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Magazine PROF n°47

 

Libres propros 

Une école inclusive en marche

Article publié le 12 / 09 / 2020.

Cette rubrique invite un/des expert(s) à faire part d’un message jugé important dans le contexte actuel. Ghislain Magerotte, professeur émérite de l’UMons, et Jean-Pierre Coenen, instituteur et président de la Ligue des droits de l’enfant, évoquent ici la marche vers une école inclusive.

L’école inclusive fait l’objet d’un intérêt grandissant en Fédération Wallonie-Bruxelles. En effet, le Pacte pour un Enseignement d’excellence a proposé de développer une école inclusive, articulée autour d’une collaboration entre les équipes spécialisées et les équipes ordinaires.

Celle-ci se met en route d’abord selon quatre modalités, avec l’intention d’inscrire ce mouvement dans une perspective systémique via la mise en place des Pôles territoriaux, proposée également par le Pacte. 

Jean-Pierre Coenen (à gauche) et Ghislain Magerotte (à droite) évoquent la marche vers une école inclusive.
Jean-Pierre Coenen (à gauche) et Ghislain Magerotte (à droite) évoquent la marche vers une école inclusive.

Collaboration entre équipes ordinaires et spécialisées 

Si des intégrations d’élèves à besoins spécifiques existent depuis la loi sur l’enseignement spécial le 6 juillet 1970, c’est le décret de 2004, revu en 2011, qui a détaillé les modalités d’une intégration des élèves relevant de tous les types d’enseignement via quatre modalités : partielle ou totale, temporaire ou permanente (1).

Ces intégrations sont assurées via une collaboration du personnel de l’enseignement spécialisé au sein de l’école ordinaire pour un nombre limité d’heures (par exemple 4h/semaine dans l’enseignement fondamental).

Si les intégrations partielles, qu’elles soient temporaires ou permanentes, ne rencontrent pas beaucoup de succès (51 en 2017-2018), les interventions totales sont davantage mises en place (4 248 en 2017-2018). Cependant, elles se heurtent aux difficultés d’organiser et de coordonner les interventions de professionnels issus des deux systèmes d’enseignement.

De plus, plusieurs interrogations subsistent portant sur le nombre d’heures effectivement prestées par le personnel de l’enseignement spécialisé, sur les catégories des personnels assurant ces intégrations, sur les stratégies employées par ces professionnels, sur les relations entre les élèves à besoins spécifiques et les élèves ordinaires et enfin sur les répercussions qu’ont ces stratégies de collaboration sur le travail des équipes de l’enseignement ordinaire, dans une optique inclusive.

En résumé, ces collaborations sont-elles un moyen d’introduire progressivement une approche inclusive dans l’école ordinaire ?

Vers une école inclusive grâce aux aménagements raisonnables 

La notion d’aménagements raisonnables (AR) vise « l'accueil, l'accompagnement et le maintien dans l'enseignement ordinaire fondamental et secondaire des élèves présentant des besoins spécifiques » et concerne des aménagements « appropriés, pour autant que sa situation ne rende pas indispensable une prise en charge par l'enseignement spécialisé selon les dispositions du décret du 3 mars 2004 organisant l'enseignement spécialisé ».

Sont donc principalement visés ici les élèves relevant, ou susceptibles de relever, des types d’enseignement 1, 3 et surtout du type 8 ne nécessitant pas un accueil dans l’enseignement spécialisé.

Ces aménagements peuvent être de trois types : matériels (infrastructures et locaux scolaires ainsi qu’à leur accessibilité, notamment l’utilisation d’un outil informatique), organisationnels (la grille-horaire de l’élève, les groupes-cours, la passation des épreuves internes et externes) ou pédagogiques (méthodes, supports et contextes d’apprentissage).

Dans la perspective du soutien à l’accueil des élèves à besoins spécifiques, le Ministère a mis au point une « typologie des aménagements raisonnables pour les élèves à besoins spécifiques en enseignement ordinaire » concernant tous les publics d’élèves à besoins spécifiques, malheureusement, sans les associer aux trois critères : matériels, organisationnels et pédagogiques.

