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Magazine PROF n°4

 

L'acteur 

Et un rôti « Marie-Louise », un !

Article publié le 01 / 12 / 2009.

Philippe Minet est chef d’atelier à l’Institut des techniques et des commerces agro-alimentaires, à Suarlée. Entre corps professoral et équipe de direction, il remplit quantité de missions parfois étonnantes.

L’école où travaille Philippe Minet propose deux sections professionnelles : boulangerie-pâtisserie et boucherie. Ce chef d’atelier dirige les 250 élèves de la seconde comme dans une véritable entreprise. On y pratique la découpe, mais aussi la salaison, la charcuterie et le service traiteur, de façon artisanale ou industrielle. « Mon premier souci est d’obtenir chaque semaine les matières premières pour faire travailler correctement les élèves. Système assez unique : les bouchers de la région nous prêtent une viande que nous leur rendons après transformation. Or, un jambon peut murir plus d’un an ».

Chambre froide, saloir, fumoir, et ateliers sont bien remplis… « Il faut répéter l’acte : on n’apprend pas à faire un rôti de porc Marie-Louise sous vide en un coup de cuiller à pot ». Son carnet d’adresses, largement fourni, respire la confiance : « Dans ma corporation, pas besoin d’écrit, la parole est sacrée. Pour l’honorer, il faut travailler sérieusement ».

Philippe Minet, chef d'atelier: « On n’apprend pas à faire un rôti de porc Marie-Louise sous vide en un coup de cuiller à pot ».
Philippe Minet, chef d'atelier: « On n’apprend pas à faire un rôti de porc Marie-Louise sous vide en un coup de cuiller à pot ».
© Belga/Olivier Papegnies

Pour coller à la réalité, Philippe Minet accepte toute commande : des parents d’élèves, d’associations,… « Cela demande de la rapidité et de la flexibilité. Si on me demande mardi 200 lasagnes pour vendredi, c’est moi qui rédige les bons de commande. Le règlement veut que ce soit l’économe. Ici, il signe après coup ». Arrivée des matières premières et opportunités décident de l’application du programme, pas l’inverse. Comme dans la vie réelle. « Par exemple, accepter des quartiers prêtés par les Restos du cœur nous permet de travailler de la découpe à la mise sous vide, au détail. Une chose impossible avec les autres prêteurs ».

Entre la hache et le billot

Philippe Minet contrôle la « marche en avant ». Une bête qui passe le quai de déchargement ne fait aucun demi-tour dans le couloir, pour éviter de revenir sur des traces souillées. « Je veille aux bonnes pratiques et méthodes : la tenue, le lavage des mains avec un gel bactéricide, l’ordre de manutention des outils, le nettoyage des outils et des ateliers ». Ce bouillant personnage, très peu dans son bureau, n’hésite pas à prendre sous sa coupe un grand nombre d’élèves lorsque quatre de ses professeurs sur huit sont grippés. Et, quand il doit remplir les 89 pages liées au contrôle mensuel de l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca), il ronge son frein, laissant repointer le professionnalisme : « Nous avons dû mettre nos ateliers aux normes. Avec une cote moyenne de 9/10, cinq ans après ».

Tout son cheptel, il le mène à la baguette. Mais « quand un élève commet un dérapage, c’est moins la sanction que la discussion avec lui, avec ses parents et parfois son maitre de stage qui importe ». Mieux dans son élément entre les carcasses, il prend toutefois de la distance pour arbitrer ses professeurs. En chef. Et quand la direction prend une décision qui ne correspond pas au bon fonctionnement des ateliers, il l’interpelle. « Oui. Je suis entre la hache et le billot ».

Son horaire de 33 périodes ne suffit pas. De plus, foires, salons ou autres manifestations s’enchainent pour faire connaitre la section. En-dehors des heures de cours, le weekend, avec des groupes d’élèves. « Je ne connais pas le nombre de mes heures. Et si je demande à un professeur de prester, je suis le premier arrivé et le dernier parti ».

Diplômé à 15 ans, boucher durant huit ans, Philippe Minet est venu à l’enseignement en partie par amour d’une enseignante. Chef d’atelier à 30 ans, nommé après une formation, il a toujours été animé par la passion du travail bien fait, et à 54 ans, il va ranger ses couteaux. Sa succession l’inquiète : dans le réseau officiel, un enseignant d’une autre formation que la sienne peut postuler. « Cela me ferait mal si ce n’était plus un boucher… »

Plus tard, il ne tient pas à revenir dans son école, entendre quelqu’un lui demander : « Que puis-je pour vous, Monsieur ? » Il tournera la page. D’un coup, tranchant. Pour dévorer une seconde vie. À pleines dents.

Patrick DELMÉE

 

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