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Magazine PROF n°53

 

L'info 

Inclusion des élèves déficients visuels - Un autre regard

Article publié le 17 / 03 / 2022.

Malvoyant de naissance, Logan est en primaire dans une école de l’enseignement ordinaire. Accompagné par Eqla, une ASBL qui mène un travail d’inclusion d’élèves déficients visuels depuis 35 ans.

L’ASBL Eqla, appelée Oeuvre Nationale des Aveugles jusqu’il y a peu, fête ses 100 ans cette année. Son service d’accompagnement scolaire a été créé en 1988, pour accompagner enfants et adolescents dans le choix d’un parcours scolaire dans l’enseignement ordinaire. Explications de sa directrice, Bénédicte Frippiat : « On a commencé à la demande de parents qui ne souhaitaient pas que leur enfant suive l’enseignement spécialisé, considérant qu’il était préférable, pour leur future intégration sociale, qu’il fréquente une école où vont tous les enfants ».

© PROF/FWB

« À l’époque, ce n’était pas prévu comme ça, on devait se battre avec les équipes éducatives pour pouvoir intégrer des enfants. Il y avait une peur des enseignants de ne pas pouvoir les aider, et nous leur proposions de l’aide. Puis c’est devenu beaucoup  plus habituel quand le décret Intégration est sorti en 2009, et on a commencé à travailler avec l’enseignement spécialisé bien
souvent.
»

Chaque année, aujourd’hui, huit accompagnatrices et accompagnateurs suivent le parcours de quelque 90 jeunes, à partir de 2 ans et demi et jusqu’à la fin de l’enseignement supérieur, en Wallonie et à Bruxelles. L’association propose divers services, avec des soutiens publics de l’Agence pour une Vie de Qualité (l’AViQ wallonne) et le service Personne Handicapée Autonomie Recherchée (Phare, du ressort de la COCOf en Région bruxelloise) (1).

Inclure la différence

En janvier, la rédaction de votre magazine a poussé la porte de l’École Notre-Dame de Bonne-Garde, à Yvoir, qui, comme d’autres, collabore avec Eqla. Cette école fondamentale compte 115 élèves. Ode Froidbise, directrice : « Nous avons trois élèves en projet d’intégration et scolarisons des enfants du Centre d’accueil de réfugiés de la Croix-Rouge tout proche. Toutes les différences, quelles qu’elles soient, sont très bien intégrées ».

Logan, malvoyant de naissance, est arrivé à l’école en maternel et y suit depuis sa scolarité avec son accompagnateur scolaire, Pierre De Roover. Dans une logique d’aménagements raisonnables et en bénéficiant d’une continuité d’accompagnement, précise la directrice. L’école avait déjà collaboré sur ce modèle avec Eqla, il y a quelques années, et avec fruit : l’élève est aujourd’hui en 3e secondaire.

Logan, lui, est en P3. Valérie Poncelet, son institutrice : « C’est une petite classe, avec des élèves de niveaux très différents et des besoins spécifiques. Logan est accompagné pendant quatre heures tous les jeudis par Pierre De Roover. Et les mercredis, il est aidé par une bénévole d’Eqla. On l’a laissé redoubler en 2e. Il est autonome depuis cette année-ci, les difficultés pour les travaux de précision se résorbent, son écriture s’est améliorée, il sait ranger ses feuilles… Et il s’est ouvert : il demande, il participe. »

Deux enfants du Centre d’accueil de la Croix-Rouge rejoindront la classe, ce matin-là. L’un des deux parle anglais. Mme Poncelet : « Celui qui a quelques notions d’anglais peut l’aider, comme on fait toujours ».

À son bureau, Logan actionne sa TV-loupe : une caméra permet de filmer, de loin, le tableau et l’institutrice ; et une autre filme, de près, son plan de travail. Logan jongle pour afficher sur son écran la ou les images pertinentes.

« Chaque personne déficiente visuelle est différente, a une vision différente, explique M. De Roover. Logan voit bien de très près. L’utilisation de la loupe et du travail sur écran sont fatigants : il faut bien régler les contrastes et permettre des temps de pauses. De plus, il porte des lunettes à la fois correctrices et filtrantes, car il est photophobe. Il voit la vie en teinté, ce qui pose des problèmes d’identification de couleurs. »

Les séquences de cours se succèdent : multiplication, conjugaison, vocabulaire, … Assis aux côtés de Logan, M. De Roover lui chuchote à l’oreille des mots pour soutenir son attention dans les apprentissages et guider sa lecture des consignes.

