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Magazine PROF n°49

 

L'acteur 

« On fait grandir les stagiaires, mais on se fait grandir aussi »

Article publié le 26 / 03 / 2021.

Instituteur depuis 17 ans, Jean-Baptiste Freymann est aussi maitre de stage. Cela fait maintenant 13 ans qu’il accueille de futurs collègues dans ses classes.

Aujourd’hui titulaire d’une des classes de 4e primaire de l’Institut Sainte-Marie, à Arlon, Jean-Baptiste Freymann est instituteur depuis 17 ans, et maitre de stage, comme une dizaine de collègues de l’école.

PROF : Comment devient-on maitre de stage ?

Jean-Baptiste Freymann :
On est sollicité, par notre direction et par la haute école. Au début ce n’est pas évident : on trouve qu’on n’a pas beaucoup de légitimité. À raison je pense, parce que les premières années il vaut mieux prendre un peu de recul.

Vous l’êtes devenu après 4 ans de métier. C’était assez ?

Difficile à dire : il faudrait demander aux personnes qui sont venues dans mes classes…

Je pense que notre chance est qu’on travaille très fort en équipe. Il y a dix-sept classes de primaire dans l’école, et nos stagiaires, on les accueille ensemble. Nous sommes une ancienne école d’application, qui a donc une tradition d’accueil de stagiaires, une culture de l’accompagnement. En équipe, on essaie de proposer aux stagiaires les mêmes activités, et on les encourage à travailler ensemble. C’était aussi plus facile pour moi, au début, d’être chapeauté pour analyser les leçons.

Tous les maitres de stage encadrent tous les stagiaires ?

Ils encadrent les stagiaires de leur année, sinon ce serait difficilement gérable : déjà comme ça, ça prend beaucoup de temps ! Et il y a aussi toute une partie de l’encadrement en individuel.

La préparation est plus ou moins la même pour des stagiaires des trois années de bachelier. Je demande toujours que tout soit prêt à l’avance. On travaille fort en amont : on donne le sujet à travailler plus d’un mois avant le stage, voire deux. On demande que les premières leçons arrivent le plus vite possible, pour pouvoir les analyser, les retravailler avec le stagiaire, pour qu’au début du stage tout soit prêt.

Je travaille le plus possible en présentiel, parce que par écrit, les finesses d’ajustement sont compliquées à faire. J’oblige le stagiaire à prendre des notes pour qu’il puisse retravailler ses leçons en fonction de nos réflexions. Parfois ça demande des adaptations avec la haute école, pour que les préparations entrent dans son canevas…

Maitre de stage, Jean-Baptiste Freymann insiste sur le travail d'équipe
Maitre de stage, Jean-Baptiste Freymann insiste sur le travail d'équipe
© PROF/FWB

C’est une exigence de la haute école ou votre façon de procéder ?

Pour les stages de 1re année - une semaine -, la haute école exige que tout soit prêt avant le stage. Pour la 3e année, il faut qu’une des trois semaines soit prête. Cette exigence découle de son expérience. De fait, j’ai parfois eu des stagiaires pas tout à fait prêts, et ce n’était vraiment pas confortable.

Avoir discuté bien en amont permet d’éliminer toute une série de soucis et lui permet d’être en accord avec nos exigences et avec celles de la haute école, qui ne sont parfois pas tout à fait les mêmes. En tout cas, ça demande au stagiaire une adaptation. Le fait de commencer un stage en sachant que tout est OK permet d’être reposé et de se concentrer sur l’analyse des leçons.

Les stagiaires s’occupent de la classe toute la journée ?

En 1re année, le deuxième stage, après les vacances de Pâques, est d’une semaine d’enseignement. J’interviens peu. Je ne vais pas dire que je n’interviens jamais, parce que parfois je rectifie quelque chose.

Je ne me situe pas comme inspecteur au fond d’une classe, mais comme collègue, presque. On observe les enfants à deux, on passe dans les bancs, on explique. Et je ne vais pas dire « chuuut, va demander à la stagiaire… » On travaille à deux et c’est ça la chance des élèves : ils ont deux fois plus de personnes, c’est très précieux !

Il y a une part de risque à confier ses élèves à un stagiaire, non ?

