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Magazine PROF n°4

 

Coté psy 

Violence à la télé : apprendre à regarder

Article publié le 01 / 12 / 2009.

La télévision engendre-t-elle une génération de barbares ? Loin des stéréotypes, le problème des effets de la violence télévisuelle sur les jeunes est très complexe. Une certitude : il n’y a pas d’automatisme. Et une évidence : une éducation aux médias contribue à réduire son impact. Dès l’école maternelle.

La violence fait partie des thèmes médiatiques à succès. En 2002, en France, le rapport Kriegel tirait la sonnette d’alarme : l’excès de programmes violents rendrait les téléspectateurs plus agressifs (1). La même année, des chercheurs américains, Johnson et Cohen, publiaient les conclusions d’une étude menée auprès de sept-cents familles américaines pendant un quart de siècle (de 1975 à 2000). Résultats ? Les enfants ayant regardé la télévision plus de quatre heures par jour avant l’âge de six ans ont cinq fois plus de chances d’être violents à l’âge adulte. « On pourrait réduire sensiblement les chiffres de la délinquance en diminuant de 50% la quantité d’hémoglobine à la télévision », explique Jean-Léon Beauvois, professeur de psychologie sociale (2).

De fait, des recherches montrent que les enfants ayant visionné des films violents ont des comportements plus agressifs ou moins altruistes que les enfants ayant vu des programmes neutres. Cet été, le Pr Didier Courbet, de l’Université de la Méditerranée, a fait visionner un extrait de Saw, un film d’horreur sanglant, à des étudiants, et à d’autres un film mettant en valeur des comportements d’entraide. Sortant du labo, ils croisaient un complice faisant tomber à ses pieds une pile de documents. Aucun des étudiants ayant été confrontés à Saw ne l’a aidé ; tous les autres l’ont fait !

Selon Didier Courbet, « les programmes qui mettent en scène la violence, l’égoïsme, l’individualisme ou la compétition produisent une influence négative sur les personnes qui les regardent. Cela relève d’une théorie de l’apprentissage qui prédit que l’on a tendance à reproduire ce que l’on voit » (2). Or, ces « valeurs » sont abondantes dans de nombreuses émissions télé regardées par les jeunes.

Des hypothèses, une polémique

Parmi les hypothèses sur l’impact des médias figurent les théories de l’identification et de l’imitation sociale. Les enfants imitent d’autant plus les comportements agressifs vus à la télé que ces derniers ne sont pas condamnés dans l’émission ou par les parents lorsqu’ils sont présents, et qu’ils sont commis par des personnages sympathiques ou victorieux. Certains chercheurs, tel l’expert américain en psychologie meurtrière, Dave Grossman (3), parlent de  « désensibilisation » à la violence du fait de son omniprésence à l’écran. Cela étant, des chercheurs remettent régulièrement en cause les études établissant un lien de causalité entre programme violent et comportement agressif, qui présenteraient des biais méthodologiques.

Selon le Pr Didier Courbet,
Selon le Pr Didier Courbet, "Les programmes qui mettent en scène la violence, l'égoïsme, l'individualisme ou la compétition produisent une influence n'égative sur les personnes qui les regardent".
© Fotolia/Jack Frog

Que retenir de ces polémiques ? De nombreuses recherches récentes montrent que le problème est multifactoriel. Une chose est sûre : il n’y a pas d’effet automatique, mais des facilitateurs d’agressivité. Différents paramètres sont donc en jeux comme l’état psychologique du téléspectateur, son âge, son sexe et son niveau de scolarisation, mais également les critères socioéconomiques, l’encadrement familial… Le contexte de visionnage est important : « La même séquence regardée dans des contextes différents entraine* des effets très variables », explique le Pr Marc Lits (4).

Le milieu dans lequel vit le jeune modifie sa propre perception de la violence dans les médias. Ainsi, par exemple, une étude de Cairns sur des petits Irlandais de 8 à 11 ans montre que leur perception de la violence dans des séquences de journaux télévisés varie selon qu’ils vivent dans des quartiers plus ou moins violents (5). En outre, le type d’émission lui-même joue un rôle important : la violence « réelle » impressionne davantage que la violence fictionnelle.

Apprendre à regarder

Pour le psychiatre et psychanalyste Serge Tisseron, « la distance que les enfants prennent par rapport aux images est fonction de la capacité qu’ils ont de pouvoir leur donner du sens ». Et, pour cela, « l’éducation aux images doit leur donner la parole, se mettre à leur écoute et les inciter à créer les leurs » (6).

Les moyens d’initier les élèves au décodage visuel concernent tous les niveaux d’études. Dès la maternelle, il est possible d’organiser des jeux de rôle avec les enfants pour prévenir la violence par un accompagnement aux images (7). Des formations aux médias audiovisuels existent pour les enseignants intéressés (8).

Enfin, les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Selon J. Bermejo Berros, professeur à l’Université de Valladolid et directeur d’un laboratoire de recherche en psychologie des médias, ils doivent exercer une médiation mais aussi un contrôle et fixer des règles strictes avec les jeunes téléspectateurs. Philippe Meirieu énonce quant à lui une règle simple mais efficace : « Choisir avant. Regarder avec. Parler après » (9). Encore faut-il l’appliquer…

Étienne GENETTE

(1) Rapport sur la violence à la télévision présenté par la philosophe française Blandine Kriegel au ministre de la Culture et de l’Éducation.
(2) Sciences et avenir de septembre 2009, p. 51.
(3) cité par ADNET M.-F. dans « Quand la télé engendre des monstres ! », dans Le Soir magazine du 06/03/2009 p. 47.
(4) LITS M., « Des effets discutés », dans La violence dans l’information télévisée, ouvrage collectif édité par la Communauté française, s.d., p. 51. Téléchargeable à l’adresse http://www.audiovisuel.cfwb.be/index.php?id=avm_pviolencejt
(5) Cité par BERMEJO BERROS J., Génération télévision, Bruxelles, éd. De Boeck Université, 2007, p. 40.
(6) TISSERON S., « Images violentes, violence des images », pp. 2 et 11 (http://www.rcq.gouv.qc.ca/FTP/Chroniques/Tisseron.pdf).
(7) Voir TISSERON S., Le jeu de rôle à l’école maternelle : une prévention de la violence par un accompagnement aux images (rapport définitif d’octobre 2008, http://squiggle.be/PDF_Matiere/09_Jeu_de_role_Tisseron.pdf).
(8) Le portail enseignement.be présente une série de ressources disponibles : http://www.enseignement.be/index.php?act=search&page=23673&mots=%22education+aux+medias%22
(9) MEIRIEU Ph., « La télévision entre crétinisme et élitisme » (http://www.cemea.asso.fr/spip.php?article6327).

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