Les élèves sont maintenant répartis en sous-groupes pour jouer au jeu des neuf familles, autour de familles de mots avec le même préfixe, à partir du thème de la météo (pluviomètre, glacial, etc.).

Après la partie du jeu des familles, M. De Roover s’arrêtera sur ses rétroactes : « Je lui avais décrit les images, les couleurs. Si on n’est pas là, il passe à côté de beaucoup de choses… Pour une question de gestion du temps, en classe – mais jamais en examen –, je lui lis des questions ». 

Et c’est vrai qu’on a vu Logan jouer la partie de cartes comme un poisson dans l’eau…

Les cours avaient été donnés par une future institutrice prestant son stage. Pendant la pause, M. De Roover lui explique comment voit Logan, l’utilité d’employer des surligneurs de différentes couleurs… Et encourage Logan à échanger quelques mots d’anglais avec le jeune arrivant de la Croix-Rouge. 

Tous s’impliquent

La matinée se termine. M. De Roover, éducateur spécialisé de formation, revient sur son métier. Il suit vingt élèves, du maternel au secondaire, dont certains sont aveugles, et accompagne la transition dans le supérieur d’une étudiante en Bac 2. « C’est être le relais entre les différents intervenants : professeurs, parents, transcripteurs, Centres de rééducation fonctionnelle… Chercher des solutions à chaque problème qui se pose. Mais le coeur du travail, c’est d’être présent en classe pour soutenir les apprentissages pendant que les cours se donnent. »

Au fur et à mesure de l’accompagnement, l’élève gagne en autonomie.
Au fur et à mesure de l’accompagnement, l’élève gagne en autonomie.
© FWB/PROF

Rencontre avec la maman de Logan, qui explique le choix de l’enseignement ordinaire fait par son mari et elle par « le sentiment que l’enfant évolue mieux ».

Et une question à Logan, vu le rapport de complicité et de respect qui semble le lier à son accompagnateur : « Tu le tutoies ou tu le vouvoies ? ». « Je lui dis vous ». Sa maman, le moquant un peu : « Non, tu le tutoies, Pierre ! ». Ses cours favoris ? « Tous… mais moins l’orthographe. J’ai aussi eu des cours d’anglais l’année passée (dans le cadre de l’éveil aux langues), j’ai vraiment aimé ! ». Une ouverture d’oreille prometteuse ?

Monica GLINEUR

(1) Eqla bénéficie aussi du soutien du Digital Belgium Skills Fund, qui investit depuis 2016 dans des projets visant à renforcer les aptitudes numériques, principalement celles de jeunes et (jeunes) adultes socialement vulnérables, du Fonds Steldust de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de dons et de legs.

Une vision à 360 degrés

L’association Eqla développe de multiples services en faveur de l’inclusion des aveugles et malvoyants. Dont des formations pour enseignants et des animations dans les écoles.

En interne, ainsi qu’en lien avec d’autres associations agissant pour l’inclusion des personnes déficientes visuelles, l’ASBL Eqla organise différents services de proximité « avec et pour les aveugles et les malvoyants », et un travail de promotion de leurs droits.

Dans un « pôle accompagnement » des accompagnateurs sociaux soutiennent les personnes et familles concernées dans leurs démarches administratives, mais s’impliquent aussi sur les problématiques d’accessibilité auprès d’autorités.

Braille, grands caractères, etc.

Le Centre de transcription et d’adaptation est un autre pôle au sein de l’ASBL. Impossible, par exemple pour un jeune en intégration, de suivre les cours sans version adaptée. Notre reportage à l’école d’Yvoir montre que les professeurs de l’ordinaire savent adapter leurs documents aux besoins de leurs élèves déficients visuels. C’est bien sûr aussi le cas dans le spécialisé de type 6.

Reste que, selon la directrice d’Eqla Bénédicte Frippiat, les besoins en termes de transcription et d’adaptation scolaires sont énormes, et devront constituer un point d’attention dans le cadre de la réforme des pôles territoriaux. En 2020, 130 000 pages de cours, examens…, ont été adaptées par Eqla en braille, grands caractères, ainsi qu’en 3D pour des schémas, cartes ou mathématiques…

Le travail des transcripteurs porte aussi sur les pages de livres qui viennent compléter le catalogue de la bibliothèque et les fiches de jeu de la ludothèque, deux services du pôle « culture et loisirs » de l’ASBL. Près de 20 000 livres sont prêtés par an, dont bon nombre en format audio. La ludothèque organise du prêt et des animations dans les écoles.