Parmi les AR obligatoires, on retrouve l’accompagnement d’un intervenant ayant une expertise dans le domaine concerné, le Programme d’Apprentissage Individualisé, un tutorat avec les pairs, l’utilisation de l’outil informatique et de logiciels spécifiques, ainsi qu’une utilisation de ces aménagements lors de toute évaluation. Ce sont en somme des aménagements transversaux qui s’appliquent à tous les établissements scolaires. À noter que certains aménagements peuvent aussi concerner les élèves de l’enseignement spécialisé.

Vers une école inclusive, via les classes/unités à visée inclusive ? 

Le décret du 2 mai 2019 et la circulaire 7190 proposent de favoriser le développement des « Classes/Implantations à visée inclusive », à l’intention d’élèves relevant de l’enseignement de type 2 (un retard mental modéré ou sévère, avec ou sans autisme) ou de type 3 (les élèves ayant des troubles du comportement avec autisme).

Le but de ces classes est de « favoriser la mise sur pied de collaborations et de partenariats entre les écoles de l’enseignement ordinaire et celles de l’enseignement spécialisé, et de développer des moments de temps partagé entre les élèves qui fréquentent ces deux types d’enseignement, et ce dès l’enseignement maternel. »

De ce fait, elles visent l’« inclusion sociale et relationnelle en vue d’acquérir divers apprentissages dans un milieu scolaire de vie ordinaire » ainsi que « de mettre en place une pédagogie adaptée » (2). Enfin, la gratuité du transport scolaire entre le domicile des élèves et l’implantation est prévue lorsque l’implantation dispose d’un numéro FASE accompagné de la mention « implantation à visée inclusive ».

Cette pratique de classes à visée inclusive concerne actuellement treize classes ou implantations à visée inclusive. Aussi, le développement de cette stratégie mérite une grande attention vu leur « visée inclusive », notamment en termes de stratégies d’enseignement améliorant cette visée inclusive de l’école d’accueil, en termes d’animation des interactions entre les élèves 
« ordinaires » et à besoins spécifiques et en termes de répercussions sur leur vécu personnel et de rapprochement des parents de cette école d’accueil.

Finalement, le développement de ces classes/implantations à visée inclusive, via une convention entre deux pouvoirs organisateurs, devrait répondre à cette question essentielle : s’inscrit-il dans un engagement « vers une école inclusive » où les deux équipes travaillent ensemble ?

Une réponse à cette question est au cœur de la mission des demi-charges d’enseignement qui, à partir de septembre 2020, seront notamment chargées « […] de chercher et de développer les synergies nécessaires à l’inclusion progressive des élèves dans l’enseignement ordinaire, de préparer les séquences de cours pour placer l’enfant dans une situation de réussite, de proposer des hypothèses de travail, de gérer les arrivées et départs de l’école, de développer des contacts privilégiés avec les deux directions et d’informer les membres du personnel de l’enseignement ordinaire sur l’implantation à visée inclusive. »

En d’autres mots, les écoles ordinaires qui accueillent une telle classe/implantation s’engagent-elles à devenir des écoles inclusives ?

Vers une école inclusive dans le cadre des Pôles territoriaux 

Afin de renforcer la collaboration entre les équipes ordinaires et spécialisées, le Pacte pour un Enseignement d’excellence a proposé de constituer des Pôles territoriaux consistant à regrouper les écoles d’un territoire déterminé, y compris donc aussi les écoles spécialisées, et à mettre ce personnel spécialisé à disposition des écoles ordinaires accueillant des élèves à besoins spécifiques grâce à des « centres de ressources spécialisés » et une « mutualisation des moyens d’inclusion ».

Cette mutualisation des moyens devrait « garantir la qualité de l’encadrement et de l’accompagnement que les établissements du pôle territorial pourront proposer pour tenir compte des besoins spécifiques des élèves ».

Ces pôles pourraient aussi être mis en place sur base volontaire en inter-réseaux, « en particulier dans les zones dans lesquelles le nombre d’élèves concernés et, par voie de conséquence, les moyens alloués n’atteignent pas le niveau critique minimum ». Ce mouvement permettra de développer une école inclusive, accueillant tous les élèves (y compris ceux à besoins spécifiques) d’un environnement proche, bénéficiant d’une collaboration soutenue entre des équipes (ordinaire et spécialisée, de l’AViQ, Phare et l’Inami) et s’engageant dans une transformation systémique des contenus, méthodes d'enseignement, approches, structures et stratégies en éducation.

