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Magazine PROF n°3

 

L'acteur 

« Je suis un passeur »

Article publié le 01 / 09 / 2009.

Éducateur de formation, Jean-Louis Lenoir pilote depuis trois ans les internats du centre d’enseignement secondaire de Soignies. Avec, comme plan de vol, le souci de faire vivre un projet éducatif axé sur la réussite des jeunes.

À le voir, chaussé de bottines de marche, on imaginerait bien Jean-Louis Lenoir parcourir des chemins campagnards de son pas lent, observant des oiseaux de passage. Au quotidien, ce passionné d’ornithologie, Tournaisien d’origine, gère les migrations de deux-cent-trente jeunes internes.

PROF : Quelle a été votre trajectoire ?
Jean-Louis Lenoir : Après mes études secondaires, je souhaitais m’orienter vers un travail de prévention au sein de la police. À la recherche d’une solide formation théorique et pratique, j’ai eu la chance d’atterrir à l’école d’éducateurs d’Aulne, où l’internat était obligatoire. Mon diplôme d’éducateur A1 et une formation en psychomotricité en poche, j’ai travaillé dans des instituts médico-pédagogiques avec des jeunes autistes, des caractériels, des délinquants, et dans un centre d’accueil pour toxicomanes, avant de décider de me réorienter vers des jeunes moins « en marge ». Venu occuper pour un an un poste d’éducateur à l’internat de Soignies, j’y suis resté quinze ans avant d’en devenir le directeur, tout en conservant une charge d’éducateur à tiers-temps.

Parmi les cent-trente-cinq internats (1), celui de Soignies fait figure de poids lourd. Quel est le profil des jeunes résidents ?
Les internes, qui représentent un petit 10 % de la population du centre d’enseignement secondaire, y sont répartis par tranches d’âges dans trois bâtiments. L’internat draine depuis bon nombre d’années des élèves des options techniquessports, qui bénéficient aussi des infrastructures sportives durant les soirées.

À cela se greffent de multiples profils : certains jeunes viennent à l’internat par tradition familiale, à cause de l’éloignement ou de l’indisponibilité de leurs parents, de l’éclatement de la famille, de diffi cultés scolaires,… Pour que la greffe prenne, il faut que l’interne adhère au projet. Même si je constate au fil des années un zapping dans les choix des jeunes… et des parents, la solidarité, la volonté de vivre et de fonctionner en groupe restent des moteurs solides du choix de vivre à l’internat.

Jean-Louis Lenoir, directeur d'internat : « Pour que la greffe prenne, il faut que l’interne adhère au projet ».
Jean-Louis Lenoir, directeur d'internat : « Pour que la greffe prenne, il faut que l’interne adhère au projet ».
© Belga/Olivier Papegnies

Quel est votre horaire quotidien ?
L’internat, c’est un peu le négatif de l’école : le rush dès 7 h 30 et après 16 h ; les weekends sont écourtés, retour des internes oblige ; et le mercredi après-midi est occupé par les contacts avec les parents. Les heures creuses sont consacrées notamment à des contacts avec les directions des trois écoles du centre scolaire (degré d’observation autonome, enseignement général, enseignement technique et professionnel). À cela s’ajoute mon emploi partiel d’éducateur pour les quatrièmes. Pour éviter une confusion des rôles, j’ai choisi de ne m’en occuper que durant les temps d’étude surveillée.

De l’éducateur au directeur des internats, est-ce un virage ?
Le fruit d’un cheminement personnel. Globalement, je suis chargé de la gestion de l’institution, du suivi du projet éducatif et de l’accompagnement de l’équipe éducative, composée de douze équivalents temps plein. Je suis donc devenu un intervenant de deuxième ligne. Cela offre d’autres avantages, notamment des contacts privilégiés avec les parents et avec les directions des écoles du centre scolaire.

L’internat étant une structure transversale, je joue le rôle de passeur. Je dois aussi garantir le suivi du projet éducatif en mettant des limites : l’internat n’est pas un institut médico-pédagogique, on ne peut donc y gérer certaines situations d’agressivité. Si un jeune n’arrive pas à s’adapter au système, s’il est susceptible de passer à l’acte, cela présente trop de risques. De même, nous ne pouvons accueillir un élève en rupture profonde de scolarité. Mais si le cas se présente, nous l’aiderons à trouver une orientation scolaire adaptée ou à opter pour la vie professionnelle, quitte à le réintégrer si l’expérience ne s’avère pas concluante. Pas toujours évident mais passionnant !

