ce décrochage scolaire et ce sentiment d’échec – je pense ici en particulier à la formation en alternance -, il faut un minimum de garantie que tout soit bien compris. « Sache que si tu optes pour ce choix, tu auras ça. » C’est une condition pour pouvoir assurer du moyen et du long terme, pas que du court terme. Les échecs à court terme, certains jeunes en ont déjà eus leur compte.

C’est donc important, mais aussi parfois compliqué, de pouvoir cerner la personnalité du jeune, et il y a un écart entre la situation « hors cadre » et la situation réelle.

Une piste de réflexion : en Communauté germanophone, pendant les vacances de Printemps et avant les vacances d’Été, les élèves qui envisagent une formation en alternance l’année scolaire suivante passent un ou plusieurs jours en « insertion » en entreprise. Il s’agit d’un stage d’observation, pas de prestations. « Ça, ça m’intéresse, je vais aller voir ce que c’est. Vous me dites que je devrai me lever tôt, mais je sais me lever tôt ! » Cela fonctionne de la même manière en Allemagne. Et même si ce n’est que quelques jours, ils auront perçu la situation et quelle sera la voie vers laquelle ils voudraient se diriger.

Cela fait partie d’actions complémentaires ou en appui du travail d’orientation qui peuvent être faites.

Toujours sur l’alternance : quelles sont les garanties offertes au jeune ?

Toutes les entreprises « formatrices » sont agréées et les objectifs/engagements de formation (fixés dans le plan de formation) figurent en annexe au Contrat d’alternance qui les lie aux apprenants. Et les référents et les accompagnateurs des écoles vérifient cette dimension formative tout-au-long de la formation.

Par exemple, des écoles nous expliquent avoir dû sortir un jeune d’un salon de coiffure parce que depuis six mois, il n’y faisait que préparer le café et balayer les cheveux tombés par terre. Cela ne coutait pas très cher au patron du salon (400 € par mois), mais ils n’avaient pas compris la finalité du contrat…

Les agréments aux entreprises portent par métier. Certaines ont plusieurs agréments : maçonnerie, carrelage, etc. La plupart des secteurs imposent des normes formatives. Pour reprendre l’exemple du salon de coiffure, c’est un seul apprenant à la fois par tuteur, car encadrer davantage de jeunes en même temps ne serait pas tenable. Dans d’autres secteurs, une entreprise jusqu’à 5 collaborateurs peut prendre un seul apprenant ; entre 6 et 10 collaborateurs, elle peut en prendre deux ; etc.

Le contrat d’alternance commun, mis en place à partir de 2016, a aussi constitué un progrès. Il a permis un gain de temps et d’efficacité pour les opérateurs de formation et les entreprises, ainsi que l’assurance pour les apprenants et leurs parents d’avoir un contrat valide. Les rémunérations ont également été harmonisées.

Un mot sur la proximité avec la réalité des entreprises…

Une des principales filières de l’enseignement en alternance est la vente. Mais, jusqu’il y a peu, on apprenait à mettre en rayon, à utiliser une caisse, à réceptionner et gérer un stock. Quelle est la situation actuelle ? Ainsi que des apprenants ont vu : « Il n’y a plus de stock, on met en rayon ce que nous recevons le matin et le soir, c’est vendu ». Et on ne leur disait pas : « Attention, vous allez passer à internet, à la vente en ligne ».

On aura sans doute toujours besoin d’une filière de vente, mais aujourd’hui il faut également développer des compétences en informatique, apprendre à manipuler un écran tactile, savoir rédiger un mail… Sous peine de grosses déceptions pour celles et ceux qui choisiraient la filière en ayant la vision d’un métier qui n’existe plus tellement il a évolué ces dernières années.

Propos recueillis par
Monica GLINEUR

En deux mots 

Alain Goreux est Directeur général de l’Office Francophone de la Formation en Alternance (OFFA) depuis novembre 2020.
L’organisme, institué par un accord de coopération entre la Communauté française, la Région wallonne et la Commission
communautaire française, a vu le jour en septembre 2015.

Licencié en sciences nautiques (Antwerp Maritime Academy), il a auparavant navigué plusieurs années pour la marine marchande belge et connu différentes expériences professionnelles dans les secteurs privé (Manpower et Trace), associatif (OXFAM Solidarité) et public (CAPAC).

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