Je n’y vois pas tellement de risque, si on se donne suffisamment de balises. Évidemment, je suis le garant du bien-être des élèves. C’est pour ça que je m’oblige à travailler très fort en amont. Ça demande une organisation pour trouver des sujets de stage, des compétences à travailler…

Il faut aussi savoir ce que l’on va confier à quel stagiaire. Il y a des sujets un peu plus sensibles que je ne confierai pas nécessairement à des stagiaires de 1re année. Pour d’autres ils sont tout à fait à l’aise et l’analyse des préparations permet de m’assurer que ce sera bien fait.

Pour moi, le gros défaut des stages, c’est qu’ils sont évalués, donc les stagiaires ne vont pas prendre trop de risques. Ils ne sont pas fous : ils ne vont pas se lancer dans des situations qui pourraient les mettre en difficulté. Généralement, ils vont chercher la sécurité : des choses qu’ils ont connues à l’école et vont reproduire. Or, un des rôles des maitres de stage est de leur faire découvrir de nouvelles pratiques…

Avez-vous suivi une formation spécifique pour être maitre de stage ?

Pour être maitre de stage proprement dit, non (1). Mais j’ai participé à beaucoup de formations. Je conseille souvent à mes stagiaires d’aller aux Rencontres pédagogiques d’été de Changements pour l’égalité, parce qu’on y rencontre des gens passionnés par leur métier, de la maternelle au supérieur, et confrontés  aux mêmes difficultés, aux mêmes doutes… Ça permet de ne pas être seul, de former une équipe au sein de l’école mais aussi parfois au-dehors, et c’est vraiment très utile !

Le mot « équipe » revient souvent chez vous !

C’est une chance. Une vraie chance. Étendre la formation à quatre ans ne changera pas grand-chose si on fait plus d’auditoire. Par contre faire du compagnonnage… Qu’un maitre de stage soit un référent qui donnerait des conseils, qui prêterait une oreille attentive aux difficultés.

Ce compagnonnage pourrait s’étendre aux premières années d’enseignement, où on peut se retrouver très isolé. Ça pourrait pallier le manque de préparation que peuvent ressentir les jeunes enseignants.

Si on ne travaille pas cette question de la collaboration, si on n’a pas la chance d’arriver dans une école où on travaille en équipe, on peut très vite se retrouver très seul !

Si vous deviez estimer le temps passé à encadrer les stagiaires ?

Pour le dernier stage d’une semaine, par exemple, j’ai travaillé deux fois deux heures avec l’étudiant, puis deux heures par jour pendant le congé de Toussaint pour analyser ses préparations, et pendant le stage tous les jours on discute tout le temps de midi et après la journée pour un feedback d’au moins une demi-heure à trois quarts d’heure.

Vous regrettez l’évaluation des stages, mais vous êtes bien obligé de la faire !

On nous demande de faire une évaluation blanche à la moitié du stage puis l’évaluation finale. Pour le reste, chaque maitre de stage fait comme il veut. Moi, je note des points d’attention, j’en discute avec le stagiaire, et ça reste entre lui et moi. On a un devoir de sélection, bien sûr, mais personnellement il n’y a qu’un stagiaire pour lequel j’ai émis des réserves.

Il y a aussi les visites des maitres didacticiens et du psychopédagogue, plus l’analyse des préparations. C’est pour ça que je disais que le stagiaire ne va pas se lancer dans n’importe quoi parce qu’il doit être en accord avec celui qui vient le voir…

Que diriez-vous aux collègues pour les convaincre d’accepter d’être maitres de stage ?

Ça demande moins de boulot de préparer ses propres leçons que d’accueillir un stagiaire, mais il y a plein d’enrichissements : ça permet de communiquer les points pédagogiques qui nous tiennent à cœur. Si on veut faire un petit peu bouger l’école, la faire évoluer, ça passe par là.

Et pour la classe, c’est une personne en plus. Pour les élèves c’est un bienfait. Parfois les parents ont peur de voir arriver un stagiaire, parce qu’ils pensent que ça va être la foire, les veaux qu’on lâche en pâture… Mais ce n’est pas du tout ça ! Nous, ça nous permet aussi de réfléchir à nos propres pratiques, par l’observation des leçons et des réactions des élèves.

Mais il faut le sentir, ne pas le faire si on n’a pas envie. Ce sont des rencontres humaines ; ça permet de réfléchir, de s’arrêter sur sa pratique. On fait grandir les stagiaires mais on se fait grandir aussi. Il y a aussi de belles rencontres avec des personnes de la haute école, avec qui discuter de pédagogie, et ça, je le ferais pendant des heures, ce n’est pas du travail…

Propos recueillis par
Didier CATTEAU

(1) L’IFC organise une formation spécifique. www.ifc.cfwb.be

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