Cette organisation des Pôles territoriaux permettrait aux élèves à besoins spécifiques de fréquenter une école ordinaire plus proche de leur domicile, de réduire les frais de transport scolaire et de favoriser leur inclusion sociale (3)

Conclusion 

Si la présentation de ces initiatives a permis de faire un premier état des lieux du mouvement en faveur d’une école inclusive, plusieurs préoccupations concrètes sont à rencontrer aujourd’hui :
•  une analyse des référentiels de compétence, en particulier de l’enseignement maternel, afin de voir leur adaptation aux élèves à besoins spécifiques et aux stratégies pédagogiques à utiliser dans une école inclusive ;
•  une attention particulière à la contractualisation dans le cadre du Plan de pilotage et à la prise en compte de l’objectif 
d’inclusion ;
•  une révision des modalités d’évaluation des besoins spécifiques réalisées par les Centres PMS et organismes habilités ainsi que par les spécialistes dans le domaine médical, paramédical ou psycho-médical, et passer d’une vision individuelle du handicap à une vision davantage sociétale en ne se limitant pas à une évaluation des déficiences ou incapacités mais aussi des obstacles comportementaux et environnementaux à une participation pleine et entière à la vie scolaire.

Dans ces conditions, une collaboration de tous les acteurs s’impose : le pouvoir politique, les pouvoirs organisateurs et des directions, les équipes pédagogiques de l’école ordinaire et de l’enseignement spécialisé, les parents et les élèves et dans le cadre d’une communication régulière et de qualité entre toutes les parties.

Ghislain MAGEROTTE et Jean-Pierre COENEN

 

(1)  Des modifications importantes sont survenues suite à la crise du Covid-19 , qui « n’a pas permis la signature de tous les protocoles d’intégration temporaire totale permettant un passage vers l’intégration permanente totale » , explique la circulaire 7608 du 9 juin 2020, qui a permis de « déroger au délai prescrit dans le cadre du passage automatique de l’intégration temporaire totale vers l’intégration permanente ». De plus, il est prévu de «  mettre  fin  aux  dispositions  relatives  à  la  fin  du  mécanisme  
actuel de  l’intégration  temporaire totale à partir du 1er septembre 2020
» (cf. circulaire 7609).

(2)  La circulaire 7609 du 9 juin 2020 prévoit également l’octroi de 250 périodes complémentaires afin d’encourager des dispositifs qui prévoient la mise en place de pédagogies adaptées dans l’enseignement spécialisé. Cela concerne notamment l’enseignement aux élèves avec autisme. 

(3)  De plus, la création des premiers pôles territoriaux est prévue à partir de l’année scolaire 2021-2022. La circulaire 7609 indique que « pendant une année scolaire transitoire, des périodes complémentaires seront octroyées aux écoles d’enseignement spécialisé afin de maintenir et d’encourager des dispositifs qui  prévoient une prise en charge coordonnée des élèves en intégration. Un nombre maximum de 30 postes de coordination à charge complète est prévu dans le cadre de cet appel à projets ».

En deux mots

Jean-Pierre Coenen est instituteur depuis 44 ans et préside la Ligue des droits de l’enfant. Il coordonne la plateforme de lutte contre l’échec scolaire depuis 17 ans, et la plateforme pour une école inclusive depuis 20 ans.

Ghislain Magerotte est professeur émérite de la Faculté de Psychologie et des sciences de l’Éducation de l’Université de Mons. Il participe actuellement aux enseignements interuniversitaires en autisme (ULB) et en double diagnostic (UNamur).

M. Magerotte est également actif dans plusieurs associations de parents de personnes avec un handicap et à la Ligue des droits de l’enfant, en particulier pour développer une école inclusive.

Parmi ses publications, comme auteur ou co-auteur, mentionnons : 

•  MAGEROTTE G. & PAQUOT D. (2019), « Vers une école inclusive en Fédération Wallonie-Bruxelles. Pour une collaboration entre les équipes de l’enseignement spécialisé et de l’enseignement ordinaire », article paru dans La Revue nouvelle, 74 (7), 83-92, disponible sur demande via ghislain.magerotte@umons.ac.be
•  MAGEROTTE G., DEPREZ M. & MONTREUIL N., Pratique de l’intervention individualisée tout au long de la vie. 2e édition (coll. questions de personne), Bruxelles, De Boeck Supérieur, 2014.
 

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