Il s’agit donc de gérer un milieu de vie…
L’atout de l’internat, c’est qu’il peut porter un regard sur l’ensemble de la personne du jeune. Derrière les problèmes, l’école repèrera vite un manque de travail et apportera des réponses fonctionnelles. Cela ne règlera sans doute pas tout, car la plupart des difficultés sont liées au savoirêtre plutôt qu’au savoir-faire. Le fait que ces élèves partagent une vie en groupe avec des référents réguliers dans un cadre plus large que les études permet de considérer les choses dans leur globalité.

Pour certains jeunes, l’échec scolaire est la seule manière d’exister : il est le résultat inévitable de l’image qu’ils ont d’eux-mêmes. Il y a donc tout un travail à réaliser en amont, qui donne du sens au travail de l’équipe éducative. Participant aux conseils de classe, les éducateurs peuvent apporter cet éclairage différent sur le jeune. Malheureusement, ces compétences à mettre en oeuvre par les éducateurs sont souvent étouffées par des problèmes de surcharge horaire ! Les contraintes budgétaires ne permettent pas de programmer des réunions hebdomadaires de coordination. Pour payer les salaires, l’entretien et le chauffage des bâtiments, la nourriture,… nous devons nous débrouiller avec les subventions accordées par la Communauté française et le montant demandé aux parents, soit 2 800 € par an (2). Chaque année, le risque d’une diminution du nombre d’internes met en péril cet équilibre délicat.

Votre plus grande satisfaction ?
Sans doute d’avoir réussi l’intégration des Ormes, l’internat des fi lles autrefois géré par des religieuses. C’était un fameux défi qui m’angoissait et m’enthousiasmait à la fois. Il fallait réussir la greffe tout en conservant pour les nouvelles venues des espaces de vie, des activités spécifiques. Et maintenir un système vertical (un seul groupe de la première à la sixième), la solidarité entre les âges s’installant chez les filles de manière plus spontanée. Aujourd’hui, quand je jette un regard dans le rétroviseur, quand je vois filles et garçons côte à côte lors d’un match de volley, c’est du pur bonheur !

Des gratifications ?
Il y a ces élèves qui, avant de quitter le navire, viennent me confier : « C’était génial, quand même !» Dans mon bureau, sous une photo qui montre le geste courageux d’un étudiant arrêtant, seul, une colonne de chars, en juin 1989 sur la Place Tien An Men, à Pékin, un jeune a écrit : « Croire en l’Homme et apprendre à en devenir un, voilà ce que tu m’as appris ».

Propos recueillis par
Catherine MOREAU

(1) En Wallonie et à Bruxelles, on compte 81 internats de la Communauté française, 42 du réseau libre, et 12 des Provinces.
(2) Les internats organisés par la Communauté française reçoivent une dotation forfaitaire de fonctionnement par élève tandis que les internats subventionnés reçoivent, eux, une subvention forfaitaire annuelle et une subvention de fonctionnement par interne. Le montant de la pension peut y atteindre au maximum le double du prix demandé dans les internats organisés par la Communauté française.

À bout portant

L’école idéale ?
Celle où le jeune peut s’approprier son projet.

Votre lecture préférée ?
Jean-François Parot, l’auteur des enquêtes de Nicolas Le Floch, et Carlos Ruiz Zafón (L’Ombre du vent).

Votre plat préféré ?
Les salades.

Votre lieu préféré ?
Les Alpilles.

Une qualité de votre public ?
La transparence, l’honnêteté des internes.

Une qualité de vos collègues ?
La capacité d’écoute.

Une passion ?
Pendant trente ans, je me suis occupé de louveteaux. Une manière bénévole de rendre tout ce que les jeunes m’ont apporté dans mon travail.

Un rêve ?
Partir en Australie pour y explorer la nature et ramener des objets insolites.

Votre devise ?
Ne jamais subir.

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