Former et informer

Depuis 10 ans, à ces services se sont ajoutées des formations pour les professionnels que l’inclusion du handicap visuel concerne, dont les (futurs) enseignants. Elles se mènent en binôme, par une des formatrices d’Eqla et une personne déficiente visuelle, qui nourrit la formation de son expérience.

Ce principe vaut également pour les actions de sensibilisation menées dans les écoles.

Deux modules d’animation leur sont proposés, l’un pour le primaire, l’autre pour le secondaire, ainsi que des valises pédagogiques. 

Monica GLINEUR

Julia, à la découverte d'un livre tactile.
Julia, à la découverte d'un livre tactile.
© FWB/PROF

Produire des audiolivres avec ses élèves

Le Prix Farniente de littérature pour jeunes permet aussi à des élèves d’enregistrer des audiolivres des titres sélectionnés, à destination des déficients visuels. Avis aux enseignants…

Le Prix Farniente est né en 2000, pour que des adolescents lisent et décernent « leur » Prix.

Le Projet Éléonore, du nom d’une jeune malvoyante passionnée de lectures, s’y est greffé en 2006 : des élèves voyants donnent leur voix aux romans sélectionnés pour le Farniente et enregistrent leur lecture afin que des élèves déficients visuels puissent prendre part à l’attribution du Prix. Depuis, sous le nom d’Éléonore puis de Farnient’Audio, 101 romans ont été mis en voix, par 1500 lecteurs et lectrices encadrés par leur enseignant ou des bibliothécaires (pour y accéder, cliquer sur bibliotheque.braille.be/fr/catalogue et encoder Farniente dans le moteur de recherche).

Le Farnient’Audio fonctionne de la manière suivante. En mai se tiennent la clôture d’une édition et l’annonce de la sélection de l’édition suivante. Les encadrants de groupes de lecture, enseignants le plus souvent, contactent les organisateurs pour signaler leur intérêt à enregistrer la lecture de tel ou tel titre. Les enregistrements démarrent en septembre. En décembre, la Ligue Braille, partenaire du Prix, se charge de leur édition et de leur diffusion.

Tous gagnants

Auparavant, l’ASBL Média Animation aura prêté du matériel d’enregistrement et formé des enseignants ou des jeunes, à quelques règles techniques et aux principes à connaitre pour lire à voix haute de manière qualitativement suffisante.

« Les formations se déroulent en présentiel, mais cela n’a pas été possible ces derniers temps », explique Jean-Luc Straunard, ingénieur du son à Média Animation et formateur en la matière depuis plus de 10 ans, notamment à l’Institut de la Formation en cours de Carrière (IFC).

« La lecture d’un livre représente de six à douze heures », détaille-t-il. Les enregistrements des lectures lui sont transmis pour qu’il les toilette avant envoi à la Ligue Braille. Un travail de montage qui peut parfois l’occuper près d’une semaine pour un livre…

Bilan ? Une opération utile aux élèves déficients visuels comme aux élèves voyants qui font la lecture, estime-il. « Entre les premières pages et les dernières pages lues, on entend une évolution, les progrès. Ces lectures peuvent paraitre chronophages, mais en termes de compétences de lecture, elles ne sont en rien une perte de temps ».

Monica GLINEUR

CEB, CE1D, CESS... adaptés

Dès l’instauration du Certificat de base (CEB), le principe était prévu : les élèves atteints de troubles visuels et/ou de trouble(s) d’apprentissage peuvent bénéficier d’adaptations de l’épreuve, à condition que l’établissement leur propose déjà un enseignement adapté (1). Et cela vaut aussi pour le Certificat d’études du 1er degré de l’enseignement secondaire (CE1D) et le Certificat d’enseignement secondaire supérieur (CESS).

Les adaptations des épreuves portent sur les modalités de passation, ainsi que leur format : versions en braille, en Arial 20 et en Arial 14.

Aline Debouny, inspectrice et membre du Groupe de travail CEB : « Dès la conception de l’épreuve, les membres intègrent dans leurs réflexions son adaptabilité, notamment pour les questions avec des plans, des dessins chargés… On cherche alors une alternative, tout en veillant à ce qu’on évalue toujours bien ce qui est à évaluer. Si ce n’est pas possible, on peut décider de neutraliser une question ».

Un groupe de professionnels spécialistes, parmi lesquels des membres des ASBL Eqla et Triangle, examine ensuite les projets d’épreuves, et peut proposer des adaptions supplémentaires.

(1) Le trouble doit aussi être constaté par un spécialiste.

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