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Magazine PROF n°2

 

 

« La médiation à Bruxelles, un service unique au monde »

Article publié le 01 / 06 / 2009.

La médiation scolaire est apparue en Communauté française dans les années ‘90 : un métier nouveau, en construction, en débat. Pour en parler, PROF invite Fabian De Brier, du Service de médiation scolaire de Bruxelles-Capitale, auquel les établissements bruxellois sont libres d’adhérer ou non.

Collier et moustache poivre et sel, crinière noire, Fabian De Brier s’habille en pull et jeans, dans des couleurs sombres, neutres, diront certains. Cela colle bien avec son sens de l’écoute et son regard brun très zen. Mais contraste avec le langage de ses mains qui se passionnent au fur et à mesure des confidences sur son métier.

PROF : Avant la médiation, quel a été votre parcours ?
Fabian De Brier :
Bruxellois un jour, Bruxellois toujours. Je suis assez casanier. Je suis né il y a 45 ans, j’ai grandi et fait mes études en psychologie et pédagogie à Bruxelles. Après quatre ans de psychologie clinique à Bordet, j’ai opté pour l’enseignement. J’ai d’abord travaillé comme professeur à l’Institut de la Providence.

Fabian De Brier :  « La médiation, c’est comme un espace vide, mais un vide opérant, qui permet de faire bouger les choses, de retrouver le milieu, où les choses se passent ».
Fabian De Brier : « La médiation, c’est comme un espace vide, mais un vide opérant, qui permet de faire bouger les choses, de retrouver le milieu, où les choses se passent ».
© PROF/FWB

Quel est le paysage de la médiation scolaire ?
En 2004, un décret a créé les équipes mobiles qui, sur appel des directions et des pouvoirs organisateurs de l’ordinaire et du spécialisé, gèrent surtout les situations de crise ou les conflits entre adultes au sein du personnel. En 1998, un autre texte avait donné naissance à deux services de médiation, pour la Wallonie et pour Bruxelles, qui interviennent dans le secondaire ordinaire et (moins souvent) dans le fondamental ordinaire, prioritairement dans les établissements en D+. Ils ont pour but de prévenir la violence et le décrochage scolaire. En Région wallonne, il s’agit d’intervenants externes. À Bruxelles, ils travaillent au sein des écoles. Je fais partie de ces derniers.

Comment êtes-vous entré dans ce service ?
À mon arrivée à la Providence, il y avait déjà un projet pilote de médiation suivi par l’ULB. Le projet, le cahier des charges et la différence par rapport à la psychologie classique m’ont intéressé. Ensuite, le ministre de l’Enseignement de l’époque a décidé d’engager vingt-huit médiateurs pour vingt écoles : j’ai postulé. J’ai travaillé dix ans à la Providence. Et depuis cinq ans, je suis présent, avec un collègue, pour les 1 400 élèves de l'Athénée Serge Creuz. On n’est pas attachés ad vitam à une école, d’autant plus que le service compte aujourd’hui cinquante-six agents pour quarante-et-une écoles.

Comment définissez-vous la médiation ?
Le logo de notre service représente un « taquin », un puzzle où il manque une pièce. La médiation, c’est comme un espace vide, mais un vide opérant, qui permet de faire bouger les choses, de retrouver le milieu, où les choses se passent. Si le décret nous charge de prévenir la violence et le décrochage, il ne définit pas ce qu’est la médiation. À plusieurs, nous avons entrepris de construire ce concept : une offre libre ouverte qui n’a pas d’objectif au-delà de ce que chacun apporte. Elle peut avoir des effets positifs et préventifs. Ils seront plus forts car plus intériorisés. Mais la prévention n’est pas mon objectif systématique. Dans une logique coopérative, le demandeur (il peut s’agir d’un groupe) formule son conflit, son impasse relationnelle, son problème. Aux autres acteurs de ce blocage, le tiers va formuler une invitation au dialogue, douce, non harcelante, en laissant toujours la possibilité – difficile mais toute légitime - de refuser. C’est une logique rare à l’école.

Vous êtes l’un des animateurs du site mediationscolaire.be (1), vous y utilisez l’expression « détour par le milieu ».
Le terme « médiation » est polysémique. On y retrouve « medius » le milieu, et « médiat », en opposition à « immédiat », qui permet un décalage, dans le temps, avec un tiers, une autre vision. Mais pour revenir à la relation, la médiation vise sa propre disparition dans le travail.

Quels sont les outils nécessaires ?
Dans une école demandeuse, il faut un local qui permet une permanence et une disponibilité, une table ronde, quelques chaises, un ordinateur, un accès internet. Et même si la neutralité totale est impossible, il faut montrer une certaine distance, par rapport à l’institution et ses divers composants. Je ne dine pas systématiquement en salle des professeurs, par exemple. Je ne participe pas aux réunions de l’équipe éducative.

Comment évolue votre métier ?
La médiation est toute neuve. Elle évolue beaucoup. Il y a quinze ans, j’étais plus un casque bleu qui intervenait pour calmer et gérer la discipline et l’accrochage grâce à la communication au service de la gestion de conflits. Beaucoup estiment qu’il faut continuer dans cette voie. J’ai opté, avec quelques autres, pour un type d’accompagnement différent.

Et ça marche ?
Les sollicitations sont nombreuses. Du côté des élèves et un peu moins de la part des parents et des professeurs. Environ 400 entretiens préalables par an, deux par jour, avec une réponse dans les 48 heures à chaque sollicitation. Avec des demandes de tous ordres. Parfois toutes simples. Parfois qui dépassent le cadre scolaire. Parfois parce que la porte est ouverte et que la personne est en crise. Il faut aussi que cela fonctionne sur les points chauds. Un élève exclu peut demander la médiation. Il n’est pas rare de rouvrir le dossier pour revoir certains éléments. Quand cela se sait, cela renforce notre image de neutralité et de non-violence.

Et en cas de refus ou d’échec ?
Le médiateur en informe le demandeur et peut lui indiquer des pistes, notamment juridiques. Mais il ne peut l’accompagner trop loin sans entrer dans une logique d’alliance contraire à sa neutralité.

C’est un métier de solitaire ?
Même s’il faut aimer la solitude, non. Parmi mes 36 heures de prestation, je peux en libérer neuf en-dehors de l’école. Je rencontre alors mes collègues directs lors d’analyse de cas en intervision ou de séminaires théoriques. Nous débattons beaucoup de notre métier. Je vais aussi vers des institutions, comme les communes, et vers les étudiants pour les informer de mon travail. Aujourd’hui, il existe des formations spécifiques à la médiation en formation post-baccalauréat ou post-master.

Sur quoi voulez-vous insister ?
Des conflits peuvent fâcher l’école. Il est arrivé que certains établissements renoncent à la présence d’un médiateur du Service en son sein. Il peut y avoir des malentendus dans un métier qui se construit. Mais la plupart des écoles jouent le jeu. Et les évaluations menées auprès des directeurs d’école sont en général positives. Neutralité. Indépendance. Sans apriori. Une formule assez audacieuse. Je ne connais pas d’autre service comme le nôtre au monde.

Propos recueillis par
Patrick DELMÉE

(1) http://www.mediation-scolaire.be. Par ailleurs, un Guide de la médiation scolaire en Région de Bruxelles-Capitale est disponible sur demande auprès de la Direction générale de l’Enseignement obligatoire (02 / 690 88 65).

À bout portant

Une qualité ? La tempérance.
Un défaut ? La paresse, l’indolence.
L’école idéale ? Une école bancale : je n’aime pas les systèmes qui s’idéalisent.
Votre lecture préférée ? La poésie contemporaine. Par exemple le Bruxellois William Cliff.
Votre plat préféré ? Le stoemp.
Votre lieu préféré ? Bruxelles et surtout l’ascenseur près du palais de justice.
Une qualité de votre public ? Les personnes s’offrent à la médiation, osent le faire et sont ce qu’elles sont.
Une qualité de mes collègues ? La franchise, l’humour, leur présence.
Un motif de satisfaction ? La petite épiphanie de l’idée quand j’ai trouvé quelque chose de créatif. Mon travail original.
Votre devise ? Pratiquant mais pas croyant. L’idéologie m’effraie. Je lui préfère la pratique coopérative directe.

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